INTERVIEW
Noa en interview
Citoyenne du Monde plus que d’une unique patrie, Achinoam Nini – plus connue en France sous le nom de Noa – a grandi dans le Bronx avant de rentrer, à tout juste 17 ans, dans son Israël natal pour y effectuer ses deux ans de service militaire. Attachée à ses racines, c’est là-bas qu’elle a choisi de poursuivre sa vie, d’étudier le jazz et la musique contemporaine avant d’y connaître ses premiers succès il y a bientôt 30 ans désormais. Célèbre en France depuis le milieu des années 90 grâce à l’émission Taratata et à la comédie musicale Notre-Dame de Paris qui lui avait confié la voix d’Esmeralda avant que ne débute la tournée, l’interprète de I don’t know semble occuper une place particulière dans le coeur d’un public charmé certes par la grâce des variations vocales de l’artiste mais aussi par le fort tempérament de celle-ci. Prête à aucune concession quand il s’agit de son art et de ses convictions, la belle méditerranéenne peut en effet être fière de ne jamais avoir cédé aux affres d’une industrie musicale bien trop souvent chronophage…
À Draguignan le 18 mai
« La paix ne dépend que de nous… »
Vous chantez continuellement à travers le monde…
Noa : C’est extrêmement plaisant et je n’oublie jamais que c’est une chance bien que parfois, ça puisse être un peu fatigant. Mais c’est notre vie, en tant que musiciens, d’être sur les routes… C’est notre identité et une partie de notre « raison d’être » (NDLR : en français dans l’interview). C’est une belle expression je trouve qui, bien qu’étant française à l’origine, appartient désormais au monde entier ! (rires) Et puis, je suis particulièrement heureuse quand je viens en France car je n’oublie pas que c’est un des premiers pays qui m’a donné ma chance…
Même si on ne vous voit pas tout le temps, on ne vous a pas, en France, oubliée…
C’est ça qui me touche énormément… Je vois que ma relation avec le public reste toujours la même malgré les années qui passent et l’industrie du disque qui a littéralement changé. Je ne fais pas partie des artistes qui sortent régulièrement des singles et des remix ou qui vont dans des télé-réalités pour se montrer. Je suis assez têtue en ce qui concerne mon indépendance et ma musique… (rires)
On se souvient de vous, entre autres, en Esmeralda…
J’ai effectivement enregistré l’album de Notre-Dame de Paris avant que le spectacle ne se joue sur scène mais je ne me sentais pas de partir pendant de très longs mois en tournée avec une comédie musicale française. Je savais que ça limiterait l’indépendance et la liberté auxquelles je tiens tant… Je n’aurais pas pu faire ma propre musique pendant ce temps là… Finalement, j’ai beaucoup d’Esmeralda en moi, comme elle, je ne supporte pas d’être en cage… Je crois que je suis un peu gitane dans l’âme et un petit peu anarchiste parfois ! (rires)
Qui dit indépendance dit liberté mais difficultés…
C’est vrai, chaque choix a une conséquence… Mais j’ai besoin de pouvoir me regarder dans un miroir en sachant que je ne me trahis pas… Mes sons, mon identité et mes messages sont très précieux à mes yeux alors je préfère les respecter plutôt que de me fourvoyer pour jouer dans des Zénith ! (rires) Je chante dans des lieux peut-être un peu plus intimes mais où les gens viennent pour ce que je représente et ce que je suis vraiment. Je suis très fière de ça…
Votre dernier album Love medecine est le 14ème…
Ça me conforte dans l’idée que quand on aime ce que l’on fait, on ne voit pas le temps passer ! (rires) Depuis bientôt 30 ans, je travaille avec Gil Dor et de lui non plus, je ne me suis pas lassée ! (rires) C’est un formidable privilège que d’avoir ce genre de relations, qu’elles soient professionnelles ou amicales car même si nous travaillons l’un et l’autre avec d’autres collaborateurs, nous sommes fidèles à nos goûts et nos valeurs. D’ailleurs, bien que l’on fasse régulièrement appel à de nombreux musiciens, producteurs, orchestres classiques, quartets, ensembles de jazz ou d’electro, lui et moi sommes au coeur des projets. Mon véritable prénom est Achinoam mais Noa – mon nom de scène – n’en est pas la contraction… Ça signifie « Not Only Achinoam » (NDLR : pas seulement Achinoam) car ce que je propose au public n’est pas un travail solitaire mais le fruit de notre collaboration artistique…
Vous chantez en différentes langues…
J’écris généralement en anglais, c’est mon premier langage pour ce qui est de la créativité… J’ai aussi un peu écrit en hébreu mais j’essaie, c’est vrai, de chanter dans les langues des pays où le public nous accueille souvent comme la France et l’Espagne. En Italie, c’est un peu différent car, à force d’y être allée intensivement, j‘ai fini par m’identifier à la culture, notamment celle du sud. C’est pour ça que je me suis amusée à faire un album – Napoli-Tel-Aviv – de chansons napolitaines. Et puis, je chante à chacun de mes concerts au moins une chanson yéménite qui me vient de ma grand-mère car c’est important pour moi de rester connectée à mes racines…
Des racines qui souffrent…
Je suis une artiste engagée notamment en faveur de la paix entre les israéliens et les palestiniens. Je suis impliquée depuis des années et je collabore beaucoup avec les organisations veillant à la conservation des droits de l’Homme. Personne ne sait comment les choses vont continuer à se dérouler dans ce monde devenu fou. On nous prépare au pire alors que je veux croire qu’il faut s’attendre au meilleur… Quand les accords arriveront, nous serons prêts… Il faut y croire profondément pour nous pousser à agir en ce sens. Le pessimisme n’est qu’une perte de temps qui ne peut nous conduire qu’à notre perte. La paix ne dépend que de nous… Arrêter de s’entretuer serait déjà un bon début et nous regarder comme des êtres humains égaux dans leurs qualités et leurs imperfections ferait le reste… Ce qui nous tue, c’est l’hypocrisie, l’extrémisme et le manichéisme ! Ce sont eux les grands ennemis de l’humanité…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Droits réservés • Interview parue dans Le Mensuel de juin 2017 n°382 éditions #1 et #2 et dans Le Mensuel de mai 2018 éditions #1, #2 et #3
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