INTERVIEW

Sami Ameziane Le Comte de Bouderbala en interview pour Le Mensuel en 2014

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Le Comte de Bouderbala


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en interview 

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LE COMTE DE

BOUDERBALA
    

 

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Sami Ameziane, plus connu sous le nom du Comte de Bouderbala, ne cesse de parcourir les routes de France depuis bientôt cinq ans avec un spectacle dont ni lui ni le public ne semble se lasser. Pourtant, bien que le succès soit au rendez-vous à chacune de ses représentations, il faut bien admettre que puisque les meilleures choses ont toujours une fin, cette tournée devra tôt ou tard s’achever. C’est donc malgré tout l’attachement que l’on imagine pour ce tout premier one-man-show qui l’a fait connaître par le grand public, que l’humoriste est en train de préparer un nouvel épisode scénique qui ne devrait pas tarder à voir le jour et qui devrait mettre en exergue
quelques petits travers d’une société que nous avons nous-mêmes bâtie jour après jour…
 

 

   

interview_humour_sami-ameziane_comte-bouderbala_festival-rire-saint-raphael_pasino-aix_2012Morgane L : Comment vas-tu en ce début d’année 2014 ?

Sami Ameziane : Eh bien ça va plutôt pas mal… Tranquillement, gentiment mais sûrement ! (rires)
 
De bonnes résolutions ont été prises ?

Evidemment ! Faire un peu de sport, se remettre en forme, arrêter de perdre du temps et profitez des miens… Attention le mec se confie là ! (rires)
 
La dernière fois que l’on s’est vu remonte à facilement un an et demi mais le spectacle a-t-il changé ?

Ça ne nous rajeunit pas tout ça mais oui le spectacle a connu quelques évolutions. Il y a eu de nouvelles blagues, de nouveaux sketches, d’ailleurs désormais il dure environ 1h45 voire 2h ! C’est long, c’est sportif mais c’est très agréable.
 
Tu es en tournée tout en étant en alternance sur Paris depuis plusieurs mois, ça fait du bien, ainsi, de ne pas se créer de routine pendant les dates parisiennes ?

Oui ça fait vraiment du bien. Parfois je joue une semaine à Paris, parfois deux jours et le lendemain je suis en province, on va dans toutes les villes de France, alors même si de temps en temps le rythme est un peu soutenu, on ne va pas se plaindre C’est une chance de jouer partout. Jouer en alternance, permet de comprendre que Paris n’est pas la France, car on a tendance à l’oublier, et oui, ça fait plaisir de voir les gens chez eux, c’est cool.
 
Donc c’est avec le service la personne, à domicile ?

Exactement ! (Rires) je suis un livreur de blague ! 
 
J’ai l’impression que ce spectacle date un petit peu, de quand exactement ? Quel âge a-t-il ?

Ce 1er spectacle a environ quatre ans et demi, cinq ans maintenant, c’est un grand ! Il n’a plus de dents de lait ! (Rires) il marche tout seul ! C’est un spectacle de stand-up, donc on l’actualise toujours il est plein de nouveautés. À l’origine il ne faisait qu’une heure, maintenant, il en fait le double. Si je continue comme ça, ça va être les 24 heures du rire ! Le Jeanne Calment de la blague ! (rires)
Heureusement que j’ai mon deuxième spectacle qui approche ! Mais je me rends compte que le premier est finalement très intemporel, il vieillit très bien. A chaque fois que j’écris, je me demande si dans vingt ans, ça marchera encore. Je me pose bizarrement toujours la question… Je pense déjà à la postérité ! (rires) C’est là que je m’aperçois que je suis vraiment dans une démarche de vieux quand même… D’ailleurs, j’ai un sketch sur les vieux ou plutôt sur nous devenant vieux… Parce qu’on ne s’en rend pas compte, mais on est en train de devenir vieux petit à petit…
 
 
Modifier constamment le spectacle permet aussi de ne pas s’en lasser ?

