INTERVIEW

Véronique Sanson en interview

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En tournée depuis plusieurs mois avec son dernier albumDignes, dingues, donc…, l’interprète d’Amoureuse, Chanson sur une drôle de vie ou encore Rien que de l’eau fête cette année ses 50 ans de carrière. Depuis 67 et le premier 45 tours de son groupe Les Roche Martin qui chantait à l’époque Miss Gaffe, force est d’admettre que Véronique Sanson a fait un chemin assez incroyable tout en conservant, aussi intact et pur qu’à ses débuts, son amour pour la musique. Auteure, compositrice, chanteuse et pianiste qui a marqué au fer rouge le répertoire français avec sa quinzaine d’opus, la femme qu’elle est du haut de tout son talent et de sa renommée est loin de s’amuser à jouer les divas. Bien ancrée dans le même monde que celui de ceux qui chantent en choeur avec elle pendant ses concerts, son répertoire se fait le reflet de ses craintes en l’avenir mais aussi de cet instinct de survie qui nous poussera peut-être un jour à reconstruire une société plus équilibrée et plus saine…


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En concert à Saint-Raphaël le 13 juillet 2021 pour le festival Les Lives de Saint-Raphaël & à Solliès-Pont le 17 juillet 2021 pour le Festival du Château

 

À Marseille les 16 et 17 novembre 2017 • À Nice le 18 novembre 2017

Deux ouvrages lui sont consacrés : 

Un sourire pour de vrai de Laurent Del Bono (paru le 19 octobre chez Prisma)

Avec elle de Daniel Schick  (paru le 26 octobre 2017 chez Plon)

 

« Le temps qui passe nous offre une meilleure connaissance de nous-mêmes… »

Morgane Las Dit Peisson : Votre tournée ressemble à un marathon…

Véronique Sanson : Oui mais vous savez c’est merveilleux et c’est ça qui me fait vivre ! Avec les tournées, on apprend à connaître son pays, on rencontre des gens, on échange, on s’enrichit et on se fabrique des souvenirs… Et puis surtout, savoir que les gens sont au rendez-vous un peu partout en France, que les trois dates prévues à la Salle Pleyel sont complètes et qu’on passera dix jours à l’Olympia, ça me remplit tellement de joie que ça me rebooste quand je fatigue un peu !

C’est d’ailleurs ce bonheur qu’on ressent à l’écoute de votre album Dignes, dingues, donc

C’est vrai qu’il y a une bonne humeur, un humour et une autodérision dans certains des titres de cet album comme par exemple La loi des poules qui est encore plus drôle quand elle est chantée par toute une salle entière ! (rires)

D’ailleurs, sur la pochette, on vous voit en train d’éclater de rire…

Je crois en effet qu’elle colle bien à l’atmosphère de Dignes, dingues, donc… et qu’elle offre une autre image de moi que celle de l’interprète de Paradis blanc et Besoin de personne… Cette photo, c’est vraiment moi aujourd’hui avec mon tempérament, mon âge, mes rides. Je l’ai choisie non pas parce que je m’y trouvais plus belle que sur une autre, mais parce qu’il s’agit d’un réel et sincère éclat de rire ! Je n’avais pas envie de me retrouver avec une photo du temps de Salut les copains ! (rires)

L’écoute de l’album confirme qu’il fait du bien à l’âme…

Et pourtant, il y a aussi des chansons dont les thèmes sont malheureusement beaucoup moins drôles, comme Docteur Jedi et Mr Kill qui traite de la violence faite aux femmes. C’est l’histoire d’une femme qui tue son mari à coups de couteau parce qu’elle en a marre de se faire frapper et humilier… Ce titre n’est pas un appel au meurtre mais c’est dramatique de penser que pour certaines de nos concitoyennes, l’assassinat de leur tortionnaire serait peut-être leur unique moyen de survie… Il faut les défendre et les aider car même si elles trouvent le courage d’aller porter plainte, on se fout d’elles comme si elles étaient responsables de la violence de leurs compagnons ! Une grande partie d’entre elles n’osent pas entamer de procédure car elles ont peur des représailles et savent pertinemment que légalement, rien ne les protègera en sortant du commissariat… Et ça peut durer des années… En ce moment, on médiatise l’affaire Weinstein parce qu’il est connu mais il faut bien garder à l’esprit que des mecs comme lui, il y en a partout, dans tous les secteurs d’activité.

Dans Des X et des I Grecs, vous dites Je suis tout ce que je déteste, les ténèbres et la lumière… C’est le temps qui nous permet de mieux assumer ce que l’on est ?

Il y a toujours du bon et du mauvais dans tout alors en effet, vieillir n’est pas que quelque chose de négatif ! (rires) Je n’aurais pas pu chanter ça à vingt ans  car le temps qui passe nous offre une meilleure connaissance de nous-mêmes et surtout une meilleure acceptation de ce que l’on représente dans notre ensemble. Mais quand je réalise que dans deux ans j’aurai 70 ans, je n’en reviens pas quand même ! (rires)

Le temps, cette chose inébranlable, possède le plus épouvantables des pouvoirs, celui de nous anéantir… Dès qu’on naît, on est voué à mourir car chaque seconde qui passe nous vieillit et nous conduit vers une inexorable fin… C’est effrayant quand on se met à y penser – heureusement qu’on y pense pas tout le temps (rires) – parce que ça pose évidemment la question de notre utilité sur terre. Puisqu’on connaît la fin, pourquoi se débattre et faire autant de choses abominables ou formidables tout le temps ? Même Jean d’Ormesson dans son Guide des égarés n’a pas trouvé la réponse ! (rires)

Vos 50 années de carrière ont été très remplies en tous cas…

Elles ont été tellement enrichissantes que je suis heureuse de les avoir vécues. Bien sûr, comme tout le monde, j’ai connu d’horribles misères mais aussi d’incroyables bonheurs et ce sont d’ailleurs ces derniers que je retiens… On s’accroche toujours aux bons souvenirs, on a tous tendance à occulter, à la longue, nos misères, nos malheurs et nos déceptions, je crois même que c’est le fruit d’un instinct de survie ! 

