INTERVIEW

Lara Fabian en interview pour Le Mensuel en 2013 album Le secret

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Lara Fabian


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en interview 

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LARA FABIAN
 
 
  

Album Le Secret

 

« Lorsque je rentre dans une salle où m’attendent des milliers de personnes,

j’ai presque tendance à regarder derrière moi car j’ai du mal à réaliser qu’ils sont là pour moi ! »

Cela faisait quatre ans que la diva nous avait privé de sa présence scénique et médiatique. Pourtant, elle n’a pas chômé pendant ce qui nous a semblé être une trop longue absence… Ayant cédé aux avances envoûtantes d’une Europe de l’Est littéralement tombée en amour devant la puissance et l’impétuosité de sa voix, Lara Fabian s’en est allée sous d’autres cieux pour rencontrer une partie de son public qui, lui aussi, la réclamait. Mais dévouée à ses fans qui n’ont que faire des frontières, la chanteuse ne pouvait restée plus longtemps éloignée de son fidèle public français. C’est donc officiellement au printemps dernier qu’elle a fait son grand retour avec un album intitulé Le secret, même si quelques mois auparavant, elle n’avait pu résister au désir de dévoiler officieusement son titre Deux «ils», Deux «elles» en plein coeur du débat sur le mariage pour tous. Preuve que malgré les années, les expériences et les rencontres, l’artiste et la femme qui sont en elles n’ont pas changées. Elle qui chantait La différence il y a désormais dix-sept ans est donc restée fidèle à ses valeurs, une personne préoccupée par les tourments d’autrui malgré les vertiges et les affres du succès. Car à la fois adulée et moquée, il aura fallu de l’ardeur, de la passion et une détermination sans faille pour que celle qui nous a toujours semblée si forte puisse se retrouver et savoir qui elle était au plus profond d’elle-même. C’est une Lara Fabian finalement « intacte » et pourtant tellement grandie et enrichie que celle qui parcourt en ce moment les routes pour retrouver un public qui lui est cher depuis tant d’années…
 

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lara-fabian-interview-2013-CMorgane L : Votre dernier album Le secret est sorti en France presque quatre ans après Toutes les femmes en moi, mais même si on ne vous a pas beaucoup vue chez nous, vous avez eu un emploi du temps bien chargé ailleurs…
Lara Fabian : Oui ces dernières années, j’ai beaucoup travaillé dans le monde entier et en particulier dans les pays de l’est. C’est extrêmement grisant de franchir les frontières avec notre musique et c’est là que l’on s’aperçoit que la langue française voyage énormément. Principalement, mon spectacle est en français et se rendre compte, lors d’un concert, que les chansons interprétées dans notre langue et qui véhiculent notre culture puissent intéresser d’autres personnes et créer en eux des émotions, c’est passionnant !

Finalement, de par vos origines et votre métier, vous êtes une véritable citoyenne du monde…
C’est vraiment ça ! Je me considère comme une itinérante du coeur… (rires) L’album Mademoiselle Zhivagoen est d’ailleurs un bel exemple puisqu’il mêle cinq langues. Chanter en plusieurs langues fait partie de ma nature. Ma famille est italienne d’un côté, francophone de l’autre, américaine par mon grand-père maternel, j’ai une autre partie de ma famille en Andalousie donc c’est sûr que j’ai toujours vécu ma vie en différentes langues. Ce n’est pas un exploit, c’est ma culture. Les gens ne savent pas par exemple que ma langue maternelle n’est pas le français mais l’italien…

Comment la Russie est-elle arrivée dans votre vie ?
L’amour, lorsqu’il est vrai et sincère, est réciproque et c’est un peu ça qui s’est produit entre ce pays et moi. J’y suis allée une fois, comme bon nombre de chanteurs français, et il s’est avéré que cette fois là s’est renouvelée une seconde fois, puis une troisième… Jusqu’à ce que j’y aille très régulièrement. Il y a eu une véritable connexion avec ces gens et avec leur façon d’aimer la musique. Leur nostalgie et leur lyrisme me touchent énormément, moi qui suis très proche de la dramaturgie dans ma façon de chanter, dans mes envolées et dans ma manière peut-être parfois un peu exhubérante de m’exprimer sur scène. Et c’est lors d’un de ces concerts que j’ai rencontré le Goldman local, Igor Krutoy ! (rires) Il m’a ensuite fait écouter des chansons que je trouvais très justes et qui, surtout, me correspondaient vraiment bien… Ça fait maintenant six ans que ça dure.