Oui ça y participe même si à mon goût, se lasser d’un spectacle a quelque chose d’un peu bourgeois surtout quand on la chance que ça marche, que les gens soient contents… Quand on s’en lasse, c’est qu’on ne sait pas la chance qu’on a de pouvoir être sur scène, de pouvoir faire rire les gens… C’est quelque chose de magnifique ! 
 
Mais on ne regrette jamais en jouant le même spectacle longtemps, de ne pas pouvoir ajouter certains sketchs ou de ne pas pouvoir aborder certains sujets dont on aimerait parler parce qu’ils ne s’intègrent pas facilement ?

Oui et pourtant, l’un n’empêche pas l’autre. On arrive toujours à ajouter des choses, à avancer jusqu’au moment où on trouvera le courage d’enterrer ce spectacle qui nous aura tant accompagné. Mais ce qui est bien, c’est qu’il s’agit toujours de la même dynamique d’écriture même s’il s’agit d’autre chose, que ce soit d’écrire un film ou un livre… L’essence, c’est toujours le stylo.
 
L’idée de départ de ce spectacle c’était donc l’écriture ? Avant même d’avoir envie de jouer, d’interpréter ?

Oui je pense que l’écriture s’est un peu retrouvée à l’origine de tout. Je pense que quand c’est bien écrit, même si l’on est piètre comédien, ça passera toujours. Si la colonne vertébrale est solide, le reste suivra naturellement. Ensuite, il faudra travailler son jeu d’acteur, mais sans l’écriture, on ne vaut rien. Si on est un excellent comédien mais que l’on a de sales répliques, ce sera toujours light au niveau du sens.
 
On dit toujours qu’il faut se méfier de l’eau qui dort… Et c’est vrai que dans la vie tu as l’air plutôt calme, doux, alors que sur scène, ça clashe pas mal…

Est-ce que tu es en train de me dire que j’ai toujours été un vicieux ? (rires) C’est vrai que c’est dans ma nature d’être posé, d’être tranquille mais je peux vite partir ! Surtout grâce à une idée ! C’est ce qui me plaît avec la scène, c’est de pouvoir exprimer des idées sans s’énerver bêtement. Parfois, c’est juste la petite virgule, la petite intonation ou la petite mimique qui va déclencher le rire et c’est quelque chose de très sain… Dans son essence, la comédie peut-être extrêmement saine. 
 
Au delà des mots, le rire passe également par la gestuelle, le physique, les mimiques, c’est quelque chose que l’on accepte facilement lorsque l’on débute dans l’humour ?

Ça dépend toujours de comment on fait rire… Si on ne fait rire que par le physique en général c’est plutôt mauvais signe ! (rires) J’ai toujours aimé l’idée de faire rire les autres, ça m’a toujours fait kiffer. Faire rire autant des amis que des inconnus, j’ai toujours trouvé que c’était un passeport pour tout, pour faire passer des idées comme pour divertir ou juste pour se sentir bien.
 
Faire rire pour dire des vérités, faire passer des idées… Tu en as contrarié certains ? On pense aux supporters, aux rappeurs…

Non ils ont trop d’humour ! (rires) En ce qui concerne les supporters, j’en ai parlé car j’ai toujours eu du mal avec le fanatisme et l’idolâtrie. Je n’ai jamais été comme ça alors j’ai trouvé ça marrant de pointer les excès d’une certaine catégorie de personnes entre guillemets puisque j’aime bien justement déstructurer les catégories dans le spectacle. Lorsque je parle des rappeurs par exemple, je fais exprès d’en citer certains pour ne pas tous les mettre dans le même sac. Pour les footballeurs ou les supporters, les musulmans, les juifs, les américains ou les mendiants roms, c’est pareil. On va à chaque fois dans le personnage précis, sans s’attaquer à un ensemble. On ne cherche pas à choquer pour choquer et encore moins d’ostraciser les uns ou les autres, mais uniquement, le temps d’une soirée, de rire tous ensemble. 
 
