INTERVIEW
Maxim Nucci Yodelice en interview pour Le Mensuel en 2013 album Square Eyes
« Il est essentiel de se raccrocher aux vraies valeurs… »
Après avoir parcouru pendant de longs mois toutes les routes de France et de Navarre et s’être octroyé une petite pause bien méritée, Maxim Nucci nous est revenu pour la troisième fois, dans la peau de son personnage Yodelice, avec un tout nouvel album intitulé Square eyes. Un nouveau chapitre dans l’existence de ce clown plus si triste qui continue à évoluer sous les yeux ébahis de son créateur. Plus rock et énergique que jamais, plus positif aussi comme l’insinue la pochette colorée de l’album, ce nouveau volet aux accents à la fois passéistes et futuristes laisse entendre que Yodelice serait peut-être en train de se faire une place dans le temps présent, sans angoisser de l’avenir ni se lamenter du passé… Comme si aujourd’hui, il savait dans quelle direction regarder…
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Maxim Nucci : Ben écoute, sincèrement ça va plutôt bien ! Je retourne sur scène, j’ai fini mon nouveau disque, donc tout va bien et j’espère que ça va durer ainsi !
Tu reviens sur scène avec Yodelice, c’était une évidence ?
Ah oui tout à fait ! Je pense qu’on s’aime vraiment bien lui et moi ! (rires) Il est pleinement devenu mon avatar musical, je me sens bien avec lui et je pense, qu’au fil du temps, je suis tombé dans une schizophrénie désormais absolument assumée.
Après deux albums qui ont été couronnés de succès, des salles qui étaient pleines à craquer, trois années étaient nécessaires pour prendre du recul avant de revenir ?
À un moment, j’ai ressenti le besoin de retrouver l’inspiration et j’ai compris que pour ça, il fallait que je vive autre chose qu’une tournée. La tournée, malgré sa magie, m’a fatigué. Etre tout le temps sur les routes, au bout d’un moment, finit par nous vider au point que l’on passe en mode quasi automatique. Jouer sans que, parfois, le coeur y soit, c’est ce qu’il y a de pire pour un artiste. J’avais déjà vécu ça il y a quelques années en tant que technicien dans l’industrie de la variété mais je ne pouvais pas laisser ça se reproduire avec Yodelice. Il a toujours été ma proposition artistique dans laquelle je n’ai jamais voulu faire de compromis et avec lui, je veux rester dans une forme de liberté pour être au maximum en accord avec ce que je suis. Quand est arrivé le moment où je ne trouvais plus l’inspiration, je me suis dit tout bonnement qu’il fallait peut-être que je fasse une pause pour retrouver ces sensations, ces envies. Ça été payant après avoir pris du temps avec les miens et après avoir voyagé.
Il est nécessaire de se vider l’esprit de temps en temps…
Oui, le vider pour le remplir d’autre chose ! (rires) Et puis après, le manque de la scène s’est vite fait ressentir car j’adore ça ! J’adore jouer avec des gens et c’est ça qui m’a manqué.
On appréhende à chaque fois de sortir un nouvel album quand on a eu autant de succès ou au contraire ça décuple l’inspiration, ça booste d’avoir connu tout ça ?
En fait, je suis plutôt impatient de revenir sur scène. J’ai commencé à tourner avant même que le disque ne sorte. Un album, à mes yeux, est toujours quelque chose d’un peu étranger… À partir du moment où tu as fini de le composer, de l’écrire et de l’enregistrer, il ne t’appartient déjà plus, c’est peut-être pour cette raison que je m’en sens un peu détaché. Et puis j’ai assez d’expérience dans la musique pour savoir qu’une carrière est faite de hauts et de bas mais aussi qu’il existe d’innombrables facteurs qui entrent en jeux lors d’une sortie d’album mais qui n’ont pas toujours grand-chose à voir avec la musique en elle-même. Il y a certes le facteur médiatique mais aussi le facteur chance que quoi qu’on fasse, on ne pourra jamais maîtriser.
Du coup je suis très, très content de ce disque, j’en suis très fier mais à la limite, aujourd’hui, il ne m’appartient plus. Mon présent maintenant c’est plutôt l’excitation d’aller jouer ce disque devant le plus de gens possible et de partager de bons moments avec eux. Mais il n’empêche que je trouve que Square Eyes est un bon disque, j’en suis très heureux car j’ai passé beaucoup plus de temps sur celui-ci que sur les deux précédents. C’est un disque électrique et très énergique.
Tu as sorti le single Fade away en juin, tu as ensuite programmé une tournée et seulement après l’album est sorti. Comment t’est venue l’idée de faire les choses un peu différemment ?
