COUPS DE COEUR

« Invisibili » d’Aurélien Bory : une rencontre avec la mort pour profiter de la vie

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Invisibili d’Aurélien Bory au Carré Sainte-Maxime

spectacle / danse / danse contemporaine 

 


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Invisibili : Voir la mort pour profiter de la vie

La peur de la mort et des crises est-elle une constante des sociétés humaines ?

C’est la réflexion qui a guidé Invisibili (la nouvelle création du metteur en scène Aurélien Bory) à travers un dialogue entre la fresque monumentale du Triomphe de la Mort de Palerme avec une troupe d’artistes contemporains. Dans cette performance dansée, la Compagnie 111 illustre ce qui ne se voit pas en dépeignant tant la mort que le souffle de vie qui, dans nos civilisations troublées, semble quotidiennement remis en jeu. Une pièce puissante, à la scénographie époustouflante, à découvrir le 23 novembre au Carré Sainte-Maxime.

Sur les planches, on remarque d’abord l’immense reproduction tendue en fond de plateau. Sur un rideau léger de 6 mètres sur 6 (correspondant aux dimensions d’origine) qui ondule à chaque courant d’air, la représentation – aussi présente qu’évanescente – de l’œuvre peinte sur un mur du Palais Abatellis de Palerme – par un artiste inconnu du XVème siècle – est le point de départ du spectacle d’Aurélien Bory. Alors qu’il était en résidence de création en Sicile, le chorégraphe visite le palais-musée. Au détour de son parcours, il découvre ce Triomphe de la Mort et en reste subjugué. La force dramaturgique devient une partition scénique, une sorte de scénario, qui a servi de ligne directrice à l’écriture chorégraphique. Car dans cette œuvre picturale, on croise 34 personnages que la Mort, hilare, poursuit et tue indifféremment, juchée sur son cheval squelettique. Chaque figure incarne un état social de l’époque et témoigne d’une attitude face à cette inévitable étape. Certains sont terrorisés quand d’autres l’accueillent sereinement, voire la désirent… Aurélien Bory s’est ainsi saisi de cette multitude de relations que nous entretenons avec la Grande Faucheuse pour en dresser une nouvelle toile en mouvement soutenue par 4 danseuses qui évoluent aux côtés d’un saxophoniste-compositeur (Gianni Gebbia) et d’un chanteur-musicien (Chris Obehi).

 

 

Le metteur en scène s’est profondément nourri de son ancrage sicilien au point que tous les artistes engagés sur Invisibili sont palermitains, rencontrés sur place. Un autre héritage de Palerme a guidé le créateur toulousain : son idole, la danseuse et chorégraphe allemande Pina Bausch, qui fut elle aussi en résidence dans ce même Teatro Biondo et qui créa en 1989, la pièce Palermo, Palermo, inspirée de la vie sicilienne et portée par des danseurs locaux.

Chez Bory, les références au quotidien de l’île italienne, en lien avec son thème funèbre, sont moins riantes. En effet, un petit bateau pneumatique est convoqué sur scène pour représenter l’immigration clandestine et la vie fragilisée de ces hommes, femmes et enfants qui défient la mort à bord d’embarcations de fortune pour traverser la Méditerranée avec l’espoir d’un avenir meilleur sur les côtes européennes. On dénombre également d’autres évocations des maux modernes qui menacent nos existences, comme le cancer.

Invisibili nous fait donc voir l’invisible : la mort, dont on dit qu’on ne la regarde qu’une seule et unique fois dans les yeux au moment de trépasser, mais aussi le souffle de vie, fil ténu auquel tout à chacun s’accroche tout au long de son parcours. Une pièce forte qui fait vibrer la corde sensible de notre humanité, à travers les âges.

© Claire Thiebaut pour Le Mensuel / Photo DR / novembre 2024

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