INTERVIEW
Philippe Lellouche en interview
« Le temps qui reste » s’offre une nouvelle tournée de quelques dates motivée par le désir de trois amis toujours aussi impatients qu’il y a quinze ans de jouer ensemble ! Si Christian Vadim a partagé l’affiche au théâtre avec Charlotte Valandrey, que Philippe Lellouche a cartonné dans « L’invitation » avec Gad Elmaleh et que David Brécourt s’est découvert un talent presque insolent pour le seul en scène dramatique, aucun d’entre eux n’a pu résister à l’idée de « remettre le couvert »… Grands enfants devenus quinquas, leurs personnages vont, après l’enterrement d’un de leurs amis proches, réaliser que la vie est courte, trop courte d’ailleurs pour continuer à ne pas oser la vivre pleinement !
PHILIPPE LELLOUCHE, « Le temps qui reste »
Marignane / 08 mars • Puget-sur-Argens / 19 mai (REPORT COVID-19 du 08 avril)
Rousset / 09 avril • Hyères / 21 mai (REPORT COVID-19 du 10 avril)
« Depuis 15 ans, ils partagent ma vie, je ne pourrais plus faire sans eux ! »
MORGANE LAS DIT PEISSON : Le temps qui reste, ta 6ème pièce a à nouveau bénéficié de la fidélité du public…
PHILIPPE LELLOUCHE : C’est une immense satisfaction de se rendre compte que les gens continuent de venir nous voir et en redemandent ! Le temps qui reste est en effet ma 6ème pièce mais c’est aussi le 5ème opus avec notre trio d’inséparables alors je pense que l’écriture est loin d’avoir tout fait ! (rires) Le public s’est un peu attaché à nous et a envie de nous retrouver dans de nouvelles histoires… C’est extrêmement touchant !
Jamais le syndrome de la page blanche ?
Un peu au début de chaque pièce ! (rires) Je ressens plein de craintes différentes quand je me lance dans l’écriture… Je ne veux pas décevoir les gens qui nous sont fidèles depuis le début et qui parfois achètent leurs places sans même savoir de quoi ça parle, j’ai peur de ne pas trouver de sujet original, de me répéter et puis je ne veux pas non plus trahir la confiance de David et Christian dont l’avis compte énormément pour moi… Donc il y a toujours un petit moment de panique qui s’évanouit dès que je me mets à nous analyser un peu… On évolue, on grandit tous les trois et c’est, je crois, une de mes principales sources d’inspiration…
Trois hommes que l’on voit changer sous nos yeux depuis 15 ans…
On n’incarne jamais les mêmes personnages d’une pièce à l’autre mais les gens ont, c’est vrai, la sensation de retrouver des mecs qu’ils connaissent bien car justement, ils nous ont vus évoluer… Ça a débuté avec une pièce de trentenaires et aujourd’hui, avec Le temps qui reste, on les retrouve en quinquas préoccupés par la mort…
Souvent, le sujet central t’agace ou t’interpelle…
Si nos personnalités m’inspirent beaucoup pour le développement des personnages, le sujet de fond est en effet souvent quelque chose qui m’énerve, m’attriste, me choque ou me tient à coeur alors j’y vais à fond et c’est pour ça qu’une fois que je me suis « vidé » sur le papier, je me sens desséché et incapable de trouver une nouvelle idée ! (rires) Mais à chaque fois, je finis pas tomber sur un thème où il y a de quoi faire ! En même temps, en termes d’énervement, on a souvent pas mal de matière dans notre société… D’ailleurs, je ne sais pas si c’est rassurant mais je me suis aperçu au fil des années que le public avait les mêmes préoccupations que moi… Pourvu que ça dure ! (rires)
Tu écris un peu en permanence ou plutôt dans l’urgence ?
Je pencherais pour la réponse B ! (rires) Je suis un fainéant contrarié puisque je bosse tout le temps mais j’ai beau avoir quelques années d’expérience maintenant dans l’écriture, je travaille tout le temps dans l’urgence ! Et une fois que j’ai la bonne idée, ça peut aller assez vite parce qu’elle a mûri dans ma tête sans même que je m’en aperçoive vraiment…
Auteur et comédien…
Personnellement, je trouve que ça s’équilibre bien mais mes camarades de jeu m’engueulent un peu quand on répète car ils s’aperçoivent que je ne suis pas du tout dans l’interprétation mais dans l’analyse… J’ai une tendance à avoir du mal à quitter ma peau d’auteur les premières fois alors j’écoute, je regarde, je retouche et, une fois que je suis rassuré, c’est le comédien qui prend totalement position… C’est un peu étrange cette espèce de schizophrénie contrôlée ! (rires)
Des comédiens mais avant tout des amis…
Tous les deux font partie de mon histoire donc même si on ne travaillait plus ensemble demain, je continuerais à les voir ! Depuis 15 ans, ils partagent ma vie et participent aux projets qui me sont les plus chers donc je ne pourrais plus faire sans eux ! D’ailleurs, je pense que j’aurais été incapable de travailler autant avec d’autres comédiens qu’eux… On n’a parfois pas besoin de se parler pour se comprendre et savoir ce que les uns et les autres pensent, ce sont des relations très rares…
Tu as vu passer ces années ?
Franchement non ! J’ai l’impression d’avoir commencé hier… La notion de temps est bizarre parce que je me souviens bien de chaque étape de ma carrière mais tout est passé à une vitesse folle… Le plus incroyable, c’est de réaliser que j’ai 50 ans ! Et plus les années passent moins je les vois passer, c’est affreux ! J’ai l’impression que Noël est collé à l’été ! (rires) Alors dans cette machine infernale, j’ai la sensation que nos tournées régulières me rassurent un peu en rythmant ma vie…
Le temps qui reste parle de ce temps qui passe…
C’est une préoccupation assez récurrente chez moi et donc dans ce que j’écris… J’ai une conscience absolue voire obsédante de ce temps qui s’écoule, je voudrais le retenir, je n’ai pas envie de vieillir et pourtant, il m’est arrivé, comme à tout le monde, d’en « gâcher » par peur d’agir et de prendre des décisions. C’est exactement ça qu’on retrouve au coeur de cette pièce ! Comme l’a si bien chanté Etienne Daho, il peut exister un « premier jour du reste de ta vie » mais il faut trouver le courage de remettre en question ce qui ne nous rend pas pleinement heureux… Jusqu’à preuve du contraire, le vrai sens de la vie ce n’est que ça et vu qu’on en n’a qu’une, il ne faut jamais rien remettre au lendemain, surtout en matière de bonheur ! Si on sent qu’il est ailleurs, que ce soit amoureusement ou professionnellement, il faut le suivre coûte que coûte…
Un sujet personnel qui parle à tous…
Je crois que plus c’est intime et sincère, plus ça devient universel. C’est pour ça que je ne me pose jamais la question, avant d’écrire, de savoir ce que les gens attendent de moi ou du théâtre en général…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson aux Nuits Auréliennes de Fréjus en 2018 • Photos Pascalito & Jean-Marie Marion
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