Mathieu Madenian
en interview
MATHIEU MADENIAN
« Je suis le même sur scène que dans la vie »
Mathieu Madenian fait partie de cette nouvelle génération d’humoristes qui, avant de débarquer seul sur scène pour affronter un public de plus en plus exigeant, est passé par de nombreuses étapes. De la voix-off de la série « Un gars, une fille », en passant par Rire et Chansons et « Vivement Dimanche » après être devenu avocat à seulement 25 ans, ce touche à tout n’a su résister à l’appel de la scène, et à celui de l’écriture. Quand on sait que sa spécialité était la criminologie, on comprend mieux pourquoi il a décidé de tout plaquer pour se consacrer corps et âme à la comédie sous toutes ses formes. Et comme angle d’attaque, il a choisi la vie en général ! Ça va des gens qui l’entourent à ce qu’il observe, ce qu’il entend, à la religion, les personnalités et l’actualité bien évidemment !
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Morgane L : Alors, avant toute chose, je te souhaite déjà une bonne année. Que peut-on te souhaiter pour 2013 ?
Mathieu Madenian : Continuer à m’amuser, à me marrer, à aimer ce que je suis en train de faire, juste ça… Surtout que je ne sois pas en train de rentrer dans une espèce de routine à la con. Pour l’instant je me marre, c’est génial !
Et des bonnes résolutions ont-elles été prises ?
J’avais dit, et c’est la vérité, que j’allais essayer d’avoir une vie un peu plus saine. Et hier soir… À Saint-Malo… Je suis tombé sur Olivier de Benoist avec qui j’ai pris « quelques » verres… Voilà, une bonne résolution foutue en l’air ! Mais c’est de la faute d’Olivier, c’est lui qui m’a entraîné là-dedans !
Ah oui… Je me doute bien… Avant de faire du spectacle tu t’étais lancé dans des études en criminologie, d’où venait cette idée ?
Parce que j’aimais bien tout simplement. J’ai fait du Droit et ensuite je me suis spécialisé dans la criminologie et la psychiatrie criminelle. Je me suis régalé ! Et ça me plait encore énormément. Je lis encore des bouquins sur la crimino. Ce n’est pas parce que tu aimes rire que tu ne peux pas t’intéresser à des trucs plus sérieux. (rires)
Mais alors pourquoi à peine devenu avocat, tu as tout quitté ?
Je suis tombé enceinte… Non je déconne ! En réalité, le plus dur était fait et je me suis dit que je devais tenter ma chance dans la foulée. Si ça n’avait pas fonctionné, ça n’aurait pas été grave vu que j’avais un « parapluie ». J’ai eu la chance d’avoir des parents, qui, même s’ils l’ont assez mal pris au début, m’ont soutenu. Il y a toujours des mecs qui disent qu’il faut faire ce qu’on veut dans la vie. Je me suis dit que si je me plantais, ce n’étaitt pas grave, au moins j’aurais essayé. Mano Solo disait que dans la vie ce qui est important c’était le combat.
Et l’envie d’humour est arrivée comment ?
Quand j’étais gamin, pour me faire remarquer. Tous mes potes étaient mignons et il fallait bien réussir à draguer les filles. Comme j’avais un physique assez particulier d’arménien J’ai dû miser sur d’autres atouts ! Ensuite, je me suis rendu compte qu’on pouvait gagner sa vie en étant marrant, et ça, ça a été une véritable révélation ! (rires)
L’attirance pour le théâtre, la scène, c’était quelque chose de latent, de déjà existant, avant la fin de tes études ?
Oui, d’ailleurs j’allais souvent bosser dans des villages de vacances à côté de chez moi pendant mes stages et dès que j’ai eu l’âge de travailler je me suis lancé sur les scènes de ces villages de. C’est la meilleure formation.
Comment décide t-on à un moment, d’arrêter ce qu’on est en train de faire pour se lancer dans ce métier d’acteur ? C’est quoi le déclic ?
Tu as déjà été avec un mec pendant longtemps ? Puis tu te dis que tu as envie de le quitter mais je veux attendre le bon moment pour le faire. Tu peux toujours repousser ce moment là, jusqu’au jour où ton mec te demande en mariage. Là, tu es obligée de le quitter mais en réalité tu le vis mal aussi. Tu es obligée de lui dire que tu ne l’aimes plus. Dans mon côté, ça a été pareil. J’ai fait croire très longtemps à mes parents que je voulais devenir avocat. J’ai repoussé le moment mais j’ai fini par étouffer. C’est de la lâcheté en fait. Il y en a qui restent, qui meurent tout doucement dans leur petit coin en calculant sans arrêt la date de leurs vacances. Mais ce n’est pas courageux du tout ce que j’ai fait. Ça aurait été courageux si je n’avais rien eu à côté. J’ai juste eu beaucoup de chance !
