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Raphaël en interview pour sa tournée « Bande magnétique » qui passera par Le Carré de Sainte-Maxime

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« C’est un concert un peu spécial, avec une narration… » Raphaël 

 

En 22 ans (son tout 1er album est sorti en 2000), Raphaël aurait pu se complaire dans ses habitudes et ses certitudes à force d’accumuler des succès en salles et en studio. Au lieu de ça, après la parution de son 9ème opus Haute Fidélité, le musicien s’est attelé à façonner un nouveau projet musical hybride, situé à mi-chemin entre le concert et le théâtre… Mettant en scène l’envers du décor de la création, Bande magnétique pousse à s’interroger sur le rôle et l’ambition de l’artiste.

 

 


 

Raphaël pour sa tournée « Bande magnétique »

concert / variété française

  • 12 novembre 2022 / 20:30 / Sainte-Maxime / Le Carré
  • 07 janvier 2023 / 20:30 / Toulon / Le Liberté

 

 

 


 

 

Morgane Las Dit Peisson : Vous viendrez au Carré de Sainte-Maxime avec un concert d’un nouveau genre…

Raphaël : Bande magnétique est en effet un concert un peu spécial, avec une narration. De chanson en chanson, ça raconte une histoire mais l’émotion principale reste la musique. Il y a du live et de l’improvisation mais on sort un petit peu du cadre habituel et conventionnel d’un concert où l’on enchaîne les titres en faisant participer le public.

Un concert théâtralisé ?

Raphaël : Exactement, je pense que ça le définit pas mal car la scénographie y est très importante… Mais ce n’est pas du théâtre à proprement parler puisqu’on est beaucoup plus proche de la musique que du texte.

 

« Il faut aussi un certain âge pour avoir des choses à raconter… » Raphaël 

 

C’est une grande première…

Raphaël : Oui c’est la 1ère fois que je me lance dans un projet de ce type et sincèrement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus évident à monter… À tout point de vue ! (rires) Il a fallu trouver les bons producteurs et partenaires, les bons réseaux, les bonnes tailles de salles et puis, on ne va pas se mentir, il faut aussi avoir un certain âge pour avoir des choses à raconter…

 

 

« Avec le temps et l’expérience, on apprend à mieux se connaître, à se faire un peu plus confiance et donc à oser quelques audaces… » Raphaël 

 

Il y aurait donc des avantages à vieillir ?

Raphaël : (rires) Ils sont rares je vous l’accorde mais il y en a quelques-uns… Avec le temps et l’expérience, on apprend à mieux se connaître, à se faire un peu plus confiance et donc à oser quelques audaces. 

Déjà, pour ce spectacle, les années m’ont permis d’avoir assez de matière pour faire les meilleurs choix… C’est toujours plus facile de sélectionner de bons morceaux quand on a 9 albums au compteur que quand on débute ! (rires) Et puis, au fil du temps, j’ai aussi appris à découvrir et à aimer le théâtre ou la danse par exemple. Ce sont des arts où tout y est plus créatif que dans un concert de rock, où les propositions sont plus multiples et singulières donc ça m’a, je pense, inconsciemment influencé. Ce sont des milieux artistiques qui ont souvent moins d’argent que la musique, ce qui n’est peut-être pas complètement étranger au développement de leur imagination ! (rires)

Votre épouse, Mélanie Thierry, comédienne, ne doit pas être étrangère à ces découvertes ?

