INTERVIEW

Pascal Obispo en interview

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Depuis 25 ans que son travail est connu du grand public, l’auteur, compositeur et interprète n’a jamais rien perdu de la curiosité et de la fougue qui l’ont constamment conduit vers de nouveaux horizons. Car si Tombé pour elle, Lucie ou Personne sont marqués au fer rouge dans nos mémoires, Pascal Obispo est également l’artiste qui a osé porter une perruque pour Fan, qui a conçu tout un univers autour d’un Captain Samouraï Flower ou qui a imaginé le spectacle musical Adam et Ève : La Seconde Chance… Créatif dans l’âme donc, il aurait été impensable de ne pas se laisser surprendre par son dernier opus – Billet de femme – né de son coup de coeur pour les textes d’une poétesse du XIXème siècle, Marceline Desbordes-Valmore. Une mise en musique d’une grâce et d’un anti-conformisme beaucoup trop rares de nos jours et qui, à l’occasion de sa tournée, a choisi de s’offrir la virtuosité d’un orchestre symphonique.


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Billet de femme
À Nice le 18 novembre 2016

 


« Ce qui est excitant dans nos métiers, c’est de vibrer, de créer, de proposer, d’interpeller et de prendre le risque de se planter… »


Vous nous offrez à chaque tournée des spectacles différents, à quoi va ressembler celui-ci ?

Pascal Obispo : Pour le coup, c’est vraiment différent de tout ce que j’ai pu faire jusque là car je suis en compagnie d’un orchestre symphonique composé de presque cinquante musiciens ! C’est un spectacle habillé par des lumières imaginées par Dimitri Vassiliu qui ont quelque chose de presque postmoderne et contemporain ! Les chansons ont, quant à elles, été réorchestrées par Jean-Claude Petit qui avait déjà oeuvré sur l’album Billet de femme. Je viens d’ailleurs de recevoir les premiers mix du live qui sortira prochainement et sincèrement, à l’écoute, c’est vraiment étonnant d’entendre ses propres chansons dans une facture si riche et si élégante !

Chanter avec tous ces musiciens derrière soi, c’est intimidant ou stimulant ?

Je crois que c’est vraiment un mélange des deux sensations… La musique est déjà en soi quelque chose qui nous élève, qui nous soigne, qui nous fait grandir et nous fait nous sentir mieux alors quand j’ai l’orchestre avec moi, j’ai l’impression de vivre pleinement et plus intensément ces concerts là ! C’est vrai que l’on peut se sentir petit les premières fois mais on est très rapidement porté par la puissance de ces cordes et de ces cuivres ainsi que par la joie que le public affiche. C’est vraiment une aventure unique à vivre, autant pour moi que pour ceux qui ne se seraient peut-être jamais dirigés spontanément vers un concert symphonique en temps normal.

L’album Billet de femme est déjà, en tant qu’objet, très élégant avec ses photos en noir et blanc et son atmosphère de boudoir…

J’aime qu’un disque ait sa propre couleur, qu’il ne ressemble pas au précédent et qu’il n’influence pas le suivant… Chaque journée a sa couleur, son humeur, son émotion et à mes yeux, c’est la même chose pour chaque nouvel album. J’essaye, dans chaque nouveau projet, de donner un esprit général, de raconter une histoire… Ce n’est pas mon truc de balancer des titres très différents, comme ça, en vrac, car j’aime que ce soit homogène. L’histoire que narre Billet de femme, c’est celle de ma rencontre avec Marceline Desbordes-Valmore dont je n’aurais pas pu ne faire qu’une seule chanson tant j’aurais trouvé ça ridicule et un peu frileux de ma part ! Et comme, lorsque je m’attaque à un projet parce que j’ai la sensation d’avoir trouvé quelque chose de fort et que je suis plutôt quelqu’un de courageux et de jusqu’au-boutiste, je me suis plongé corps et âme dans les textes de cette poétesse malheureusement peu connue.

Un choix surprenant et hors « modes »…

Je pense que c’est important voire primordial qu’un artiste propose de la diversité et ose des choses car quelque part, c’est son rôle premier… C’est vrai que j’ai la « chance » de faire de la musique depuis 35 ans et que ça fonctionne plutôt bien mais je n’ai jamais été carriériste dans mes choix. Quand j’ai débuté tout jeune dans des groupes, on faisait du rock et c’est vrai qu’on avait une attitude très instinctive et spontanée quand on composait. On était en réaction pour ou contre quelque chose et j’ai toujours conservé, depuis, ce fonctionnement là. Pour composer, j’ai besoin de ressentir une réaction épidermique quand je touche au piano ! (rires) Une fois que Lucie a eu le succès qu’elle a connu, j’aurais pu la décliner à l’infini pour m’assurer à chaque fois la même « réussite » mais ça n’aurait eu aucun intérêt artistique… Ce qui est excitant dans nos métiers, ce n’est pas de surveiller le nombre de ventes d’un album – même si c’est sûr que l’on préfère que les gens aiment notre travail – mais c’est de vibrer, de créer, de proposer, d’interpeller et de prendre le risque de se planter…

Vous aviez en tête depuis longtemps les textes de Marceline Desbordes-Valmore ou ils vous sont tombés dessus ?

