COUPS DE COEUR

Monsieur Poulpe en interview pour son premier spectacle « Nombril »

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« J’ai remis ma vie en question… » Monsieur Poulpe

 


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À défaut de nous dévoiler sa véritable identité, l’énigmatique Monsieur Poulpe s’est décidé à se livrer (en partie) sur scène… Dans un tout premier one-man, le touche-à-tout geek et hyperactif – qui passe son temps à alterner émissions sur le web, en télé, apparitions au cinéma, doublages, enregistrement d’albums et écriture de scénarios – a en effet choisi d’aborder ce qui se cache derrière son Nombril : son bide, sa panse, son estomac. Alors que les céphalopodes à qui il a emprunté son nom de scène en possèderaient 9, l’humoriste s’est intéressé à ce que renferme ce que l’on appelle désormais notre 2ème cerveau : le ventre. L’idée n’étant pas de nous donner des conseils « santé », Monsieur Poulpe s’attarde sur cette partie de notre anatomie qui lui a donné, comme à beaucoup d’entre nous, du fil à retordre. D’apparence nonchalante et donnant l’impression que tout glisse sur lui, le comédien a pourtant dû se rendre à l’évidence en admettant que le stress avait commencé à l’envahir insidieusement sans passer par la case cérébrale… Un spectacle à découvrir à Nice le 02 mars et à Toulon le 17 mai prochain.

 

 


 

 

Monsieur Poulpe en interview pour son premier spectacle Nombril

interview / spectacle / humour / one-man

 

 


 

 

Morgane Las Dit Peisson : T’appeler Poulpe est surprenant…

Monsieur Poulpe : Aucune inquiétude, j’ai l’habitude ! (rires) Depuis le collège on m’appelle comme ça parce que je fais plein de trucs en même temps. Je dessine, je fais des chansons et des vidéos donc il y a un côté très tentaculaire et un aspect très mou à la fois… (rires)

 

Parmi toutes les choses que tu fais, il y a un premier spectacle qui va passer par Nice le 02 mars et par le Théâtre Le Colbert de Toulon le 17 mai prochain mais tu as déjà annoncé qu’il s’achèverait en juin…

Nombril s’arrêtera en juin et après, je passerai à une autre création. Ça fait un peu plus de deux ans que je suis sur ce projet-là et pour moi c’est un bon timing car j’ai besoin assez rapidement de changement. Je savais dès le début que ça m’occuperait un peu plus de deux ans bien que la plupart des humoristes tournent plusieurs années avec un premier one-man. Je voulais un début, un développement et une fin car ça reste une matière vivante. 

À chaque date, même si c’est la même histoire, je change pas mal de choses car c’est assez intime. Ça suit mon évolution perso, donc je ne verrais pas parler des mêmes sujets pendant 6 ans !

 

 

On te connaît via des projets vidéo, la scène était une envie de longue date ?

Comédien de théâtre, c’est mon premier métier. J’ai goûté à la scène quand j’étais ado et j’ai adoré ça ! J’ai toujours eu cette envie de créer un spectacle mais ça demande beaucoup d’énergie et surtout ça exige, entre l’écriture, les tests sur scène et la tournée, de pouvoir y consacrer du temps. Avec mes activités audiovisuelles, je n’en avais pas vraiment donc j’ai repoussé la chose… Dans des galas, j’ai parfois fait quelques sketches de 6 ou 8 minutes et à force d’entendre les gens me demander quand ils allaient pouvoir découvrir mon spectacle en entier, j’ai fini par me décider à en écrire un ! (rires) Il faut dire que le Covid est passé par là et que, comme plein de gens, ça m’a obligé à me stopper et à me demander ce que j’avais toujours voulu faire…

 

