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Sophie Delmas et Jerome Pradon de Mamma Mia ! en interview pour Le Mensuel
MAMMA MIA !
Sophie Delmas & Jérôme Pradon
Interview réalisée à Nice en octobre 2012
« Nous en sommes aujourd’hui au 540ième show et on a toujours la même niaque ! »
C’est après deux ans de succès dans la Capitale que le spectacle musical qui a déjà réuni à travers le monde plus de 50 millions de spectateurs débarque enfin en régions ! Bon nombre d’entre vous étaient impatients, certains même ont déjà fait le déplacement à Paris pour découvrir ce spectacle à la fois original et rafraîchissant qui vous fera revisiter les plus beaux titres d’ABBA en version française. Mais loin d’être un simple concert hommage comme on en voit tant, « Mamma Mia ! » vous proposera une histoire… Celle de Donna, une mère célibataire, et de sa fille qui, sur le point de se marier souhaite retrouver son père pour qu’il l’accompagne jusqu’à l’autel…
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Jérôme Pradon (Sam) : Ils m’ont appelé parce que l’équipe créative me connaissait déjà de Londres puisque j’y travaille beaucoup et ils m’ont demandé si ça m’intéressait de venir auditionner pour le rôle de Sam. Donc je suis arrivé directement aux dernières auditions et ça a marché !
Sophie Delmas (Donna) : Lui, on est venu le chercher ! Moi je me suis vraiment battue. (rires) On n’est pas venu me chercher mais ça restera un souvenir génial. J’ai eu droit aux trois ou quatre tours d’audition avec tout ce que ça englobe des stress, d’inquiétude mais de joie aussi. Chaque moment passé en audition est un super souvenir. On a été nombreux quand même, il y a eu des centaines d’artistes qui se sont présentés d’où la conscience que l’on a de considérer qu’on a eu beaucoup de chance… On le mérite sûrement mais ce sont de très beaux rôles pour nous deux !
Le fait que Mamma Mia ! ait été vu par des millions de spectateurs et ai été traduit en une dizaine de langues n’a pas été une pression supplémentaire ? On ne se dit pas que l’on n’a pas le droit à l’erreur ?
Jérôme : Personnellement ça ne m’est pas du tout venu à l’idée. Dès le départ des auditions je voulais savoir comment allait sonner le français, j’étais vraiment dans l’expectative. Dès que j’ai eu le texte en français et que j’ai vu que ça fonctionnait formidablement je n’ai plus eu aucune inquiétude.
Sophie : Et puis à l’inverse de ce que vous venez d’évoquer, le fait que « Mamma Mia ! » soit un succès dans le monde, ne signifie pas que ce soit une évidence c’est sûr, mais c’est quand même une chronique d’un succès annoncé. A nous de transformer l’essai mais on a eu à nos côtés l’équipe créative originale, les anglais étaient là. Ils ont été dans chaque pays donner le meilleur d’eux-mêmes pour retranscrire à l’identique ce qui fonctionnait déjà. Et on a la fierté d’oser dire que le cast français est particulièrement, ce sont eux qui nous l’ont dit, bon. Il faut le dire ! (rires)
Jérôme : Et d’ailleurs ça n’a pas marché dans tous les pays aussi bien qu’en France, ça marche très bien ici.
Sophie : Oui déjà à Mogador et puis, la tournée qui est extraordinaire, à peu près 130 dates ! Ça fait déjà un mois et demi qu’on tourne…
Jérôme : En fait 130 dates sur le standard français ça n’arrive pratiquement jamais, c’est très rare. Mais c’est bien !
Sophie : Et comme rester deux ans à l’affiche à Mogador, ça n’existe pas, à part les spectacles de Stage Entertainment comme Cabaret ou le Roi Lion pendant trois ans. Rien n’est laissé au hasard. On a une vraie dynamique de travail à l’anglo-saxonne, à l’américaine.
C’est un rythme de travail très intense ?
Jérôme : Oui toujours et tout le temps. Il faut s’entretenir, on continue de s’échauffer tous les jours, on se rebrief toujours sur la qualité du spectacle pour ne pas rentrer dans une routine. On doit toujours se laisser surprendre et en même temps toujours être au taquet sur ce qu’on doit faire sur scène et sur la qualité des chorégraphies, des harmonies vocales…
Sophie : Et c’est vrai qu’ils ont une façon de nous imposer cette rigueur que pour nous, au fil du temps, ça devient une nécessité. Parfois on n’est pas habitué à travailler de cette manière avec autant de précision, notre metteur en scène résidante, Véronique Bandelier, vient nous voir régulièrement en tournée, et on a toujours, plus de deux ans après, ce qu’on appelle des notes, des petits détails sur telle ou telle scène. C’est aussi une façon d’entretenir notre envie et surtout comme dit Jérôme, de se surprendre soi-même et de surprendre nos partenaires. On garde toujours le fil rouge de nos personnages, on ne se permet pas des fantaisies mais on peut apporter quelques couleurs. On essaie tout ça pour profiter jusqu’à la toute dernière date de « Mamma Mia ! ».