En parlant de fanatisme, que ressent-on lorsqu’on en est l’objet ? Comment reçoit-on ces témoignages d’affection quand à l’origine on ne comprend pas ce mécanisme là ?

Ce n’est pas vraiment mon cas donc… (rires) Il y a adulé et adulé… Je suis un nobody, je n’ai rien de spécial… Il n’y a pas de prosternation devant moi… (rires) Je me dis juste que quand on va sur scène, c’est pour faire rire les gens, on déconne ensemble, on passe une bonne soirée, et puis on se revoit plus tard. Je vois vraiment la relation avec le public comme un truc relax.
 
Donc pas de comportements trop extravagants de la part de ton public ?

Non parce que je pense que le comportement que moi j’ai sur scène, en télé ou en radio n’entraine pas ce genre d’attitudes. Il n’y a peut-être pas de réelle barrière qui s’installe entre le public et moi contrairement à certains autres artistes qui sont adulés et qui ont un peu créé eux-mêmes des sentiments extrêmes à leur égard. Je pense que ma façon d’être évite naturellement que certains partent en vrille.
 
Pas de menaces de mort ni de demandes en mariage alors ?

Des demandes en mariage, quelques-unes quand même… (rires) C’est un peu inhérent au métier d’acteur. Quand tu es sur scène, forcément tu attires le regard mais je ne pense pas que ces demandes étaient très sérieuses… (rires) 
 
Tu as toujours mis en évidence une comparaison entre la France et les Etats Unis comme étant à l’origine de ce spectacle mais quel était ton rêve américain à toi ?

Le mien c’était de jouer en universitaire. Quand j’avais une douzaine d’années, je voyais les meilleurs joueurs de basket français partir aux Etats Unis, réussir à jour dans les meilleures facs, j’imaginais l’ambiance là-bas et j’ai automatiquement rêvé de faire la même chose qu’eux. J’ai eu l’opportunité de le faire après mes dix-huit ans. On m’a proposé une bourse à l’université du Colorado que j’ai refusée puisque j’étais passé pro à l’époque en France et ça a toujours été mon plus grand regret. J’ai senti en refusant que j’allais rater quelque chose mais je me suis consolé en me disant que je finirai par y aller même si ce n’était pas pour jouer au basket. Et puis, quand j’y suis enfin allé, vers vingt-quatre ans, j’ai eu la chance de pouvoir encore postuler à cet âge là dans une équipe de basket mais aussi et surtout de rencontrer le coach de la fac qui m’a fait passer des essais. C’est comme ça que je me suis retrouvé à jouer avec l’équipe championne en titre en 2004 des Etats Unis et que j’ai fini par réaliser mon rêve.
C’est con mais ça m’a prouvé, là-bas, que rien n’était impossible et je me suis dit que si rien n’était impossible dans une telle immensité, rien ne le serait nulle part ailleurs. En rentrant en France, je me suis alors aperçu que j’avais un peu brisé mes barrières morales, mentales et intellectuelles. Tout est possible, il faut juste bien connaître le pays dans lequel on vit et essayer d’y arriver en étant le plus honnête possible et le plus intègre possible même si ce n’est jamais si évident que ça… Dans quelque milieu que ce soit… Le mec qui parle par sous-entendus ! (rires)
 
 
Souvent, quand on idéalise quelque chose, on peut être déçu lorsque ça se réalise, ça n’a pas été ton cas…

Je me disais que c’est bien d’avoir plusieurs rêves parce que finalement, un rêve en enchaîne un autre. Si tu arrives à toucher ce rêve là, tu commences à en faire un autre et puis tu avances comme ça, petit à petit. Le jour où tu ne rêves plus, la vie s’arrête. C’est pour ça que je me lance inlassablement des petits challenges. Finalement, j’ai gardé cet esprit que j’avais dans ma discipline sportive même dans l’écriture des one man shows. 
 
Le prochain challenge, c’est le prochain spectacle ?

