CINÉMA

Michèle Laroque en interview pour son film « Chacun chez soi »

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On dit que « souvent femme varie » et ce n’est pas le parcours de Michèle Laroque qui pourrait nous prouver l’inverse ! Humour, télé, cinéma ou théâtre, rien ne semble résister à la comédienne qui ne se contente d’ailleurs pas de donner vie aux personnages qu’on imagine pour elle. Passionnée autant par ses congénères que par les histoires que ceux-ci lui inspirent, c’est tout naturellement que l’actrice s’est mise à s’installer derrière la caméra afin de pouvoir matérialiser les aventures qu’elle s’imagine. Son 2nd film – Chacun chez soi – arrive enfin après de trop longs mois d’attente !


🎬 Le nouveau film de et avec Michèle Laroque – Chacun pour soi – au cinéma à partir du 02 juin 2021


« Le rire ouvre beaucoup de portes… »


Morgane Las Dit Peisson : Une petite tournée des avant-premières…

Michèle Laroque : Au départ, je viens de la scène donc quand je fais un film, j’aime bien de temps en temps être dans la salle de cinéma pour entendre le public et voir si les émotions que j’avais envie de transmettre fonctionnent. C’est important pour moi, tout particulièrement en tant que réalisatrice, d’avoir des retours directs des spectateurs même si j’ai déjà eu un aperçu de leurs réactions. En effet, quand on finit la post prod d’un film, on organise des projections tests pour pouvoir écouter et scruter ce qu’il se passe. En fonction des comportements que j’observe face à telle ou telle scène, je réajuste un peu le montage ou alors, s’ils correspondent à mes attentes, ça me conforte dans mes choix ! (rires) C’est important que le public reçoive les informations telles qu’on a voulu leur transmettre.

J’imagine qu’il y a des témoignages plus touchants que d’autres…

À mes yeux, les mots ne sont pas très importants parce que ça transite d’abord par le cerveau donc les compliments sont plaisants évidemment mais ce qui me touche le plus, c’est d’entendre le public rire d’une certaine façon, de le sentir ému face à une situation que j’ai inventée de toutes pièces et le plus saisissant pour moi, c’est quand je le vois être juste « bien » à la fin du film… Il y a toutes sortes de films, il y a ceux qui font réfléchir d’une manière acérée et pointue, il y a ceux qui incitent à l’évasion ou ceux qui provoquent un état de crainte et de tension mais dans le registre de la comédie, il y a une multitude de possibilités… C’est évidemment important pour moi qu’il y ait des rires mais je ne recherche pas la « performance », ce qui est primordial pour moi, c’est que les gens aient pris du plaisir et qu’ils aient laissé leurs préoccupations de côté pendant le film… C’est ça qui m’émeut le plus.

 

Chacun chez soi est un film qui parle à tous parce qu’on est tous concernés par les relations de couple et les rapports parents / enfants…

Ce que j’ai beaucoup aimé raconter dans ce film, c’est l’histoire d’un couple qui s’aime toujours aussi profondément après de nombreuses années et qui traverse une épreuve. Le mari – Yann incarné par Stéphane de Groodt – ne supporte pas bien de ne plus travailler depuis qu’il a vendu sa boîte et reporte son trop plein d’énergie sur ses bonzaïs plutôt que de l’utiliser à organiser un voyage avec Catherine, sa femme ! Mais il n’est jamais question de séparation, de divorce ou de tromperie, je ne voulais pas tomber dans cette facilité-là. Ce qu’elle cherche, elle, c’est que cette phase dure le moins longtemps possible alors elle se lance dans un petit chantage pas bien méchant – ne plus dormir ensemble – pour le faire réagir en acceptant de voir un psy mais c’est quand même « rond », ce n’est pas violent. Ils savent qu’ils s’aiment, que ce n’est pas génial pour le moment mais ils sont persuadés que ça va s’arranger ! Je n’ai rien contre le divorce, loin de là, mais j’avais envie de montrer que ce n’est pas la seule issue, que parfois quelques efforts suffisent à sauver son couple.