Vous n’êtes donc pas « perdus dans la nature » malgré les mois d’expérience ?
Jérôme : Non pas du tout, on reste toujours très cadré et c’est bien parce que ce cadre nous donne beaucoup de liberté finalement.
Sophie : Et quand vous êtes trente sur un plateau, si vous n’êtes pas cadrés, le spectacle, tout doucement, finit par basculer ! Parce que chacun s’accorde des micros libertés en croyant que ça ne se voit pas, la rigueur se relâche petit à petit et ces petits à petits multipliés par trente artistes ça finit par faire un show totalement différent et ce n’est pas le but !
Comment s’organise ce travail au quotidien ?
Jérôme : C’est quelque chose que je connais bien parce que je travaille beaucoup en Angleterre. C’est vrai qu’en France on a moins cette approche là, cette rigueur. Enfin je ne sais pas si c’est exactement cela. Disons que le spectacle de théâtre musical français est plus basé sur une sorte d’artisanat. Il y a quand même une rigueur dans ces spectacles-là mais il n’y a pas cette approche anglo-saxonne. Les anglo-saxons cadrent beaucoup, tout est toujours très hiérarchisé, mais même moi qui ai grandi dans cette école là, quand je reviens en France, je trouve ça cool !
Sophie : Mais c’est vrai que chez « Stage », à la différence des autres productions, il y a carrément des chefs de départements. C’est une véritable entreprise, nous avons une « dance captain », une jeune femme qui ne laisse jamais au hasard le soin de dévier les chorégraphies, qui regarde le show à chaque fois et qui va dire tout ce qui ne va pas. Nous avons un « directeur musical » qui est le chef d’orchestre qui nous dirige. Il nous regarde, il nous écoute, il nous accompagne et il vient toujours vers les uns et les autres d’une manière constructive. Comme on est pluridisciplinaire on a un « boss » qui dirige chaque département et c’est ce qui donne cette rigueur qui est devenue finalement très naturelle pour nous.
Cette rigueur de travail n’a pas été top déroutante ?
Jérôme : Moi personnellement j’ai grandi dedans. Pour moi c’est presque la seule façon de travailler ce genre de spectacle. Cette approche tombe sous le sens pour moi. Peut-être que pour Sophie ça été nouveau pour elle et que ça lui a beaucoup apporté…
Sophie : C’est-à-dire aussi que j’ai fait d’autres spectacles, peut-être plus des spectacles musicaux que purement « théâtre musical » avec surtout du chant et quand je me suis confrontée à Donna, j’ai pris conscience de toute la dimension du personnage en temps qu’actrice. C’est vraiment cinquante, cinquante. Il faut vraiment être pluridisciplinaire et c’est vrai que j’ai surtout un passif d’interprète donc à la différence de Jérôme, qui a un cursus de comédien, moi j’étais une chanteuse. J’ai donc du plus travailler que les autres pour acquérir dans un temps record tout ce qui allait faire Donna. Le personnage est dense sur scène. J’ai du travailler un peu plus que les autres dans ce domaine.
Pour endosser des rôles déjà campés avec succès par d’autres, comment s’y prend-on ? On se documente beaucoup ou on essaye de faire le vide pour ne pas se faire influencer ?
Jérôme : Personnellement c’était plutôt ça, surtout que je faisais confiance au metteur en scène de l’équipe anglaise, Paul Garrigton, qui lui a une idée très précise de ce qu’il veut et va nous amener là où il veut qu’on aille d’une façon très subtile parce qu’il ne va rien nous imposer, mais par petites touches comme ça, au final on arrive à faire ce qu’il voulait, à sa mise en scène originale et même si on le fait en français, on garde quand même ce cadre là. Mais dans chaque pays les rôles de « Mamma Mia » sont tout de même différents et c’est un peu une particularité de « Mamma Mia » on adapte un peu chaque acteur au pays concerné. « Mama Mia » tient beaucoup sur la puissance des personnages, ce sont des personnalités qu’il faut imposer sur scène, l’histoire est écrite comme ça. Donc on s’adapte un petit peu à chaque fois aux particularités du pays hôte.
