CONCERT
Pierre de Maere en interview pour son album et sa tournée de concerts
« Les gens ont souvent l’image d’un mec un peu froid… » Pierre de Maere
Dévoilé il y a un an suite à l’engouement du public pour le morceau Un jour je marierai un ange, le tout premier album du jeune belge Pierre de Maere – Regarde-moi – a désormais pris corps sur scène. Débordant de créativité et d’inspiration au point d’avoir eu le courage de se façonner un univers, un look, des sonorités originales mais aussi d’inventer sa propre manière de chanter, l’auteur-compositeur-interprète surprend peut-être encore plus par sa personnalité. Car derrière cette iconographie léchée, le jeune homme, en proie au doute permanent, est touchant de simplicité et d’humilité ! Bavard, enjoué et passionnant, il transpire d’une générosité et surtout d’une énergie folle que son imagerie parfaite rend quasiment insoupçonnable.
Pierre de Maere en interview pour son album et sa tournée de concerts
interview / concert / tournée / musique / album
- ★ 28 août 2024 / 19:00 / Puget-sur-Argens / Le Mas d’Été / 🎟️ Infos & billetterie ici !
- 09 mars 2024 / 20:00 / Monaco / Grimaldi Forum / 🎟️ Infos & billetterie ici !
- Victoires de la musique : 09 février 2024 / 2 nominations / France 2
Morgane Las Dit Peisson : En pleine tournée avec un stop prévu à Monaco le 09 mars prochain…
Pierre de Maere : Je suis aux anges d’être sur la route et de pouvoir découvrir toutes ces régions mais je dois avouer que Monaco me fait un peu rêver ! J’ai été à la fois hyper heureux et étonné de voir cette date s’ajouter car je ne m’imaginais pas que des gens m’écoutaient de là-bas ! (rires) Et puis il y a un fantasme autour de cette principauté à la vue plongeante sur la mer… Ça me donne envie, je me réjouis d’y aller !
Avant ce concert, il y aura le 09 février les Victoires de la musique dont tu es devenu un habitué…
C’est rassurant de devenir un habitué de ces choses-là, c’est plutôt bon signe ! (rires) Je n’avais pas envie d’être l’homme d’une seule fois, ça aurait été dommage… Donc revenir doublement nommé dans les catégories « Artiste masculin » et « Chanson originale » c’est très agréable, ça motive pour la suite et ça me laisse penser qu’on ne m’a pas encore oublié ! (rires)
Tu donnes l’impression depuis un an de continuer à t’émerveiller et te surprendre de tout ce que tu vis…
Ce serait tellement dommage et décevant d’être blasé alors que je ne fais que commencer à tout découvrir. Je plains ceux qui ne s’émerveillent plus de rien tant c’est la base même de la joie ! Et en effet, j’éprouve souvent un certain manque d’assurance… Mais j’ai l’impression que c’est plutôt « sain » parce que ça me pousse sans cesse à faire mieux et à aller plus loin. Je me sens à ma place, mais jamais vraiment « en place »…
J’en parlais avec une copine qui connaît très bien Clara Luciani et qui me disait qu’elle avait beau cartonner avec ses albums et avoir je ne sais combien de trophées à son actif, elle craignait toujours de revenir avec un nouveau projet et que personne ne soit là pour l’écouter.
J’ai un peu ce truc-là aussi et je ne sais pas si c’est propre à la chanson française et à la pop, mais j’ai la sensation que le public rap est beaucoup plus à l’affut des nouveautés alors que nous, on doit se battre pour imposer un nouveau single. Ça passe souvent par une sorte de forcing pour qu’un morceau rencontre les gens. Ça a été un combat pour Un jour je marierai un ange… Contrairement à ce que beaucoup pensent, je ne suis pas tombé du ciel avec ce morceau. Il existait depuis un an, il tournait sur pas mal de radios en France et pourtant, ça a été une sorte d’acharnement.