Et puis, il y a la question des enfants ou plutôt de leur débarquement ! (rires) Voir revenir un enfant à la maison accompagné de sa moitié pour des raisons économiques, c’est quelque chose qui arrive de plus en plus. C’est un fait sociétal qui n’est pas facile à vivre pour les enfants et qui est loin de l’être également pour les parents ! Ça ne retire en rien l’amour inconditionnel qu’ils ont pour leur progéniture mais ce ne sont plus des enfants justement… Ce sont des adultes qui ont leur propre façon de vivre donc ces derniers ne doivent pas oublier qu’une fois partis de la maison – même s’ils y reviennent pendant un temps -, ce n’est plus chez eux… L’idéal pour tout le monde, quand c’est possible, c’est d’avoir une date de départ ! (rires)

Les enfants changent en prenant leur envol mais les parents aussi…

Exactement ! Au départ de leurs enfants, les parents remettent au centre de leurs préoccupations leur couple et réapprennent à ne vivre qu’à deux. Ils ne sont plus obnubilés par leur rôle de protection et d’éducation. Alors quand, comme dans Chacun chez soi, Catherine se retrouve à faire les courses, à préparer à manger, à faire la lessive, la vaisselle ou le ménage pour 4 personnes plutôt que 2, elle vit assez mal que personne ne mette la main à la pâte alors que sa fille et son gendre ne sont pas simplement là en tant qu’invités !

 

Pour que le message passe bien, Catherine ne va pas s’interdire grand-chose…

Effectivement ! (rires) Parfois, elle ne va pas y aller de main morte dans le registre des coups bas mais elle sait tellement ce qu’il risque de se passer si la situation s’éternise, qu’elle préfère tout faire pour donner envie de partir à sa fille ! (rires) C’était important pour moi de l’incarner de façon assez tempérée avec ses doutes, ses failles et ses agacements afin qu’elle ne passe pas pour une garce égoïste et manipulatrice. Si elle souhaite les chasser de la maison c’est qu’elle sait parfaitement qu’il en va de la survie de leurs deux couples mais aussi de l’entente entre les deux générations. Si on se met deux minutes à sa place, on comprend tout à fait qu’elle n’ait pas envie que sa fille voie son père dans cet état et que, aussi adorable soit-il, elle soit un peu gênée d’avoir en permanence Thomas – le petit ami d’Anna – dans son intimité…

Ce que j’aime dans ce traitement, c’est que la comédie permet de faire passer énormément de messages. Le rire ouvre beaucoup de portes et c’est ce que je trouve hyper intéressant dans le fait de raconter des histoires, particulièrement familiales, avec un brin d’humour et de légèreté ! J’adore les repas de famille où tout à coup, un sujet sème un vent de panique à table ! (rires) On sent les regards, on devine les non-dits, les petites lâchetés, on comprend que chacun prend sur soi… J’adore parce que ça offre des possibilités infinies de narration ! Il y a tellement de situations et de personnages différents à créer dès qu’on touche au couple et à la famille que ça donne à chaque fois une histoire singulière mais qui réussit pourtant à parler à tous…

Imaginer une histoire et trouver les bons interprètes…

Ça faisait longtemps que j’avais envie de travailler avec Stéphane ! Là, il correspondait parfaitement à l’image que je me faisais de ce personnage qui venait de vendre sa start-up parce que l’occasion s’était présentée mais qui n’avait pas encore rebondi sur d’autres projets. On a beaucoup vu Stéphane dans des rôles où primaient le mental et le raisonnement et moi j’avais envie de dévoiler une autre facette de lui. C’est une personne très tendre, très lumineuse et très lunaire et c’est exactement ce qui m’a séduite chez lui ! Après lui avoir donné le scénario, je lui ai envoyé plein de messages pour lui indiquer des petits détails sur son personnage. À son arrivée sur le tournage, il s’est avéré complètement inutile de faire le point… Il avait littéralement absorbé toutes ces informations et a débarqué avec une proposition de personnage qui était en tout point celui dont je rêvais ! J’ai été bluffée ! C’est merveilleux de pouvoir travailler avec des gens aussi agréables, talentueux et professionnels que Stéphane de Groodt… Je le recommande à tous les réalisateurs ! (rires)