Oui oui exactement ! D’ailleurs on va se remettre dans la souffrance de tester des trucs, de se manger des bides… (rires) 
 
Tu vas donc quasiment enchaîner cette tournée là et celle du prochain one-man ou tu vas t’accorder quand même une petite pause ?

Oh non on va enchaîner direct… On va tout de même pas se prendre de vacances ! (rires) En période de crise, il faut travailler ! 
 
Peux-tu m’en dire un peu plus sur ce spectacle à venir ?

Il sera nouveau donc il y aura plein de nouveautés, on va passer un peu à autre chose, parler évidemment un peu de la crise, pas mal de la télé… Beaucoup même ! (rires) J’ai envie d’aborder le thème de l’abrutissement généralisé de la société via une télévision qui nous offre tous les jours du boulot en plus et qui nous submerge, nous, humoristes ! (rires) 
 
Même si tu sais que tu vas continuer la scène, tu n’as pas une petite appréhension à l’idée de stopper ce premier spectacle que tu auras porté pendant autant d’années, de le mettre au placard ?

Ça va être un peu étrange c’est sûr mais je me dis que c’est tout de même un spectacle qui vieillit bien et que si j’en ai envie, je pourrais toujours le rejouer. 
 
Je ne pense pas que tu fasses partie des humoristes qui vont trop loin sur scène mais toi qui aimes bien chatouiller un petit peu l’auditoire, quel avis as-tu sur les débats actuels autour du spectacle de Dieudonné ? Sans connaître ton opinion sur lui et ses idées, tu n’as pas un peu peur de voir que l’État soit désormais en mesure d’interdire à des humoristes de se produire sur scène, et que, s’il le fait pour l’un, il soit dans l’obligation de mettre son nez dans les sketches des uns et des autres ?

Je pense en effet que le danger est un peu là… Que l’on vienne décortiquer ce que je dis, ce que Jérémy Ferrari dit ou ce que Gaspard Proust dit… Mais je crois surtout que tout ça est gigantesque écran de fumée. On se demande ce que ça cache… Chômage en hausse, insécurité grandissante, attaques aux personnes, cambriolages… Alors forcément, il faut trouver des sujets de société pour endormir un peu tout le monde mais malheureusement pour certains, la sanction des urnes, elle, ne devrait pas être un écran de fumée ! 
 
Ce qui est déplorable, et qui va rejoindre le thème de ton prochain spectacle, c’est que les médias ont foncé tête baissée dedans en en oubliant presque pendant plusieurs jours qu’il y avait d’autres informations à nous communiquer…

C’est triste de voir ce genre de comportement mais ce qui est rassurant, c’est que les gens ne sont pas dupes. Ils s’informent de plus en plus par eux-mêmes, sur internet entre autres, et ils diversifient les sources d’information. Mais on en reparlera dès le mois d’avril, sur scène… Ce sont des sujets très intéressants. C’est pas mal justement de parler des tabous de chaque société. Aucune n’est sensible à la même chose mais tout dépend de la façon dont on en parle, dont on en rit et comment on communique sur ces sujets là.
Mais maintenant ce qui me fait un peu rigoler avec Dieudonné, c’est de voir qu’avec tout ce tapage, il devient un peu le symbole de la liberté d’expression en France alors que comparé à ce que disent des mecs sur scène aux Etats-Unis, c’est un enfant de chœur ! Ils vont tellement loin dans le truc trash et transgressif qu’ils ne pourraient pas mettre un pied en France ! C’est dans la culture américaine par exemple, d’être dans l’extrême tout le temps, d’aller de plus en plus loin. La preuve que tout dépend des points de vue de chaque société… C’est pour ça que sur un spectacle d’humour, je pense qu’il est très compliqué de sortir des extraits de leur contexte.
 
En tous cas, il s’est offert une communication conséquente…

Oui Valls lui a offert ça ! A croire que finalement c’est lui son producteur… (rires) Il va falloir chercher de ce côté là…

Propos recueillis et photos par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Montage vidéo par Aurélien Didelot

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