Je me dis que rien n’est jamais vraiment acquis, en tout cas pas au tout jeune stade où j’en suis. C’est évidemment hyper bien qu’un premier album fonctionne, c’est génial d’avoir un disque d’or, mais ça ne veut pas dire que les gens vont prendre la peine d’écouter la suite. Il y a encore beaucoup de travail pour les séduire, qu’on apprenne à se connaître mutuellement et pour avoir la chance qu’ils reviennent écouter le prochain opus. Rien n’est jamais sûr mais c’est ça qui est excitant ! (rires)
Quand on compose, qu’on écrit et qu’on chante, on se livre totalement donc quand on rencontre son public, c’est le plus beau cadeau qu’on puisse recevoir…
Oui, c’est tellement intime de créer tout seul dans son coin que se rendre compte que des gens adhèrent à notre projet est la plus belle des récompenses ! Mais ce que je préfère dans tout le processus de création, je crois que c’est le jour de la sortie… C’est tellement dur de façonner tout ça que quand ça voit le jour, même si on ne sait pas encore si ça va fonctionner, c’est jouissif ! Je ne vais pas mentir en disant que je prends énormément de plaisir à écrire un morceau… (rires) Ce qui me plaît, c’est de le terminer et de voir que tous les efforts que j’ai fournis trouvent du sens. C’est réaliser que les textes vont trouver des échos chez les gens et qu’ils vont les comprendre à leur façon, avec leur vécu et leur humeur du moment. Les chiffres c’est bien, ça rassure et ça encourage mais ce qui compte, c’est la vraie rencontre en concert. C’est ce moment magique où je peux m’arrêter de chanter un titre et que j’entends le public prendre le relai… C’est incroyable d’entendre 500, 1000 ou 3000 personnes continuer à chanter ce que tu as écrit tout seul sans être hyper sûr que c’était bon ! (rires) Ça donne tellement de sens à tout ce qui a été fait précédemment et à tout ce qui arrivera par la suite que c’est la plus belle des motivations…
Je découvre que c’est un métier qui ressemble à des montagnes russes ! Il y a des bas qui sont vraiment extrêmement bas, et des hauts qui sont tellement extraordinaires qu’ils méritent de se donner tout le mal du monde pour avoir un jour la chance de les connaître ! Ce que j’ai vécu depuis un an m’a confirmé que ça valait la peine de déprimer en écrivant un album sans savoir si quelqu’un l’écouterait un jour ! (rires)
Tu as ressenti quoi la toute première fois que tu as entendu une salle entière reprendre tes textes ?
C’était une sorte d’euphorie… Je me souviens de ma première Cigale à Paris au tout début de la tournée… C’était absolument imparfait, je chantais mal à ce moment-là, tout était maladroit et en même temps, c’était génial parce que c’était absolument punk. Je découvrais tout et quand j’ai entendu la salle chanter, ça a été la première claque d’amour que je me prenais ! Je découvrais pour la première fois de ma vie l’impact que mes mots pouvaient avoir et ça m’a rendu fou ! Sur scène, j’étais transporté, j’ai été drôle, je me sentais hyper bien, je n’étais pas sage du tout ! (rires) D’ailleurs je me sens parfois presque trop raisonnable aujourd’hui à cause de ma petite expérience. Je comprends mieux les rouages, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Quand j’ai débuté la scène, j’ai franchement été gauche mais ça a donné des coups de génie, des éclairs et sans doute aussi des choses très gênantes ! (rires) C’est aussi ça qui a rendu cette date si fantastique et si folle ! Pour tout te dire, en vivant ce concert-là, j’ai compris que je voudrais faire ça toute ma vie ! J’ai connu le fait de chanter en première partie dans un bar quand personne ne t’écoute et même si c’est formateur, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi ! (rires)
Il y a les concerts mais aussi la période de création… Un premier album ça se construit sur des années ?
On dit que le premier, c’est l’album d’une vie et en même temps, j’ai l’impression d’avoir été un peu rushé par le succès de Ce soir je marierai un ange. Il a pris une telle ampleur à sa sortie que ça a été un peu un impératif de sortir un objet rapidement. Il y a finalement eu une petite course pour ce premier disque mais malgré ses imperfections, je suis heureux que ça se soit passé comme ça, ça m’a obligé à le terminer et à ne pas procrastiner ! Même si je n’ai pas de date pour le second, j’avance tranquillement dessus mais je me connais, je sais qu’il me faudra, à un moment donné, avoir une obligation, un rendez-vous.
