COUPS DE COEUR

Au cœur d’une dystopie prophétique avec « Le chant du prophète » de Paul Lynch

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Le chant du prophète par Paul Lynch

roman dystopique

 


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Le chant du prophète par Paul Lynch : Une dystopie prophétique au cœur de notre époque

Paul Lynch, écrivain irlandais bientôt quinquagénaire, revient avec Le chant du prophète, son cinquième roman, récompensé par le prestigieux Booker Prize. Fidèle à son style flamboyant et déroutant, l’auteur continue d’explorer les fractures historiques et sociales qui marquent son pays natal.

Ses précédents ouvrages abordaient déjà des thèmes comme l’exode massif des Irlandais vers les États-Unis au XIXème siècle ou les conflits ayant secoué l’Irlande. Dans Le chant du prophète, le décor est celui d’un pays jamais nommé, mais qui pourrait bien être une version contemporaine de l’Irlande. Tout semble paisible, les tensions historiques oubliées, jusqu’au jour où Larry Stack, enseignant et père de famille, disparaît mystérieusement après une convocation du GNSB, une police secrète qui désire le rencontrer. Sa femme, Eilish, s’inquiète, mais les autorités restent évasives.

 

 

Imperceptiblement, le gouvernement qui se présente comme proche du peuple impose un régime d’état d’urgence, lui permettant ainsi d’établir des règles arbitraires. Les libertés s’érodent alors : décisions autoritaires, couvre-feu, camps d’internement, surveillance des communications, et blocage des passeports deviennent la norme… Eilish, brillante scientifique, voit sa carrière brisée et son quotidien bouleversé. Plus inquiétant encore, son fils Marck, bientôt 17 ans, est concerné par l’obligation d’un service militaire alors qu’il tente de rejoindre les insurgés. Terrifiée à l’idée de perdre son fils, elle envisage de le cacher et de l’envoyer au Canada chez sa sœur.

À travers le regard d’Eilish, Paul Lynch dépeint une lente descente vers le chaos : méfiance généralisée, rationnement, propagande médiatique rassurante en contraste avec les informations alarmantes venues de l’extérieur. Tandis que le pays glisse vers une guerre civile larvée, la population reste étrangement focalisée sur les festivités de Noël et ses projets de vacances, dans une apathie qui évoque l’adage de Jules César : « du pain et des jeux ».

 

 

L’auteur excelle à rendre cette atmosphère oppressante, alternant entre les pensées d’Eilish et une narration qui se détache parfois d’elle-même afin qu’elle réussisse à analyser ses propres contradictions. Déchirée entre raison et désespoir, elle doit également s’occuper de son père âgé dont la santé mentale vacille. Lynch interroge avec acuité : que reste-t-il de la démocratie quand ceux qui en détiennent les rênes abusent de leur pouvoir ?

Dans ce tableau d’une dystopie glaçante, la traductrice Marina Boraso mérite une mention spéciale pour sa capacité à restituer les subtilités du texte original. Elle transmet avec finesse les états d’âme de la protagoniste – oscillant entre lucidité et folie – et maîtrise parfaitement les dialogues atypiques, se succédant sur une même ligne tout en demeurant tout à fait compréhensibles.

 

 

Le chant du prophète n’est pas seulement une fiction : c’est une mise en garde troublante, une réflexion sur les dérives potentielles des démocraties modernes qui n’est pas sans rappeler la période que nous avons connue pendant les confinements. Et si tout cela arrivait demain ?

© Textes Jean-Louis Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photo DR     

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