Passer de 6 minutes à 1h30 en solitaire, c’est vertigineux…

Il y a un petit côté tunnel dans un seul en scène car on rentre dans un truc qui va en effet devoir durer plus d’une heure et dont il va falloir ressortir vivant ! (rires) Mais honnêtement, j’ai la chance de ne pas avoir de trac et d’être capable d’être « juste » content d’aller faire des blagues avec les gens. Je ne vois pas ça comme un truc solo, au contraire, je viens partager quelque chose avec plusieurs centaines de personnes et je trouve ça génial ! Peu importe l’endroit où l’on est, la ville, le jour ou l’heure, mon but est de créer un lien, une connexion avec le public et de faire en sorte que ce moment-là soit vraiment unique. C’est pour ça que je ne me sens pas du tout seul sur scène… Et c’est d’ailleurs pour cette proximité avec le public que j’ai eu besoin de me lancer. 

Quand tu fais un métier derrière les écrans pendant des années, tu as beau recevoir des commentaires, tu n’as pas de véritable interaction avec les gens et c’est là que se niche finalement la « solitude ». Le seul moment où tu es vraiment solo en tournée c’est quand tu sors de scène et que tu te retrouves comme un con dans ta chambre d’hôtel… Ne pas pouvoir partager tes ressentis avec une troupe, ça c’est étrange mais sur scène, je ne me sens jamais seul.

 

 

Au contact d’un public « mixte » composé de ceux qui suivent ton travail depuis des années et de ceux qui aiment découvrir des one-man…

Au début, c’était « mon » public qui venait et puis, petit à petit, j’ai en effet vu un changement grâce au bouche-à-oreille. Des gens qui ne me connaissaient pas ont commencé à venir et là, j’ai compris qu’il fallait que je change plein de trucs dans mon texte. Je ne faisais pas d’effort pour que les gens rentrent dans mon univers. Je partais du principe que s’ils venaient, c’était qu’ils connaissaient cet humour absurde, arythmique et un peu dégueu mais quand j’ai compris que d’autres venaient pour découvrir, j’ai changé tout le début. Il est un peu plus didactique et je prends les spectateurs par la main pour qu’ils viennent à ma rencontre.

C’est intéressant car un spectacle est une matière vivante qui permet d’être retravaillée et peaufinée en permanence. C’est la grosse différence avec le fait de fabriquer une vidéo. Quand elle est livrée au public, c’est fini, elle ne t’appartient plus et tu ne peux plus rien y apporter. Le spectacle, au contraire, tu peux le faire évoluer et c’est ce que je trouve génial !

 

Ce spectacle s’intitule Nombril… On pense à « nombril du monde », « autocentré » mais aussi à la naissance…

Zéro pointé Morgane ! (rires) Bien que tu aies raison sur le côté nombriliste de l’histoire ! (rires) Je suis quand même conscient que monter sur scène et parler de sa vie a quelque chose de très égocentrique. C’est un peu la base du stand-up mais il faut reconnaître que ça peut parfois ressembler à une prise d’otage ! (rires)

Mais par le nombril, je voulais évoquer le ventre que l’on appelle désormais notre deuxième cerveau. J’ai le privilège de ne ressentir absolument aucun trac ni stress mais un évènement m’a un jour fait comprendre que j’étais simplement déconnecté de mes émotions. 

Il y a en effet 5 ou 6 ans, mon ventre a commencé à partir totalement en sucette et je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait ! J’ai alors passé des examens médicaux, on m’a parlé de cancer et finalement, on a découvert que c’était « seulement » dû au stress ! Pour compenser ce que mon cerveau ne captait pas, mon ventre s’est mis à tirer la sonnette d’alarme. Je n’y aurais jamais cru puisque je n’avais pas réalisé que j’avais enterré des émotions pendant des années. Tout à coup, ça m’a pété à la gueule et je me suis dit que c’était une bonne porte d’entrée pour faire un spectacle… J’ai remis ma vie en question, je me suis demandé pourquoi j’étais stressé, d’où pouvait venir mon malaise, pourquoi mon esprit n’en avait pas conscience. Nombril, c’est ce centre émotionnel-là…

 

 

