INTERVIEW
Philippe Chevallier en interview
Après 35 ans de bons et loyaux services au sein d’un duo comique quasiment devenu mythique, les deux compères que l’on peine parfois à ne pas imaginer siamois ont décidé non pas de se séparer mais de s’offrir des aventures « extra-conjugales » pendant quelques mois… Ainsi le parfois – voire souvent – étrange Régis Laspalès s’est dirigé vers le théâtre aux côtés de Francis Huster et Philippe Chevallier a quant à lui osé se lancer un défi de taille : continuer à faire rire sur scène mais tout seul, pour la première fois ! Proposant un univers aux accents quelque peu absurdes en continuité totale avec ce que l’on a toujours connu de lui au sein du binôme infernal, le challenge a été de créer un spectacle entier qui lui – donc leur – ressemble sans jamais souffrir d’une quelconque comparaison ni même d’un quelconque manque…
« Notre duo nous a beaucoup accaparés, peut-être trop mais ce qui est certain, c’est que je ne regrette rien… »
Morgane Las Dit Peisson : Pour la toute 1ère fois, on vous retrouve seul sur scène…
Philippe Chevallier : J’ai beaucoup hésité avant de faire ce one man show mais comme Laspalès avait prévu de jouer dans À droite, à gauche – la pièce de Laurent Ruquier -, je me suis dit qu’il fallait bien que je fasse quelque chose ! (rires) Et puis, même si l’envie de tenter cette expérience a fait son bonhomme de chemin, j’avais conscience que ça n’allait pas être évident, voire peut-être pas très bien reçu par le public… Notre marque de fabrique, en tant que duo, est très forte alors j’ai évidemment eu peur que les gens soient déçus en me trouvant seul sur les affiches… Comme dit Bouvard, on est une structure bicéphale, dans l’esprit du public on est toujours tous les deux, on est liés…
Même si l’univers s’approche évidemment de celui de Chevallier et Laspalès, ce ne sont pas des redites de sketchs que l’on connaît déjà…
En effet, Chevallier ! est réellement un spectacle à part entière qui est en quelque sorte issu de certains des textes inutilisés que j’avais écrits pour Le Coup de Sang des Grosses Têtes de Bouvard et d’autres de ces billets d’humeur ont d’ailleurs servi à écrire mon bouquin Les Français et moi qui est sorti en avril dernier. J’ai ensuite rodé tranquillement tout ça chez mon grand ami Jacques Mailhot, au Théâtre des Deux Ânes à Paris, sous le regard aiguisé de Bruno Chapelle qui m’a énormément aidé à retravailler mes textes et à donner un véritable rythme à la mise en scène jusqu’à ce que je sois prêt à le jouer au Théâtre Edgar où Régis et moi avions débuté il y a 35 ans !
Être seul sur les planches c’est synonyme de pression mais aussi de liberté…
C’est vrai que jouer seul me permet par exemple d’improviser autant de fois que je le souhaite. C’est quelque chose que Régis n’aime pas tellement, il a besoin d’assimiler les choses pour se sentir à l’aise. Il est plus comédien que chansonnier alors que moi, j’adore laisser libre cours à mon imagination et à mon désir de parler aux gens dans de petites salles où la proximité est inévitable. Ça a été une très bonne école pour moi, c’est comme si j’avais réappris mon métier. Et puis, quand on est en duo il faut attendre la décision de l’autre, ce n’est pas toujours facile d’être du même avis alors que seul, on est son propre patron, on fait ce que l’on veut et ça va beaucoup plus vite.
« Changer d’air » au bout de 35 ans, ça fait du bien ?
Je pense qu’il était temps bien que ça ne signifie pas que ce soit terminé entre nous ! (rires) Pour moi, c’est un challenge qui m’amuse beaucoup et puis il y avait de la part de Régis une petite lassitude face à cette routine mais surtout une profonde envie de théâtre. Je crois que ça fait toujours du bien de s’affranchir un peu de son partenaire ne serait-ce que pour revenir plus tard encore plus excité et inspiré !
Ces 35 années ont dû passer très vite…
On ne réalise qu’elles sont passées que lorsqu’on regarde dans le rétroviseur, j’en parle d’ailleurs un peu dans mon spectacle… Je ne saurais pas dire si le temps a passé vite mais il a rempli plus qu’on ne l’aurait souhaité notre vie professionnelle. C’est une chance incroyable même si ça a évidemment eu des incidences sur nos vies, nous qui les avons passées quasi exclusivement à deux sur scène. J’ai d’ailleurs attendu 60 ans pour me marier, ça vous donne un aperçu du problème ! (rires) Notre duo nous a beaucoup accaparés, peut-être trop mais ce qui est certain, c’est que je ne regrette rien…
Désormais seul sur les planches et en armure comme sur l’affiche ?
Je sais que je vais vous décevoir mais vous me verrez sans mon armure ! Ce qui n’est peut-être pas plus mal puisque qu’une armure cache l’essentiel… Avec mon producteur Luq Hamett, on a voulu jouer sur mon nom de famille donc je ne suis pas mécontent de ne pas m’appeler Leboeuf par exemple… Ça aurait été un coup à finir déguisé en Vache qui rit et à ressembler à Roselyne Bachelot !
Pas d’armure mais un esprit chevaleresque ?
Mais il n’y a que ça dans ce one man ! (rires) Saupoudré, bien sûr, d’un peu de panache ! Ce spectacle est un constat tout aussi amer que rigolo sur les inconvénients de la sophistication technologique et sur les affres de la complexité du modernisme tout en passant par les problèmes de la mauvaise haleine, allez comprendre ? (rires) Mais toutes les thématiques sont reliées par une sorte de fil rouge qui est l’esprit de chevalerie puisque j’essaie de me comporter en « Chevalier des Temps Modernes » malgré les politiques, le Festival de Cannes et la complexité d’évoluer dans une chambre d’hôtel design ! C’est une conversation où j’invite fermement le public à intervenir, ce qu’il ne manque pas de faire en général.
Le tout parsemé d’un peu d’absurde…
Oui, il faut toujours partir de la chose la plus pragmatique et la plus quotidienne possible comme par exemple, le sketch du train… Il n’y a rien de plus banal que de prendre un train et c’est lorsque l’on fait plonger l’histoire dans un genre de 3ème dimension, que l’ordinaire devient tout à coup l’extraordinaire et que ça devient drôle. Ça fait partie de mon ADN donc même si je suis seul et que je propose quelque chose de différent de Chevallier et Laspalès, on est dans une sorte de continuité.
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés
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