Je pense que Yodelice est avant tout un projet de scène et pour moi c’est ce qu’il y a de plus gratifiant. Au-delà d’un succès de disque, aussi important qu’il soit, il est incroyablement gratifiant de mettre en vente une première partie de tournée d’une quarantaine de dates et de voir que ça se remplit aussi bien, de voir que certaines dates sont déjà complètes, de voir qu’il va déjà falloir ajouter d’autres salles alors que le disque n’était même pas sorti ! Ça, je crois que c’est la meilleure des récompenses pour un artiste qui tourne depuis un moment. Rien ne pouvait me faire plus chaud au coeur que de voir une telle adhésion du public et surtout une si grande confiance de sa part…
C’est une sublime preuve d’amour…
Oui et j’espère surtout ne pas les décevoir… D’ailleurs j’ai voulu faire une série de show case afin de présenter Square Eyes aux publics des réseaux sociaux qui nous suivent avec beaucoup de ferveur et avec qui on entretient des relations assez particulières. J’ai eu envie de leur faire découvrir le disque de manière live, en avant-première, et d’aller à leur rencontre. C’était un moment très touchant. Et le plus incroyable, c’est que certains chantaient des chansons qu’ils ne connaissaient pas avant de venir ! (rires)
Comment as-tu souhaité réaliser ce dernier opus ?
J’ai voulu l’élaborer de façon artisanale, dans une ambiance presque familiale. Nous l’avons co-réalisé à trois car c’était vital de rester dans l’artisanat. Parfois, c’est vrai que j’ai la tête en l’air, dans les nuages et que j’ai besoin d’un entourage un peu plsu réaliste à mes côtés pour me rappeler ce que je dois faire… (rires) J’ai des gens formidables qui travaillent avec moi pour tout ce que je suis incapable de gérer tout seul mais la musique, c’est autre chose. Je n’ai pas besoin d’une armada de musiciens pour me sentir bien.
Ce travail « à l’ancienne » permet de conserver un certain recul et plus grande sincérité ?
Oui je pense. En tout cas les artistes que j’aime, les vrais, ceux qui tournent, ne sont rien de plus ni rien de moins que des saltimbanques. On fait un concert, on dort dans un car on se réveille dans une autre ville, on refait un concert, on se rendort dans un car et ainsi de suite. Le vrai quotidien d’un artiste de scène, c’est ça. Ce ne sont pas les strass et les paillettes que les gens voient en surface. C’est pour ça qu’il est essentiel de se raccrocher aux vraies valeurs.
Dans ce nouvel album, on note immédiatement des sonorités beaucoup plus rock, plus énergiques que sur les deux précédents… C’était une volonté de changer un peu, c’était nécessaire ou c’est venu tout naturellement ?
J’essaye de faire des disques qui correspondent à l’humeur dans laquelle je me trouve. A l’époque de Tree of Life, j’étais fragile et presque en dépression et je pense que j’ai fait un disque, même si je l’aime énormément, lui aussi fragile et dépressif. Aujourd’hui, je suis bien dans mes pompes, j’ai fait quatre ans de tournée pendant lesquels j’ai pas mal électrisé, voire même beaucoup, de morceaux des deux premiers albums. C’est ainsi qu’au fil des dates de concert, l’énergie des titres a changé par petites touches. Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi d’approfondir, c’est venu comme ça…
La scène permet justement de faire évoluer des titres qui ont été figés sur un album.
Oui et c’est ce qui est génial avec la scène, on est dans l’instant T, on est dans la plus pure vérité. Il ne peut pas y avoir de tricherie. Si on n’est pas d’humeur à faire quelque chose, on a intérêt à passer à autre chose car ça se sent direct ! (rires) On peut improviser, c’est ce qui est génial justement.
Donc un album moins sombre, plus joyeux, qui découle de tes sentiments, de tes états d’âme à toi mais comment a évolué Yodelice, ton personnage ?
De la même manière. J’ai envie d’être très libre avec ce personnage et qu’il puisse exister de mille façons. L’histoire de Yodelice me fascine car désormais il commence à avoir un peu de recul sur lui-même et en même temps, il n’a que trois albums pour construire son passé. C’est un personnage qui est encore en quête de son identité. Je
pense que c’est un peu le cas de chaque être humain d’être en quête de qui il est. Il y a une phrase de Nietzsche que j’adore : « Deviens qui tu es ». J’aime cette citation parce qu’elle nous rappelle de ne pas oublier d’où l’on vient, de se donner les moyens de devenir ce que l’on veut être alors qu’en même temps, elle nous conseille de ne jamais tenter de devenir quelqu’un d’autre que nous-mêmes. J’essaye autant que possible d’en faire un principe de vie.
Pour apprendre à se connaître justement, l’enfance est un passage important…
L’enfance est ce qui nous forge, ce qui donne une identité. Ensuite, en devenant adulte, il faut se faire la sienne. L’éducation est quelque chose qui reste, qui est là, qui donne les fondamentaux. C’est pour ça que c’est aussi dur de s’en émanciper, c’est compliqué de penser par soi-même, d’aller à l’encontre de tout ce qu’on nous a appris, c’est pour ça que selon les cas, c’est quelque chose d’extrêmement courageux.
Dans le clip Fade away on retrouve beaucoup de symboles de l’enfance avec des personnages comme Scoubidou et Barbie…
Oui j’aime ce côté enfantin que peut se permettre d’avoir le personnage de Yodelice. J’adore son côté Peter Pan, cette allure de petit bonhomme avec son chapeau et sa plume. L’enfance fait toujours partie de mon univers, elle représente mes bases, mes fondations.
L’enfance est un univers que l’on retrouvera sur scène au Nikaia ?
Je ne dirai rien même sous la torture ! (rires) Il faut venir pour découvrir les surprises de cette nouvelle tournée ! Mais je peux déjà t’affirmer que ça va être cool !
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview parue dans l’édition n°342 de Novembre 2013
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