Sophie : C’est vrai qu’il y a l’aspect culturel, chaque pays a son type de blagues, chaque culture a son humour. Il y a des choses qui fonctionnaient très bien en anglais et qui, une fois traduites, devenaient justes ridicules. C’est vrai que dans les pays latins on est plus démonstratifs, voire exubérants…
Jérôme : Chez les français ça s’excite plus, ça se met plus vite en colère, c’est beaucoup moins réprimé que chez les anglais, ça monte tout de suite très haut puis ça retombe dans la seconde d’après. Nous les français, on est beaucoup plus « sanguins »… (rires)
Sophie : Et on imagine pas les allemands de la même façon ou encore la version italienne qui eux sont hauts en couleurs. C’est ça la petite part de liberté où on nous laisse mettre notre part d’énergie même si le personnage a un portrait détaillé et précis.
Vos personnages ?
Sophie : J’ai le rôle de Donna. C’est une quadragénaire, mère célibataire d’une jeune femme qui a vingt ans. Ma fille va se marier avec un charmant jeune homme que j’aime beaucoup et qui est un peu comme mon fils. Ma fille a un besoin d’aboutissement car elle ne connaît pas l’identité de son père et moi pas vraiment non plus parce que vingt ans auparavant j’ai eu trois amants… Donna a couché dans son journal intime ce qu’elle vivait à l’époque. Sa fille tombe dessus, le lit et se rend compte qu’il y a trois pères potentiels. Elle envoie trois lettres d’invitation pour chacun d’entre eux étant persuadée que dès son arrivée elle va reconnaître son père. Eh ben non ! Et on vous laisse imaginer toutes les situations qui peuvent en découler. Donna est donc une célibataire « célibatante », femme moderne d’aujourd’hui. Elle essaie de vivoter et d’élever sa fille aussi bien que possible. Elle est sûrement passée à côté de certaines choses. Dans le spectacle on sent bien qu’elle a eu une vie il y a vingt ans. Puis ces vingt ans ont passé et c’est une case restée un peu vide. C’est tout ce qui va découler pendant deux heures de mon personnage.
Jérôme : Sam est un peu différent. On a eu une histoire d’amour passionnée et passionnelle il y a vingt ans avec Donna, mais j’étais sans doute un petit crétin et pour des raisons plus ou moins sombres, comme la famille par exemple, j’ai décidé d’aller me marier avec Nathalie. Ça nous a un peu déchiré tous les deux mais j’ai fait ce choix là. Vingt ans plus tard, je reçois cette lettre, je suis divorcé, ça ne s’est pas du tout bien passé avec Nathalie, j’arrive sur l’île et au moment où je revois Donna ça se passe très mal mais je me rends compte que je suis toujours amoureux d’elle. Tout part de là. On ne va pas vous dire la suite il faut que vous veniez la voir sur le spectacle…
Sophie : Elle va quand même lui faire payer… (rires)
Jérôme : Voila, je vais souffrir pendant deux heures ! Après, vous verrez. (rires)
Quels sont les titres d’Abba que vous interprétez ?
Sophie : Moi j’ai de la chance je chante des trucs énormes comme « Mamma Mia », « Dancing Queen », « The Winner Takes it All », « Super Trouper » et tous les deux on chante « SOS ».
Jérôme : Moi je chante « Knowing Me, Knowing You » enfin bon, Abba quoi ! (rires) Même si l’histoire n’est pas toujours drôle puisque par exemple « Knowing Me, Knowing You » est l’histoire d’un couple qui se sépare, on passe quand même deux heures à chanter Abba, et à prendre un pied pas possible à le faire parce qu’on aime Abba.
Sophie : Nous en sommes aujourd’hui au 540ième show et on a toujours la même niaque ! Et comme on sait que ça va bientôt s’arrêter, l’énergie s’inverse. Dans quatre ou cinq mois c’est fini et ça passe super vite.
C’est votre première tournée en France, comment ça se passe ?
Sophie : Nous sommes en colo, c’est le binz, notre « manager trouper » va craquer mais on rigole bien ! (rires)
Jérôme : On rigole bien ! On joue à des jeux pas possibles le soir…
Le public en région était en attente, vous le ressentez ? Vous sentez que le public est différent du public parisien ?
En chœur : Ouiii !
Jérôme : On va de ville en ville et on sent que ce public donne beaucoup plus que les parisiens qui peuvent peut-être quelques fois paraître blasés quoique qu’avec « Mamma Mia » on a quand même été gâtés !
Sophie : Mais là on sent une bienveillance, une affection du public et on sent bien que même si quelques uns sont montés à Paris il y a vraiment eu deux ans d’attente de leur part. Là on revient de Nancy, c’était incroyable, électrique. Quand le rideau s’est ouvert… Wouah !