Les premiers pas, le tout début sur scène ?
Je gagnais ma vie dans la journée et le soir je me réfugiais dans des cafés-théâtres où je jouais au « chapeau ».
Ce doit être très difficile comme exercice ?
Oui mais tu sais, je continue à le faire. On est en train d’écrire le nouveau spectacle et samedi j’ai joué dans un bar à Paris, tout pourri, dans une cave. A la fin, j’ai fait le tour avec un chapeau et j’ai pris mes quinze euros. Rien n’a changé.
Par contre, ce n’est pas l’idéal pour la retraite…
Non, maintenant je suis trop vieux pour avoir une retraite ! (rires) Mais tu me verras toujours traîner dans des bars à côtoyer des gens, tout simplement. J’ai la chance d’avoir un producteur qui nous aide à nous remettre souvent en cause en considérant que rien n’est acquis et que ce n’est pas parce que tu es marrant ce mercredi que tu feras rire automatiquement le mercredi suivant. Tous les jours tu te remets en jeu, c’est ça qui est génial ! C’est le but du jeu. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait un certain nombre de personnes dans ce métier qui ont pris la grosse tête. Pour les dates de Marseille, on avait le choix de jouer dans une salle de 600 ou 800 places, mais j’ai préféré L’Antidote, une petite salle dans laquelle je puisse déconner. On est à environ 150 places, on reste trois jours et on joue cinq fois ! Parce que c’est plus sympa de jouer pour peu de gens, on est réellement entre nous.
On arrive à bien capter les vibrations, l’énergie du public quand on est sur scène ?
Pour moi, moins on est nombreux, mieux c’est. Quand tu es dans une grande salle, tu n’as pas le temps de parler aux gens, tu es dans une machine. Alors que devant 150 personnes, c’est génial ! Mais c’est beaucoup plus dur de jouer devant 50 personnes que 1000. Sur mille et dans le noir, tu feras toujours rire au moins cent ou deux cents d’entre elles. Va faire rire cinquante personnes quand tout est allumé et que tu vois leurs yeux ! (rires)
Du coup, tu n’as pas eu le temps d’exercer ton métier d’avocat ?
Non. Mais une des choses que j’ai apprises du métier d’avocat a été de bosser. Dans ce métier, il faut bosser. Le mec qui a juste du talent ne réussira pas et ceux qui bossent sans talent ne perceront pas. J’ai peut-être un peu de talent mais je suis surtout un énorme travailleur. Les lundis, mardis, mercredis je suis à la radio, le mercredi à la télé également et les jeudis, vendredis et week-end, je suis sur scène. C’est un boulot de bosseur. Les gens qui ne bossent pas ne tiennent pas longtemps alors que c’est de durer qui est important. Avec Drucker je suis à l’école des mecs qui durent ! (rires)
Le lien entre ton métier d’avocat et celui d’humoriste, c’est le pouvoir des mots ?
Oui, mais dans la vie de tous les jours le pouvoir des mots existe aussi. Quand je suis sur scène, c’est comme si j’étais dans un bar avec des potes. Je suis le même sur scène que dans la vie. Quand il y a un mec du Front National qui lève la main, on discute et c’est ça qui est marrant et enrichissant. Ça s’appelle le spectacle vivant.
Est-ce que tout est écrit dans ce spectacle ?
Alors à l’origine il dure une heure dix mais fait en réalité une heure trente à une heure quarante. Il change toutes les semaines parce que l’actualité change sans arrêt, mais aussi en fonction du lieu où l’on est. Il y a une dizaine de minutes au début qui ne sont pas écrites, je parle aux gens, on discute. A la fin aussi, il y a un jeu Questions / Réponses qui est amusant. Je leur demande de me poser des questions et je réponds à tout. Un peu comme en ce moment tu vois… (rires)
Dans ce one-man, on n’est pas dans le sketch conventionnel, classique avec des personnages etc., on est vraiment dans le pouvoir de la vanne ?
Tout à fait ! À tel point que j’ai dû mal à expliquer ce qu’est ce spectacle. Ça dépend, il change, il évolue. Une fois j’ai parlé du mariage gay, là on est en train d’écrire sur Depardieu qui raconte que Poutine est un grand démocrate, une autre fois sur Hollande qui est président… ou pas ! On parle de tout ça, ça dépend de beaucoup de choses, de ce qui se passe. Il m’arrive de me lancer dans des sujets et de ressentir que les gens ne marchent pas. Je leur demande « Ça vous fait chier ? On change de sujet ? », après tout, c’est quand même eux qui payent ! (rires)
Les sketchs à personnages ne t’intéressent pas ?