Raphaël : C’est vrai qu’elle n’y est pas pour rien… On a « grandi » et mûri ensemble, on a découvert énormément de choses à deux mais sans elle, je ne suis pas certain que j’aurais eu l’idée d’aller à l’Odéon ou La Colline. On s’est cultivés ensemble et maintenant on est vraiment à l’affût de ça ! On va régulièrement découvrir de nouvelles choses, parfois on s’emmerde mais parfois on est émerveillés et ça nous nourrit…

 

 

Créer un spectacle comme Bande magnétique oblige à faire des choix…

Raphaël : Égoïstement, je me suis d’abord tourné vers les chansons de mon répertoire que je préférais et ce sont aussi celles qui, souvent, ont le plus plu au public. Par contre, je ne me serais pas forcé à choisir des titres juste parce qu’ils avaient bien marché. Je n’avais par exemple pas envie, sur ce projet, d’intégrer Sur la route, alors je ne l’ai pas fait. Je ne suis pas senti obligé « à cause de » son succès…

Ensuite, une fois que j’ai eu fait cette 1ère sélection, il a fallu que je retrouve la matière correspondante au concept du projet. Bande magnétique utilise des prises studio originales, des sons de voix, des cordes ou des arrangements de quatuors sur lesquelles je dresse mon piano. Il fallait qu’il y ait des choses intéressantes, notables ou un peu exceptionnelles dans ces enregistrements…

Il y a par exemple une chanson, Le vent de l’hiver, qui a un quatuor magnifique imaginé par Tony Visconti et ça me plaisait beaucoup de mettre en valeur ce travail là sans qu’il se noie dans l’instrumentation. C’est comme une nouvelle lecture que je propose, plus épurée et qui va plus à l’essentiel. 

 

 

« C‘est presque comme une illusion… » Raphaël 

 

Ça met en avant la notion de travail et de recherche artistique qui s’opèrent à l’abri des regards, en studio…

Raphaël : Vous avez raison, je pense qu’inconsciemment, il y avait de ça… On dévoile toujours au public une version qu’on estime « finie », « facile » à écouter et c’est parfait comme ça (rires) mais je trouve intéressant également que les gens puissent avoir un petit aperçu des différentes étapes de la construction d’un titre.

Quand on enregistre, il se passe des choses fabuleuses qui sont essentielles à la structure d’un morceau mais qui, au mixage, ne sont pas au 1er plan. Les gens ne les entendent quasiment pas mais entendraient, en revanche, si elles n’étaient plus là… C’est presque comme une illusion mais j’aime bien l’idée de pouvoir aujourd’hui les mettre en avant.

J’ai toujours apprécié ces émissions qui décortiquent des morceaux car je suis fasciné par les machines et par la magie des enregistrements. Des prises studio, brutes, c’est comme des photographies avant qu’elles soient retouchées, ça dit d’autres choses. Le but, quand on immortalise un morceau, c’est de lui apporter une homogénéité alors qu’il ressemble plutôt, à l’origine, à un millefeuille.

 

 

La naissance de Bande magnétique

Raphaël : L’idée première vient d’une rencontre avec Olivier Poubelle qui codirige les Bouffes du Nord. J’ai eu envie de travailler avec lui dans cet endroit où j’ai vu les plus beaux spectacles de ma vie ! Il m’inspire énormément, j’aime la programmation et l’endroit est particulièrement beau… Il me fait penser à la Fenice de Venise après un incendie… C’est très étrange, hors du temps, habité et magique… Le spectacle Bande magnétique est né de ça, de cette volonté de trouver un format qui puisse être joué dans cet endroit qui n’a pas vocation à accueillir des concerts pendant 2 semaines d’affilée. D’où l’idée d’inventer une forme hybride un peu plus théâtrale que ce que je fais d’habitude.

Et puis, il y a la notion d’écriture… Cet exercice, que ce soit à travers mes chansons ou mes livres, me passionne complètement donc le projet Bande magnétique réunissait tous les atouts pour que je me fasse vraiment plaisir.

