COUPS DE COEUR

Joël Dicker en interview pour son nouveau roman « L’Affaire Alaska Sanders »

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Je ne pourrais plus me passer de rencontrer les lecteurs…

 

Après 3 ouvrages parus à la suite du succès vertigineux de son roman La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Joël Dicker s’est enfin autorisé à dévoiler le 2ème volet qu’il imaginait à l’origine : L’Affaire Alaska Sanders. Outre le retour du duo formé par Marcus et Perry, on retrouve évidemment l’écriture cinématographique de ce jeune auteur suisse qui a su séduire plus de 5 millions de lecteurs à travers le monde avec un 1er tome adapté en série par Jean-Jacques Annaud…

 

 


📚 Joël Dicker pour son roman « L’Affaire Alaska Sanders » en librairie le 10 mars 2022 et en tournée de dédicaces :


 

Morgane Las Dit Peisson : Un nouveau roman, L’Affaire Alaska Sanders, sortira le 10 mars…

Joël Dicker : Je vous avoue que j’ai un peu le trac parce qu’il y a plein de nouveautés… L’Affaire Alaska Sanders (qui est la suite de La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert) va en effet sortir en grand format le 10 mars en même temps que la réédition en format poche de L’Énigme de la chambre 622 et le tout, sous la maison d’édition que j’ai montée en début d’année ! Maintenant, il faut que j’assure mais c’est terriblement excitant ! (rires) J’ai envie que les gens l’aient dans les mains, le découvrent, le dévorent – j’espère – et me fassent leurs retours ! Je me sens comme un cuisinier qui a concocté un tout nouveau plat et qui guette de loin les réactions de ses clients… (rires) Je suis très impatient d’être le 10 mars…

 

 

À quoi ressemble le départ en impression d’un roman ? Vous retouchez jusqu’à la dernière seconde ?

(rires) C’est un peu le problème ! Jusqu’au dernier moment, je retouche quelque chose donc, très sincèrement, le départ en impression est un soulagement, une délivrance sinon, je sais que ce serait sans fin ! (rires) S’il n’y avait pas cette obligation, ce glas, je passerais sûrement une vie entière à éditer un unique ouvrage ! Le problème, en plus, avec un texte de fiction, c’est qu’on peut tout se permettre, on a le droit de tout inventer donc s’il n’y avait pas d’obligation à s’arrêter, l’écriture pourrait durer éternellement ! (rires) La date qu’on s’impose nous protège donc un peu de nous-mêmes et permet d’aller de l’avant. Puisqu’évidemment on trouve ce qu’on a fait imparfait, on n’a qu’une envie, c’est de se remettre à écrire pour faire mieux.

La vérité sur l’affaire Harry Quebert  était peut-être imparfaite mais a connu un immense succès !

Je crois profondément que le véritable artisan d’un livre, c’est le lecteur. C’est lui qui va décider de son avenir en se sentant emporté ou non, en le dévorant en une nuit, en imaginant les personnages de telle ou telle manière, en en parlant à ses proches… Le lecteur est réellement actif et acteur dans l’acte de lecture, il n’est pas « receveur » comme il peut l’être quand il écoute un morceau. J’estime qu’il est au premier plan et qu’en tant qu’auteur, je suis simplement à son service… C’est une notion qui me plaît et qui m’aide à relativiser le succès que j’ai eu jeune. À chaque roman, les compteurs sont remis à zéro, il y a tout à réinventer et je me remets avec plaisir au travail dans mon petit bureau à Genève, comme la toute première fois.

Écrire est plus qu’une simple activité cérébrale, on y met tout ce qu’on a…

Il y a, c’est vrai, un sentiment de vide et de fatigue lorsqu’on achève une histoire. C’est étrange de façonner une intrigue et d’inventer des personnages car ils nous obsèdent, ils occupent toutes nos pensées et effectivement, il y a quelque chose qui semble se rapprocher de ce que peut ressentir une jeune maman qui vient d’accoucher de son enfant. Il n’est plus à l’intérieur d’elle-même, il n’appartient plus qu’à elle et surtout, il va faire sa vie…

 

 

L’Affaire Alaska Sanders est le 2ème volet de la trilogie Harry Quebert bien qu’il sorte après le 3ème

Alors que le 1er volet – La vérité sur l’affaire Harry Quebert – n’était pas encore paru, j’avais en tête d’écrire une trilogie mais dès sa parution, il a eu un succès incroyable… Bien que ça ait été très chouette (je ne remercierais jamais assez les lecteurs pour ça !), ça a un peu bouleversé mes projets. J’ai en effet eu peur qu’en proposant un tome 2 dans la foulée, les gens pensent que j’essayais simplement de surfer sur l’effet Quebert. Je ne voulais pas que ça ait l’air artificiel alors j’ai fait une croix dessus pendant un petit moment… L’avantage que ça présente aujourd’hui, c’est que les 3 volets peuvent se lire et tout à fait se comprendre dans le désordre ou même en n’en lisant qu’un seul !

