INTERVIEW
Thierry Beccaro en interview
Bien que connu par des millions de français depuis une trentaine d’années pour son rôle d’animateur télé, Thierry Beccaro n’a pas passé tout son temps enfermé dans un petit écran ! Également comédien, c’est en grande partie sur les planches qu’on peut le retrouver régulièrement depuis les années 90 autant dans du classique que du boulevard. Actuellement en tournée aux côtés d’Alexandra Vandernoot dans la pièce L’un n’empêche pas l’autre, il vient également de faire paraître une autobiographie, Je suis né à 17 ans, dans laquelle, pour la toute première fois, il livre un témoignage sur son enfance et sur les maltraitances physiques et morales qu’il a subies. Désirant, en en parlant, aider tous ceux qui ont connu les mêmes souffrances, sa bonté et sa réussite prouvent que quoi qu’il advienne, on peut rester maître de son destin.
Thierry Beccaro pour son autobiographie « Je suis né à 17 ans » parue le 15 février chez Plon
« Le conflit est quelque chose qui me fait très peur… »
Morgane Las Dit Peisson : On vous a vu au théâtre le mois dernier dans L’un n’empêche pas l’autre…
Thierry Beccaro : C’est une jolie comédie sentimentale sur l’histoire d’un couple qui se retrouve à devoir faire face à une pathologie assez rare. On va voir comment le mari et la femme vont tenter de s’en sortir et pour agrémenter le tout, on a du comique de répétition, de la drôlerie mais aussi beaucoup de tendresse. C’est une pièce savoureuse et très actuelle qui évoque les non-dits qui existent dans tous les couples.
En comédien comme en présentateur de Motus depuis 28 ans, on ressent votre empathie et votre intérêt pour les gens…
Vous ne pouvez pas savoir comme ça me va droit au cœur ! On me demande souvent si je me sers d’un prompteur ou si, après bientôt 30 ans, je ne suis pas lassé de cette émission… Mais non ! Je joue et je m’appuis sur les candidats, sur ce qu’ils sont, sur ce qu’ils vont me proposer, sur leur timidité, leurs peurs, leurs trucs un peu exubérants, leur humour ou leur réserve et c’est ça qui est passionnant ! Ce qui m’intéresse le plus dans tout ce que je fais, c’est en effet l’humain…
Vous recevez des gens qui ne sont pas habitués aux plateaux de télé et vous faites toujours en sorte de les mettre à l’aise…
C’est vrai que jamais je ne pourrais mettre un candidat mal à l’aise… C’est plus fort que moi, je ne supporte pas de faire du mal aux gens… J’ai publié un livre – Je suis né à 17 ans – qui évoque ma vie, de mon enfance à aujourd’hui. J’y aborde des choses dont je n’avais jamais osé parler avant. Ce n’est pas dans le but de me faire plaindre mais uniquement en espérant que ça pourra aider d’autres personnes. L’enfance est la colonne vertébrale de tout parcours de vie. Ce que j’ai vécu avec mon père a fait de moi ce que je suis et m’a certainement rendu plus sensible et bienveillant que je ne l’aurais été sans cette souffrance… Je ne prône pas le béni-oui-oui mais c’est plus fort que moi, j’ai besoin de prendre soin des gens, je veux qu’ils se sentent bien accueillis… Le conflit est quelque chose qui me fait très peur alors je le fuis comme la peste !
Pourquoi parler seulement maintenant, à 60 ans, des maltraitances subies pendant l’enfance ?
Monique Cara, qui m’a mis le pied à l’étrier avec l’émission Matin Bonheur, m’a dit que je devrais raconter mon parcours, elle était sûre que ça pourrait aider des gens… Ça a été un déclic et ça a surtout été la seule raison… À mon âge, ma carrière est faite, je n’ai pas besoin de faire du buzz. Me raconter pour me raconter n’a strictement aucun intérêt mais prouver à des gens meurtris, adultes ou enfants, que bien qu’on n’oublie jamais, on peut s’en sortir et faire quelque chose de sa vie, ça, ça a du sens. J’ai mis du temps car on ne peut en parler que quand c’est bien évacué, compris, intégré et qu’on a trouvé la force de pardonner…
Ça peut aussi aider des parents qui se sentent partir du mauvais côté…
J’aimerais que ces gens bordeline et certainement en souffrance eux aussi le lisent bien sûr… Qu’ils prennent conscience que les coups, les petites phrases assassines, les gifles et les humiliations ne donnent rien d’autre que des adultes fragilisés, fracassés, qui ont du mal à avancer dans la vie… C’est un livre sans concessions où je dis tout, de la peur à la douleur en passant par le terrible manque de confiance en soi...
Et étrangement, vous avez choisi d’avoluer dans un milieu réputé pour être un « panier de crabes »…
C’est vrai qu’avec le recul, le milieu de la télé aurait pu m’anéantir… Il y a un tel concentré d’egos et de coups bas que j’aurais pu perdre le peu de confiance en moi et en l’espèce humaine qu’il me restait… Mais j’ai toujours fait en sorte de rester le plus professionnel possible sans que personne ne soit au courant de mon passé et sans prendre part aux petites luttes internes… Dans la préface du livre, j’ai ajouté une citation que j’adore de Prévert : « Et si on essayait d’être heureux, ne serait ce que pour donner l’exemple ! »… Ça résume assez bien, je crois, toute ma démarche…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Astrid di Crollalanza
Interview parue dans les éditions #1 et #2 du mois de mars 2018
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