Que ressent-on lorsque l’on réalise qu’il y a differents publics qui nous réclament un peu partout dans le monde ?
On se sent moins seule ! (rires) J’ai beaucoup de gratitude vis à vis de tous ces gens qui me témoignent des signes d’affection. C’est vraiment quelque chose que je vois plus comme un cadeau que comme un exploit puisque foncièrement, on n’y est quasiment pour rien, nous, artistes. Nous ne sommes que des canaux qui servent à véhiculer une foule d’émotions très très fortes qu’on arrive à exprimer avec beaucoup d’intensité pour que les gens se sentent délestés de ces sentiments. Mais nous, artistes, ne sommes que des messagers, nous n’avons rien inventé. Et lorsque je rentre dans une salle où m’attendent des milliers de personnes, j’ai presque tendance à regarder derrière moi car j’ai du mal à réaliser qu’ils sont là pour moi ! (rires)

Je continue de vivre cette aventure comme ça car c’est un petit miracle en soi, à chaque fois. Fédérer les coeurs, rassembler les êtres, se dire qu’une chanson que l’on chante porte en elle une signification et touche plus d’une personne à la fois, tout ceci me procure un sentiment très rassurant… J’ai vraiment l’impression de ne pas être seule, d’appartenir à un groupe et d’être en lien avec les autres. C’est ça qui compte le plus pour moi…

Contrairement à beaucoup d’artistes de renommée mondiale, vous êtes restée très proche et respectueuse de votre public. Cette relation là est vitale pour continuer à avancer, pour chaque jour avoir envie de se battre ?
Je crois que cette relation est vitale, oui… Je vous avouerais que dans les moments où tout s’est obscurci, où il y avait une tempête rageante dans ma vie, où, comme vous le savez, des gens se sont acharnés – il n’y a pas d’autres mots – s’il n’y avait pas eu ce lien, s’il n’y avait pas eu cet amour qui, même entre deux silences, se matérialisait par de simples regards lorsque les gens me croisaient dans la rue, je n’aurais peut-être pas tenu… Cette intensité dans le regard, c’est un vrai geste d’amour… Même dans le silence… Ce sont toutes ces marques d’affection et de soutien qui ont créé ce lien pérenne. Je sais que j’ai un lien très particulier avec mon public et je le respecte profondément car c’est ça qui m’a maintenue en vie.

Dans Un ange est tombé, vous parlez justement des liens virtuels si étranges que nous entretenons sur les réseaux sociaux…
Internet est à la fois une source d’informations et de connexions extraordinaires mais en même temps, il sert de déversoir à toutes sortes de manifestations extrêmeslara-fabian-interview-2013-D ramenant ainsi les gens à l’isolement. Le paradoxe d’Internet c’est cette dichotomie. C’est pour cela qu’il faut être très prudent lorsqu’on l’utilise même si pour les artistes c’est un médiumgénial car il nous permet d’être en contact direct et régulier avec notre public.

Le contact avec la France vous manquait ? C’est pour ça que vous eu envie d’y entreprendre une longue tournée ?
Vous savez, la France est quand même l’endroit où je suis née artistiquement. Le Québec a été mon premier succès mais la France a été l’explosion et l’accomplissement de ma carrière donc c’est important de préserver l’endroit où se sont alignées un maximum d’étoiles et où tout s’est consolidé.

Vous revenez donc nous voir avec votre dernier opus conçu avec l’américaine Janey Clewer…
Le point de départ du Secret, c’est le désir de témoigner sur la faculté de résilience, de résurréction, de guérison que l’on a… J’entendais tellement de gens dire combien ils souffraient, j’ai tellement dit ces choses là moi aussi (et ça m’arrive encore quelques fois) mais j’ai vu ensuite la capacité extraordinaire qu’on a d’être à la fois créateur de ce qui nous fait mal mais également de ce qui nous fait du bien… Nous sommes vraiment des machines magnifiques, on est capable de s’administrer une grande souffrance puis de se la désamorcer mais il y a un parcours pour faire ça, il y a une méthodologie que l’on découvre dans Le secret : comment vit-on le premier impact, pourquoi transforme-t-on une douleur en souffrance que l’on rend presque pérenne, comment fait-on pour se décrocher de cette souffrance, à quel moment trouve-t-on les moyens d’entrer en résilience pour retrouver la paix et comment fait-on pour s’aimer enfin ? C’est vraiment le parcours que j’ai vécu pendant un temps et le point de départ du Secret est qu’il était l’heure, à quarante quatre ans bientôt, de communiquer pour tenter d’apporter un peu de réconfort à quelques-unes des personnes qui souffrent.