Je ne préfère pas entrer dans un personnage. Pas dans ce spectacle là. Dans un deuxième, peut-être que je le ferai, je ne sais pas encore. Là, c’est juste un mec avec un micro, une petite lumière sur sa gueule et qui raconte sa vie.
Quels types de sujets abordes-tu ?
Un peu tout. Il y a dix minutes sur la politique, il y a le moment où je raconte ma vie étant gamin, mes « premières fois », ma vision des choses, mon opinion sur les couples. Je parle du regard que l’on a tous envers les handicapés… Une vanne, c’est comme une balle de tennis, un ballon du foot, tu le frappes et il revient. Tu définis les sujets intéressants comme le mariage gay dont on parle beaucoup en ce moment. Savoir si le public est pour ou contre, ce n’est pas mon problème. Eddy Barclays s’est marié huit fois, Véronique Sanson a épousé Pierre Palmade alors il faudrait arrêter avec le mariage, il n’y a plus rien de sacré dans cette union, alors laissons faire les homos, ça ne peut pas être pire ! Ce qui compte, c’est d’avoir un regard marrant sur un sujet qui crée un clivage.
Alors selon toi peut-on rire de tout ?
On craint dans un spectacle d’aller là où il ne faut pas aller, mais je pense qu’on peut rire de tout tant que c’est marrant. L’humour est gratuit. On a la chance d’être dans une démocratie et de pouvoir dire un peu tout ce qu’on veut. On dira que j’ai du courage d’aborder certains thèmes ? Non. Un mec courageux, c’est celui qui va faire des vannes à Bagdad. Il y a un somalien qui en est mort, il y a deux mois, tué par des islamistes (Abdi Jeylam Malaq Marshale qui travaillait à la radio somalienne et qui ne ratait pas une occasion de railler les islamistes). C’est courageux de sortir des vannes dans un pays de malades mentaux. Mais nous, on est dans une démocratie où l’on a le droit de dire ce que l’on veut. Notre seule limite est de savoir si les gens paieront leur place pour venir nous voir. Après je m’en fous… Une fois qu’ils ont payé… (rires)
Il y a aussi la radio dans ton univers… C’est un bon exercice pour la scène ?
C’est un bon exercice pour les Assedic mais je n’avais jamais fait ça. ! (rires) J’avais fait quelques chroniques pour la radio et cette année j’ai voulu faire le « snipper »
avec des gens comme Nolwenn Leroy, des gens comme ça dont je me fous un peu… Être au milieu et faire le petit con avec Drucker, ça me fait marrer, donc je voulais essayer, tout simplement.
Et ça apprend beaucoup, la radio ?
Je ne sais pas. Ça apprend à se lever tôt surtout ! Mais plus sérieusement, ça me permet aussi d’être heureux. C’est une belle activité.
En gros tu es une personne qui se couche tard en sortant de scène et qui se lève tôt en entrant à la radio…
Oui je n’ai pas trop de vie en fait. J’ai deux, trois minutes de libre par jour… Voire quatre !
Par contre tu as le temps de boire un verre avec Olivier de Benoist…
J’avais quatre jours de vacances. Je me suis dit que j’allais aller me reposer à Saint-Malo et il a fallu qu’on aille au même endroit. C’est vraiment n’importe quoi ! Moi qui voulait lui échapper…
Maintenant y’aurait-il autre chose que tu ais envie de tester ? Tu en as déjà fait pas mal entre la radio, la télé, la scène…
Le cinéma ? Oui mais pas pour jouer ce qu’on voit habituellement. Je rêve de faire des choses qui à tous les coups ne feront pas mais l’important est de se dire qu’on va le faire.
Le cinéma à travers l’écriture, le jeu ou la mise en scène ?
Tout ! On écrit, on joue dedans, on raconte. Le meilleur que je sache faire c’est raconter ce que je sais. Raconter la vie de comédiens qui veulent réussir, je trouve ça marrant. Donc on est en train de se dire qu’on va peut-être écrire quelque chose là-dessus.
On te le souhaite pour 2013 ou les années à venir…
C’est gentil mais même si ça ne se fait pas, ce n’est pas grave. Déjà avoir l’idée c’est suffisant.
Rien que la démarche d’avoir envie, d’avoir un projet en tête, c’est déjà constructif…
C’est le combat qui est important comme on le disait au début. On y revient ! (rires)
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