Vous faites partie d’une génération qui a vécu dans une société qui semblait meilleure…

On n’est jamais très objectif sur son passé mais ce qui est sûr, c’est qu’en ce moment, j’ai une espèce de dégoût infâme de l’humanité… On nous empoisonne ce qu’on mange, ce qu’on respire, ce qu’on boit et les autorités s’en foutent royalement puisque ça rapporte ! On est en train de mourir à petit feu sous la rentabilité, le profit et un capitalisme poussé à l’extrême. L’être humain est toujours excessif et va toujours trop loin… J’en veux mortellement à ceux qui dirigent Monsanto et à ceux qui les laissent faire car nous, en bout de chaîne, on finit par ne plus avoir d’autres choix que d’avaler des atrocités qu’on nous vend d’ailleurs plus cher parce que c’est écrit « bio » dessus bien que ce ne soit pas tellement plus naturel et sain pour la santé ! Je suis consciente qu’on ne peut pas stopper le processus tout à coup, que des millions de gens se retrouveraient au chômage mais il doit bien exister des alternatives pour revenir à des pratiques plus logiques et plus humaines…

Deux ouvrages viennent de sortir sur vous…

Ils sont très différents l’un de l’autre, ce sont deux facettes de ma personnalité… Il y a d’un côté une interprétation de ce que je suis et de l’autre une biographie. Pour que Laurent Del Bono et Daniel Schick puissent écrire, je me suis évidemment confiée mais je n’ai dit que des trucs que je pense vraiment et que j’avais envie de faire savoir alors il ne faut pas que les gens s’attendent à des révélations absolument incroyables ! (rires) Ces livres ne sont pas croustillants, ils révèlent juste avec vérité ce que je suis en tant que femme.

Elle, c’est Véronique Sanson, profonde et facétieuse, indomptable, déterminée, libre, en rage souvent, douce toujours…

C’est très joli, subtil et puis c’est assez vrai ce qu’à écrit Daniel Schick. L’indomptabilité et la détermination dont il parle me viennent, je crois, de ce que nous ont inculqué – à ma soeur et moi – nos parents qui étaient de grands Résistants de la première heure. Ils étaient profondément bons et droits et nous ont appris le sens de l’honneur, de la dignité et du secret.

Ce qui me frappe chez vous c’est que vous écrivez, vous composez  et vous vous livrez avec pudeur…

Ça aurait été indigne de mon éducation de pratiquer le déballage… Pour en savoir plus sur moi, il faut en général s’attarder sur la deuxième lecture des textes car si on se penche dessus, on comprend pas mal de choses. Même moi, quand je chante une chanson sur scène, il m’arrive de comprendre d’un coup ce que ça veut réellement dire alors que je l’ai écrite quinze ans auparavant… (rires) J’exagère un peu mais c’est vrai que je me laisse parfois surprendre par des mots qui, avec le temps passé ou selon les évènements extérieurs ou encore mes états d’âme du moment, vont résonner en moi différemment… Le drame c’est que je partirais peut-être avant d’avoir saisi tous les sens de mes derniers textes… 

Vous savez qu’il y a de plus en plus de centenaires…

Oh non je n’ai pas envie d’être centenaire ! (rires) Je ne cherche pas à repousser l’échéance au maximum car ce n’est pas ma mort qui me fait peur, c’est celle des autres. D’ailleurs, l’âge avançant, c’est quelque chose dont je prends de plus en plus conscience et ça fait que je commence à me bouger un peu pour rappeler des gens que je n’ai pas vus depuis très longtemps. On le disait tout à l’heure, le temps passe trop vite et maintenant j’ai la trouille que les gens que j’aime disparaissent sans que j’ai pris le temps de passer les voir ou les rappeler. Dernièrement,  j’ai retrouvé un message de Jean Rochefort qui me confirmait qu’il serait présent à l’Olympia. Je ne lui ai pas répondu tout de suite pensant que je le verrai en décembre… La mort de mes copains et de ma famille, c’est une pensée terrible. Si ma sœur mourait avant moi, je crois d’ailleurs que je n’y survivrais pas…

En dévoilant vos craintes et vos souffrances, vous aidez les gens qui vous écoutent…

Parler de ses peines peut paraître égocentrique au début mais avec l’expérience, je me suis aperçue qu’aussi personnelles qu’elles soient, elles parlent à tout le monde car, à quelque chose près, on vit tous les mêmes souffrances… J’ai écrit des chansons toute ma vie pour me soulager bien sûr mais aussi pour aider tous ceux qui se reconnaissent dedans. Je reçois souvent des mails qui rejoignent ce que vous dites et ça fait un bien fou de savoir qu’on peut parfois être utile avec une simple chanson…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Stéphane de Bourgies

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