Le fait de chanter en français les titres d’Abba n’est pas déroutant ?
Jérôme : Il y a l’effet de surprise. On ne sait pas à quoi on s’attend quand on vient voir le spectacle puisqu’on ne les connaît qu’en anglais. Beaucoup de gens qui sont venus le voir nous ont dit « Ça m’a surpris pendant les deux premières phrases et puis d’un coup tout allait bien, j’avais l’impression d’être bilingue. Je comprends enfin ce que ces chansons que je connais par cœur voulaient dire ! »
Sophie : Si gène il y a, comme le dit Jérôme, c’est à l’unanimité, ça se joue sur la toute première chanson et lorsque la deuxième arrive, « Money, Money » le public est acquis. J’ai eu le plaisir d’enregistrer toutes les premières maquettes, tous les rôles féminins pour déblayer pour l’adaptateur Nicolas Nebot parce que toutes les chansons partaient quotidiennement en Suède auprès de Björn et Benny du groupe Abba qui parlent très bien français. Il y a eu un remaniement permanent jusqu’à ce que ce soit parfait.
Jérôme : Et puis ce n’était pas gagné, c’était difficile d’adapter ces chansons.
Sur scène, « Mamma Mia ! » nous fait voyager ?
Jérôme : Oui c’est très enlevé, très vif. Des lumières, des costumes qui sont très beaux, beaucoup de rythme, beaucoup de bleu et de blanc… nous sommes en Grèce. Ils ont eu cette idée de deux modules, deux pans de murs qui tournent et selon leur orientation, ils représentent une cour, une chambre ou la jetée.
Sophie : C’est un décor très minimaliste et pourtant il ne manque rien. On nous a souvent blagué en nous disant : « Mamma Mia ? Ah oui t’as deux murs et quatre chaises et t’es bon » mais c’est exactement ça. Il y a deux murs, des chaises et deux tables et rien d’autre. On a vraiment conscience, nous le cast, que nous portons le spectacle. C’est très gratifiant pour un artiste de ne pas être bordés de millions de choses qui font noyer le poisson.
Jérôme : On n’a pas dix tonnes de maquillage, là c’est vraiment nous.
Combien d’artistes « polyvalents » sont sur scène ?
Sophie : Nous sommes une trentaine sur scène.
Jérôme : Le système de ce spectacle à l’anglo-saxonne est que tout le monde est doublure d’un des rôles principaux. Si quelqu’un est malade par exemple, il est tout de suite remplacé par quelqu’un de l’ensemble. Tout le monde est polyvalent et tout le monde dans l’ensemble a déjà un cursus de « performer ». Ce ne sont donc pas seulement des danseurs, pas seulement des chanteurs…
Sophie : Et c’est difficile d’être doublures des rôles principaux. Et quand ça arrive c’est au pied levé. La personne qui n’a pas forcément répété ni joué depuis longtemps se jette sur scène et doit porter le spectacle à bout de bras comme s’il avait toujours été là ! Moi je tire mon chapeau à nos doublures, ils sont importants.
Mamma Mia ! arrivera malheureusement à son terme dans quelques temps, avez-vous déjà d’autres envies ?
Sophie : Des envies, oui bien sûr ! Moi je suis une passionnée du théâtre musical donc ce serait de faire perdurer ma carrière dans ce domaine.
On ne peut pas en discuter encore. Mais j’avoue que les trois ans que je viens de vivre comme tous les rôles principaux, à un seul près, nous sommes tous restés, nous avons fait toutes les saisons. Il n’y a probablement pas de hasard. Je suis vraiment attachée à ça, j’aime cette rigueur et si j’avais la chance de retravailler avec « Stage », de revenir à la « maison » à Mogador dans d’autres choses je le ferais sans réfléchir. Avec un joli rôle bien sûr mais on ne peut pas être Donna Sheridan toute sa vie. Et puis, je vais continuer à entourer, conseiller, aider des artistes.
Jérôme : Moi j’ai la chance de pouvoir enchaîner parce que par les temps qui courent ce n’est pas toujours le cas, je vais faire un spectacle qui s’appelle « Follies » de Stephen Sendheim à l’Opéra de Toulon, en mars sur la fin de la tournée. Et ensuite en septembre 2013 je vais jouer dans « Les amants d’un jour », un nouveau spectacle autour des chansons de Piaf puisque ce sont les cinquante ans de sa mort. On a écrit une histoire, un peu comme dans « Mamma Mia », totalement originale avec les chansons de Piaf. On va dire que c’est un joli mélodrame qui se passe dans les années 50 avec un petit côté enquêtes policières, « Les amants d’un jour ».
Montage vidéo par Aurélien Didelot Retour aux interviews
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