J’espère pouvoir sortir le prochain en 2025 mais ce qui compte c’est qu’il soit prêt et qu’il soit bon car je ne veux pas livrer un disque dont je ne sois pas fier… C’est hyper excitant de travailler dessus car dès que le 1er est paru, je me suis très vite rendu compte que j’avais une belle marge de progression devant moi ! (rires) En toute transparence, je ne l’ai pas sorti en étant absolument pleinement satisfait de tout mais la bonne nouvelle dans tout ça, c’est que je ne peux faire que mieux ! Je pense que j’aurais été trop stressé si j’avais, par exemple, sorti le Racine carrée de Stromae où tout est bon et d’une perfection absolue… Là, je vois toute l’infinité de possibilités qui s’offrent à moi pour créer un album encore plus beau, ça me rassure et ça me motive !
Et puis, ce qui ne te plaît pas trop ou plus sur l’album peut avoir une autre couleur et une autre vie sur scène…
Exactement, il y a des morceaux pour lesquels je n’avais pas forcément beaucoup d’affect avant de les jouer en vrai et une fois en concert, ils ont pris une autre patine, une autre densité. Le titre Les animaux par exemple, n’a pas sa place, à mon sens, sur l’album alors que sur scène, il devient la plaque tournante du concert parce que d’un coup, les gens sont fous et se lâchent pour retrouver – à toute proportion gardée bien sûr (rires) – leur instinct primaire. Grâce à cette première tournée, je découvre vraiment la puissance du live, le côté plus brut, plus vivant et plus humain de la création…
Et le live permet aussi au public de te découvrir différemment…
C’est vrai que le concert offre une autre vision de ce que je suis. Les gens ont souvent l’image d’un mec un peu froid, voire hautain parce que j’aime la photo, la mode et le travail de l’image… Quand ils arrivent dans la salle, ils pensent que je vais chanter sur bande en restant assez calme et statique alors qu’il y a trois musiciens, que ça joue vraiment et que ça bouge. Je parle beaucoup, je me donne à fond et honnêtement ça ne ressemble pas à ce que le visuel de l’album pourrait laisser imaginer. C’est beaucoup plus chaleureux et beaucoup plus fou que l’univers graphique que j’ai choisi.
Mais cette proposition esthétique et cet univers, c’est aussi un travail qui plaît… Il y a dans ta démarche créative et dans le clip Mercredi par exemple, l’inventivité des débuts de Mylène Farmer ou de Michael Jackson… Comme eux, ce que tu crées (comme ta façon de chanter d’ailleurs) ne ressemble à rien d’autre…
Ça me touche parce que quand j’écoute un artiste, j’ai très envie de rêver, de m’évader, de me plonger dans un univers… J’aime par exemple les tableaux de peinture romantique au point qu’ils me donnent parfois envie de vivre dedans ! (rires) Le réalisme m’importe peu car je connais la réalité, j’y suis confronté tous les jours. Et même si la mienne est plutôt belle, j’ai besoin que l’art m’apporte autre chose. Lorsque je vais au musée, je vais regarder entre autres les tableaux d’un peintre que j’adore, Hubert Robert, qui dépeint très bien les ruines antiques léchées par un coucher de soleil… C’est tellement beau que c’en est parfois presque kitsch ! Alors quand je regarde le travail d’enchanteresses telles que Mylène Farmer ou Lady Gaga, je suis appelé à rêver et c’est en effet un peu ça que je souhaite proposer, des univers dans lesquels les gens pourraient avoir envie de rentrer.
Dans la même idée, chaque chanson raconte sa propre histoire, un peu comme une nouvelle qui s’écoute sur fond de pop ou d’électro…
Ça me fait vraiment plaisir que ce soit perçu comme ça parce qu’en effet, j’aime même l’idée qu’on puisse juste choisir de lire les textes sans écouter ma voix ou ma musique. J’aime raconter des histoires et celle dont je suis le plus fier, en termes de propos, c’est Les oiseaux… C’est un homme au front qui s’exprime et malheureusement, elle est, même à notre époque, d’actualité…
Il y a de la candeur, de l’audace, une fausse naïveté dans ce que tu proposes…
J’aimerais beaucoup un jour être capable de faire un disque à la Rita Mitsouko. Tu vois cette folie et cette légèreté, cette musicalité et ces paroles tellement puissantes et pleines de sens… Ce groupe est un ovni et personne d’autre que ses membres n’aurait pu créer ça. J’aime l’idée de donner vie une œuvre à laquelle personne n’aurait jamais pensé avant moi… J’ai encore du travail pour y parvenir mais c’est un bel objectif pour la suite en tout cas ! (rires)
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos droits réservés / février 2024
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