Un goût pour les enquêtes en particulier ou plus pour les énigmes ?

C’est plus l’énigme qui m’anime mais je crois qu’on est beaucoup dans ce cas-là. Quand on entend une sirène de pompier, on a tendance à regarder le véhicule passer en se demandant où il va, ce qu’il se passe… Ce n’est pas du voyeurisme, juste un « éveil », une curiosité qui d’ailleurs, reste la plupart du temps sans réponse ! (rires) Ça évoque que quelque part quelque chose se passe et ça, ça me plaît. 

 

Joël Dicker et Jérémy Ferrari dans « Top Sorties » sur BFM Nice Côte d’Azur

 

Comme dans les Agatha Christie, la mort est plus « l’occasion » de développer une histoire et des psychologies…

C’est exactement ça ! Je ne m’intéresse d’ailleurs pas à l’aspect sanglant de l’affaire mais aux raisons qui ont amené jusqu’au meurtre… C’est pour ça aussi que mes enquêtes font très peu appel aux sciences qu’on a aujourd’hui qui permettent de tracer les suspects ou de relever leurs empreintes. Ce sont des technologies extraordinaires dans la vraie vie mais qui, à mon goût, gâchent la narration ou en tous cas, celle que je souhaite faire ! Ce qui me plaît, ce sont les enquêtes que n’importe qui pourrait mener en ouvrant un courrier, en écoutant à la porte ou en pistant quelqu’un… J’ai des confrères qui écrivent à merveille sur des meurtres sanguinolents et des entrailles ouvertes mais moi, en tant qu’auteur, je ne sais pas le faire parce que ça ne m’attire pas… Je pratique un meurtre très artisanal finalement ! (rires) Alors quand vous parlez d’Agatha Christie ou de Sherlock Holmes, ça me touche évidemment énormément ! Je suis fasciné par le talent d’observation et de déduction qu’on retrouve dans ces ouvrages où l’enquêteur, en voyant simplement dépasser un billet de train d’une poche d’imperméable, remonte le fil et comprend toute l’affaire. J’adore cette atmosphère où finalement, le meurtre n’est qu’un prétexte.

 

 

Une écriture cinématographique, découpée chronologiquement, avec des flash-backs…  Des envies de réalisation ?

Sincèrement, c’est possible que ça vienne un jour car j’adore raconter des histoires bien sûr mais j’aime aussi énormément l’image, l’esthétique, la peinture, la photo, le cinéma… Quand vous évoquez la réalisation, ça me parle, c’est certain. Je n’ai pas encore de projet en tête mais ce serait une suite logique qui me plairait assez…

La peinture d’Edward Hopper accompagne d’ailleurs cette trilogie…

La couverture est vraiment la carte de visite du roman, c’est le premier lien que l’on crée avec un lecteur… Ce qui m’intéresse dans la peinture de Hopper c’est qu’en montrant un de ses tableaux à quelqu’un et en lui demandant ce qu’il y voit, il va parler de tout ce qui n’est pas sur l’image. Sa vision est fascinante car elle appelle à l’évocation et à l’imaginaire. En regardant son oeuvre, on voit ce qui n’est pas peint, on ressent une atmosphère et on imagine ce qui vient de se passer ou ce qui va arriver… C’est une invitation à enquêter…

Un goût de l’écriture mais aussi de la lecture au point de vous être lancé dans l’aventure de l’édition…

Entre une mère libraire et un père prof de français, j’ai toujours baigné dans les livres et donc, je me suis naturellement tourné vers l’écriture parce que j’aimais lire. L’édition est encore un autre exercice, pas spécialement facile mais passionnant car il va me donner l’occasion de partager des textes qui m’ont touché…

 

 

Être auteur soi-même est un atout pour conseiller les jeunes écrivains…

En effet, me lancer dans l’édition va me permettre de mettre mon expérience au service de jeunes auteurs et d’avoir une démarche très humaine. J’ai eu la chance d’être aidé et soutenu alors j’estime qu’aujourd’hui, il est de mon devoir d’en faire autant… Ce sera fait dans une démarche raisonnée et raisonnable – certainement deux publications par an – car je souhaite faire les choses bien en prenant le temps d’accompagner et de défendre les ouvrages choisis.

Des activités de lecture et d’écriture plutôt solitaires avant de rencontrer le public « en vrai » dans une tournée de dédicaces…

Ce sont des exercices extraordinairement différents, voire presque schizophrènes mais j’adore les deux ! Je crois que je ne pourrais plus me passer de rencontrer les lecteurs… C’est tellement joyeux et émouvant de retrouver à chaque tournée des gens qui m’apportent leur soutien depuis 10 ans ! La dédicace n’est qu’un prétexte pour se donner un rendez-vous afin d’échanger sans l’intermédiaire des réseaux sociaux. C’est génial parce que j’ai toujours l’impression de retrouver des amis… C’est touchant, bienveillant et c’est une incroyable source d’énergie !

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Anoush Abrar

 


Interview parue dans Le Mensuel n°429 de mars 2022

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