Cet album délivre donc un beau message d’espoir ?
Oui car je voulais qu’il soit la preuve pour tous ceux qui ne voient pas le bout de leur souffrance, que c’est possible de la laisser derrière soi.

Jusque là vous aviez travaillé majoritairement avec des hommes, qu’a apporté de plus ou de différent, la présence d’une autre femme sur cet album ?
Effectivement, ça a changé pas mal de choses. Janey est véritablement un ange dans toute sa splendeur… C’est une personne qui est passée par des étapes très difficiles dans son existence et qui pouvait justement raconter en musique tous ces sentiments avec la même précision que celle dont j’ai fait preuve dans le choix des mots.

C’est une souffrance, pour un artiste qui délivre des messages d’espoir depuis des années, de voir que malheureusement, ça ne change pas suffisamment les comportements ?
Oui mais en même temps, Fitzgerald disait qu’il fallait accepter qu’il n’y ait plus d’espoir pour pouvoir se battre encore plus fort… Je me sers de cette inhérente souffrance
humaine comme d’un moteur et je ne m’arrêterai jamais. Ce qui est positif, c’est de croire que je peux changer quelque chose à ma petite échelle et je ne m’arrêterai jamais de penser que ça peut, peut-être, faire un jour la différence pour que les consciences s’enclenchent. Je suis persuadée que tant qu’on lutte contre la guerre, plutôt que de manifester pour la paix, on restera inefficace. Ça ne sert à rien de lever le poing, il faut vite passer à la solution, à la compassion et à l’empathie. Il faut que nous proposions des choses à travers un débat positif plutôt que de s’enfermer dans une rébellion dévastatrice…

Revenir en France, en plein coeur du débat sur le mariage pour tous avec Deux ils, deux elles, dix-sept ans après La différence, en est un bel exemple…
Défendre l’amour entre deux êtres fait partie de ma démarche pour la tolérance et l’acceptation de l’être en tant que tel. Il y a dix-sept ans, c’est vrai, je le faisais, et dix-sept ans plus tard, malheureusement, je le fais encore… Et j’ai bien peur de devoir le faire encore longtemps ! Il est atroce de penser que l’amour puisse diviser les Hommes.

Dans ce dernier album, on a la sensation que vous avez libéré votre voix d’un poids… Qu’elle sait se faire délicate comme dans l’album 9 mais qu’elle a également retrouvé toute la puissance qu’elle avait auparavant…
C’est tout à fait juste… Ma voix est redevenue l’instrument que je peux utiliser sur toute sa palette d’émotions, de couleurs et c’est comme ça que n’importe quel instrument doit être. Je suis passée par pas mal d’états tout au long de ma carrière, j’ai parfois chanté en tendant les bras très fort, j’ai aussi chanté en serrant tout contre moi ma voix mais aujourd’hui, en sa pleine maturité, il était temps de lui rendre toutes ses dimensions.

Dans Ce qu’il reste, vous dites « Je m’en fous de tomber, entière je vais me lancer vers ce qui vibre en moi », n’est-ce pas le véritable sens de tout cet album ?
C’est rigolo que vous mettiez le doigt sur ces trois phrases là parce qu’elles ont une vieille histoire derrière elles… C’est un mot que j’emploie souvent dans mes chansons, je sais que ça ne plaît pas à tout le monde mais c’est mon empreinte de coeur. Ce n’est pas une façon d’écrire, c’est ça, je suis ça, je ne veux être que moi et si parfois ça a déplu, je ne peux plus rien faire contre ceux auxquels ça déplait…



Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview parue dans l’édition n°342 de Novembre 2013 
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