 

« Je me suis lancé dans un récit complètement imaginaire, comme un petit conte fantastique… » Raphaël 

 

Des titres reliés les uns aux autres par une histoire, un fil conducteur…

Raphaël : Je me suis lancé dans un récit complètement imaginaire, comme un petit conte fantastique… Je suis au piano dans un studio d’enregistrement, il y a une cabine de prise de son et au bout de 3 ou 4 chansons, il y a quelqu’un qui arrive. Je lui dis qu’il est en retard et on comprend que c’est l’ingénieur du son. Il commence à me diriger en envoyant des bobines comme ça se faisait dans les vieux studios et, de temps en temps, à la fin des morceaux, il fait des commentaires, m’interroge sur mes paroles et porte des jugements sur mes propos. Il me parle comme s’il me connaissait de manière intime et il m’agace assez rapidement… Je finis par réaliser que ce n’est pas l’homme avec qui je travaille habituellement, qu’il a pris sa place, que je ne le connais pas mais que lui a l’air d’en savoir étrangement beaucoup sur moi… À ce moment-là, ça bascule dans quelque chose de complètement fantastique et d’un peu inquiétant…

 

 

« La scène est un rendez-vous presque sacré…«  Raphaël 

 

Vous avez créé un personnage qui vous bouscule…

Raphaël : Il est même armé alors on peut dire qu’il me malmène ! (rires) J’ai eu envie de créer un personnage amusant, une sorte de méchant de music-hall pour m’inciter à me demander ce que je fais sur scène. C’est une question que tous les artistes devraient se poser tout au long de leur carrière… Ce personnage, dans le spectacle, me demande beaucoup en quoi je crois et je pense que c’est une question à ne pas perdre de vue au fil des années.

Quand je chante, ce en quoi je crois, c’est ce que les gens ont mis à l’intérieur de mes chansons. Certaines d’entre elles ont accompagné une période de leur vie et les ont touchés au point qu’ils aient envie, un soir, de me faire l’honneur de venir jusqu’à moi dans une salle de spectacle. Parfois ils se sont privés d’autre chose pour s’offrir cette parenthèse et parfois, ils ont eu du mal à arriver à cause d’une grève ou d’un manque de carburant, et ça, je ne veux jamais le perdre de vue. Ça veut dire qu’ils ont peut-être mis dans une de mes chansons quelque chose de bien plus important que ce à quoi moi j’avais pensé en l’écrivant…

Je crois que c’est ça qu’il essaye de me faire comprendre ce méchant sur scène, il me rappelle qu’il y autre chose de beaucoup plus grand que mon petit ego d’artiste…

Plus on vieillit et plus on s’aperçoit que ces moments sont « miraculeux ». J’ai une chance inouïe de pouvoir exprimer la musique que j’ai en moi et de pouvoir la partager avec des gens qui m’apprécient et dont je croise les regards merveilleux chaque soir. La scène est un rendez-vous presque sacré.

Ça commence à faire longtemps que je fais ce métier et pourtant, je me rends compte à quel point il est inépuisable tant au niveau de la création que de l’échange qu’il permet.

 

« C’était aussi excitant qu’effrayant !«  Raphaël 

 

Un projet compliqué à monter mais qui en valait la peine…

Raphaël : Je ne regrette vraiment rien mais c’est vrai que tout a été compliqué, de sa genèse à sa 1ère ! (rires) On était incapable, jusqu’à ce que le rideau s’ouvre, de savoir si ça allait fonctionner puisque je n’avais pas de précédent auquel me référer… Je n’avais vu aucun autre spectacle ressemblant à ça alors c’était aussi excitant qu’effrayant ! J’en ai cauchemardé pendant longtemps et ça m’a poussé à énormément le travailler que ce soit avec Guillaume Vincent – le metteur en scène -, James Brandily – un scénographe incroyable – ou avec les excellents acteurs sur le plateau… C’était réconfortant de ne pas être seul…

 

 

« J’ai envie de dépassement, d’invention et de magie…«  Raphaël 

 

Le résultat a été à la hauteur de vos attentes ?

Raphaël : Ces 2 semaines aux Bouffes du Nord ont été merveilleuses ! Peut-être même les plus belles de toute ma carrière de musicien. Ce que je vis avec ce spectacle est extrêmement fort… 

Je crois d’ailleurs qu’après une proposition aussi ambitieuse, j’aurais du mal à revenir à un truc plus simple… J’ai envie de dépassement, d’invention et de magie…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Mathieu Cesar & Marcel Hartmann / interview dans Le Mensuel de novembre 2022

 

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