Réalisatrice, scénariste et actrice en même temps, c’est prenant…

C’est vrai que c’est assez dense d’avoir les trois casquettes sur un même film mais tout est question de préparation. Je suis très travailleuse avant chaque tournage parce que ça me déstresse alors je bosse beaucoup sur chaque détail bien en amont, après, bien sûr de m’être mise d’accord avec moi-même et je dois avouer que ce n’est pas la phase la plus simple à gérer ! (rires) D’un côté c’est beaucoup de pression d’être sur tous les fronts mais de l’autre, j’ai l’impression que ça facilite mon travail de comédienne parce que je connais mon personnage par cœur. Je sais exactement ce qu’il a à faire puisque c’est moi qui l’ai dessiné… Ça évite une grande partie de questionnements, d’essais, de doutes et d’apprentissage. Je suis très méthodique, je prépare des biographies de mes personnages avec leurs parcours, leurs liens familiaux, leurs souvenirs ou leurs tempéraments car même si on ne fait pas mention verbalement de ces détails devant la caméra, ils servent à construire leur identité et leur réalité. Ça peut paraître accessoire mais dans le jeu, ça se ressent parce qu’une fois qu’on a fait ça, on n’a plus vraiment à le jouer, on devient ce personnage.

Et pour le reste, c’est un peu pareil, j’avais tout préparé en avance pour qu’on soit les plus efficaces possible le jour J et surtout, je me suis entourée d’une équipe formidable ! C’est essentiel de savoir qu’on peut s’appuyer sur des gens compétents et de confiance. Et puis, même quand je joue, puisque je suis au beau milieu de la scène et que je sais ce que j’en attends – bien que je sois sur le plateau et pas derrière la caméra -, je me rends immédiatement compte du résultat et donc je sais si ce qu’on a tourné est bon ou à refaire !

Réaliser c’est raconter une histoire en grandeur nature…

Être responsable de tout, c’est un boulot monstre mais c’est une grande chance parce que ça permet de faire ce que l’on veut vraiment. On a tous notre propre perception des choses et un même scénario confié à 20 personnes donnera 20 films différents alors réaliser soi-même, c’est raconter visuellement l’histoire qu’on s’est imaginée dans sa tête, c’est projeter les visions qu’on a dans notre cerveau et qui sont normalement inaccessibles aux autres… J’adore réellement faire ça, je trouve que c’est une aventure formidable !

 

Des personnages et des histoires réalistes…

Il y a différents types d’humour et de narration mais moi j’ai besoin de croire en mes personnages et en mes situations, j’ai besoin de me dire que ce que je raconte est possible et si je n’y crois pas, si c’est trop lourd ou trop perché, c’est plus fort que moi, ça ne m’amuse pas. Ce n’est pas mon humour… J’aime comprendre et faire comprendre mes personnages au public. Dans Chacun chez soi, Catherine va très loin mais on suit son cheminement et on sait pourquoi elle en arrive à ce stade-là ; on a aussi de l’empathie pour Yann qui est à côté de la plaque parce qu’il a eu besoin de s’évader ; on pardonne à la fille d’avoir ce caractère un peu autoritaire car on s’aperçoit qu’elle n’arrive pas à se contrôler et on compatit à la lâcheté du petit-ami qui a simplement peur de décevoir celle qu’il aime…

On est les avocats de nos personnages et pour bien les défendre, il faut, pas nécessairement les aimer, mais faire en sorte qu’on s’attache à eux pour désirer suivre leurs aventures le temps d’une histoire. On est tous différents face à ça mais moi j’ai besoin de m’imaginer que je peux les rencontrer dans la vraie vie. C’est pour ça que j’ai complètement craqué sur Alice de Lencquesaing qui incarne ma fille, elle est si criante de vérité qu’on a l’impression qu’elle improvise ! Souvent les comédiens craignent un peu de tourner avec un animal parce que contrairement à eux il ne joue pas, il est, tout simplement et il attire naturellement tous les regards… Alice est comme un animal, elle est dans le vrai immédiatement, j’adore ça et dans la comédie, ça a une valeur inouïe !

 

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos par Alter Films – Studiocanal – France 2 Cinéma


Interview parue dans Le Mensuel n°420 de mai 2021

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