Malheureusement, à l’école, on ne l’étudie pas et elle n’est pas très populaire alors qu’il faut savoir qu’elle a tout de même influencé de nombreux auteurs. Elle était autodidacte et elle a surpris grâce à sa simplicité d’écriture à une époque – début 19ème – où le style était bien plus alambiqué. C’est dommage qu’on ne cherche pas plus à découvrir ce genre de petites perles dont notre culture regorge car même si Apollinaire, Prévert et Maupassant ont été d’indéniables génies, d’autres mériteraient que l’on se penche un peu plus sur leurs oeuvres. Personnellement, c’est un peu par hasard que j’ai découvert les poèmes de Marceline Desbordes-Valmore, en rangeant les affaires de mon père après qu’il nous ait quittés et j’ai trouvé que son style était formidable ! Je me suis installé au piano tout le week- end et l’inspiration est venue naturellement…

C’est la variété de ses rythmes en six, dix, quatre ou huit pieds qui a interpellé le musicien ?

Ça aurait certainement pu être le cas mais c’est surtout l’utilisation qu’elle a fait de la langue française qui m’a séduit car j’ai eu la sensation que je venais de recevoir ces textes de la part d’un auteur contemporain ! (rires) Son écriture est devenue intemporelle alors qu’à l’époque, elle était réellement avant-gardiste.

Des textes simples sans être simplistes rappellent l’écriture de Lionel Florence…

Effectivement, sur le moment, ça m’a un peu fait penser au travail de Lionel dans son fond, sa limpidité et sa sobriété. J’ai beaucoup lu et je n’ai retenu, par exemple, que quatre textes dans le recueil de mon père avant de me lancer dans une grande mission de recherches ! (rires) Ceux que j’ai choisi sont ceux qui avaient une certaine musicalité, qui comportaient des gimmicks – ces phrases d’accroche qui se répètent un petit peu sur le principe des refrains – et surtout qui m’ont donné l’envie. Ça m’a énormément amusé de m’engager dans cette quête, je l’ai pris comme un jeu et sur les vingt-cinq que j’ai mis en musique, seulement douze sont res- tés sur l’album Billet de femme…

Vous avez travaillé avec beaucoup d’artistes et dernièrement avec Vincent Niclo sur son album 5.O qui nous a dit « On a tous quelque chose en nous d’Obispo »… (interview sur le-mensuel.com)

(rires) Vincent Niclo est vraiment une personne adorable ! C’est vrai qu’avec les années, je me suis aperçu que mes chansons – comme celles de tous les artistes d’ailleurs – avaient pu marquer certains moments de la vie des gens… Elles ont, comme L’envie d’aimer par exemple, accompagné des rencontres, des mariages, des naissances ou des séparations. C’est quelque part assez normal dans l’absolu mais ça provoque toujours quelque chose d’un peu étrange quand on sait qu’on est lié, à travers un titre qu’ils ont aimé, à des gens qu’on ne croisera peut-être jamais… C’est extrêmement touchant de le savoir de mon vivant, tous les artistes n’ont pas eu cette chance ! (rires)

Vous êtes aimé du public mais aussi des artistes que vous impressionnez parfois…

Je me suis rendu compte que je faisais un peu peur, au début, à Vincent Niclo ! (rires) Peut-être que quand on aime trop le travail des gens, on appréhende leur opinion plus qu’il ne le faudrait par crainte de les décevoir. Mais je l’ai vite détendu ! (rires) Il a vu que j’étais quelqu’un d’assez normal… Je suis heureux d’avoir travaillé avec lui car au delà d’être gentil, charmant et talentueux, j’ai réussi à l’accompagner dans des endroits qu’il n’avait jamais exploré avant tout en restant, bien évidemment, dans quelque chose qui lui ressemble. C’est un profil intéressant car c’est une personne très pudique qui ne veut jamais parler de lui, de sa vie privée, de son passé, de ses souf- frances et le challenge était justement de le dévoiler un peu plus en faisant éclore certaines choses. Je n’aurais pas pu réaliser son nouvel album s’il n’avait pas accepté qu’on y apporte du fond car faire une « belle » chanson ne me suffit pas…

C’est beau de voir qu’un artiste dit « solo » ne jalouse jamais les autres et les pousse à s’élever…

Je suis sincèrement comblé, par exemple, de voir le sourire que Vincent Niclo arbore en ce moment car ça me donne la sensation d’avoir participé à quelque chose de bénéfique et d’utile. Jalouser ne sert à rien et je l’ai appris au fil des années. J’aime aller voir Christophe Maé en concert parce qu’il procure une énergie folle et que je vais en ressortir heureux, j’aime aller voir Benjamain Biolay qui est un des plus grands musiciens français et qui, avec sa poésie un peu noire, va me nourrir… Je ne suis pas leur attaché de presse (rires) mais, j’ai une telle passion pour le travail et la musique que je ne peux qu’admirer les talents qui m’entourent. Ça peut paraître niais comme ça, mais sans les autres, on n’est pas grand chose…

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo droits réservés

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