Sur scène comme sur l’affiche, 2 micros pour parler de toi…

Je cherchais une idée pour que le spectacle soit un peu « concept » et qu’en même temps, il soit ludique et graphique pour le public. Et puis, quand tu as fait des blagues toute ta vie, c’est compliqué de commencer à parler de trucs un peu touchants en allant directement vers l’émotion. Ça m’a posé un problème de légitimité alors j’ai décidé de scinder le discours en deux, d’où la présence des deux micros. Il y a celui de la vérité et celui de la dinguerie ! Et puis ça représente aussi les deux hémisphères du cerveau… Bon, dit comme ça, ça n’a absolument pas l’air drôle mais je te promets qu’il y a des blagues dans le spectacle ! (rires)

 

C’est compliqué de se livrer sur scène quand on s’est souvent retranché derrière des personnages ?

C’est très étrange de se lancer là-dedans et ça l’est encore plus quand dans la salle, il y a des gens dont je parle dans le spectacle… Je n’avais jamais été confronté à ça… Une de mes sources d’inspiration a été le spectacle Amour de Bérengère Krief où elle a décidé d’aller à fond dans l’autofiction. Elle y parle d’elle, de ce qu’elle ressent et en la voyant faire ça, j’ai réalisé tout le courage que ça lui avait demandé. J’avais cette même envie qui me trottait dans la tête mais il me fallait un déclic pour me lancer car c’est vraiment bizarre de parler de soi… C’est très chelou quand tu te vois faire et puis il y a aussi le problème de ton « casting »… Car quand tu évoques ta vie, tes personnages sont nécessairement de « vrais » gens qui comptent pour toi… Quand ils sont dans la salle, tu n’en mènes pas large ! (rires)

 

 

Il y a désormais la scène mais ça ne t’empêche pas de continuer tes autres activités comme ton émission hebdomadaire Toast sur Twitch ou les magnifiques frères Pétoux

Les pauvres frères Pétoux ! (rires) C’était le but de la série : faire naître de la poésie dans un tas de mocheté ! (rires)

 

Un traitement un peu absurde, un fond qui est loin de l’être, du loufoque et malgré un côté un peu crassepouille, ils sont attachants…

C’était vraiment le challenge. En gros, je voulais faire fleurir une pâquerette au milieu d’un tas de bouses. Et puis, j’aime fabriquer une espèce de barnum dans lequel pénètre le public et où il peut découvrir un univers qui ne ressemble à rien d’autre, avec des personnages complètement dingues mais de réelles émotions. C’était un projet que je voulais faire depuis longtemps bien qu’à fabriquer, je savais que ce serait très compliqué. Soit je passais 5 heures au make-up pour me faire poser des prothèses en latex, soit je tournais tout seul en incarnant tous les rôles de la série… Ça n’a vraiment pas été un tournage marrant du tout et d’ailleurs il n’y a pas de bêtisier. Mais je suis content de l’avoir fait car j’ai de super retours de la part du public.

 

 

Puisque tu aimes incarner, on a un mix sur scène entre les parties intimes où tu es toi-même et les passages où tu interprètes tes personnages…

Nombril est vraiment un mélange de plusieurs styles d’humour et c’est aussi pour ça que structurer le spectacle avec 2 micros et 2 conventions différentes n’était, je pense, pas idiot. Ça évite de perdre les gens en route.

 

Et surtout, ce qui prime dans tous tes projets, c’est une sensation de liberté, tu ne cherches jamais à entrer dans un moule…

C’est important de toujours essayer d’ouvrir une fenêtre, peu importe le registre qu’on s’est choisi. Je n’ai pas la prétention de révolutionner quoi que ce soit mais mon travail, c’est de montrer qu’on peut faire les choses autrement et de prouver qu’il est possible de faire des pas de côté. De fait, je n’ai pas une carrière ultra populaire mais que ce soit en télé, en fiction ou sur scène, j’ai besoin de proposer autre chose…

 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Lea Rouaud / février 2024

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