https://www.youtube.com/watch?v=YnhU4Yw_TIU

INTERVIEW

Jérémy Ferrari en interview

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Difficile de ne pas être admiratif, que l’on soit féru d’humour noir ou non, du parcours que connaît cet humoriste en perpétuelle ascension… N’ayant jamais accepté de faire aucune concession pour rentrer dans un moule et correspondre ainsi à une mode quelconque, c’est au prix de véritables années de galère que celui qui remplit constamment toutes les salles par lesquelles il passe aujourd’hui, s’est fait sa propre place dans le paysage humoristique français !  Devenu la référence absolue en matière d’humour noir, Jérémy Ferrari, drôle, passionné, investi et laborieux, a eu raison de persévérer car, si certaines productions craignaient à ses débuts de ne pas réussir à le « vendre », l’engouement du public prouve à quel point les gens étaient en attente d’un nouveau genre. Se lançant corps et âme, pour chaque création, dans un authentique travail d’investigation que peu de journalistes de terrain entreprennent encore de nos jours, il a choisi, pour le 3ème chapitre de sa mission scénique qu’il est déjà en train de préparer, de décortiquer le business, malheureusement rentable, de la santé…


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« Vends 2 pièces à Beyrouth » à Puget sur Argens le 17 janvier

« Happy hour à Mossoul » paru le 19 octobre 2017 • éd. Lafon • 251 pages • 19,95€

 


« Tu ne peux pas te lancer dans ce genre de quête si tu n’éprouves pas quelque chose de sincère… »


Morgane Las Dit Peisson : La tournée de Vends 2 pièces à Beyrouth se passe plutôt bien…

Jérémy Ferrari : Oui et j’en suis vraiment heureux ! On a hésité à se lancer dans cette troisième session de tournée de peur que les gens soient moins au rendez-vous mais on a bien fait car ils sont toujours aussi présents. C’est vraiment chouette surtout dans des régions comme la PACA qui sont réputées pour ne pas être faciles et très sélectives… C’est un véritable honneur pour moi d’avoir le privilège de venir régulièrement, je suis très flatté que le public du sud m’apprécie autant !

Au début de ce spectacle, tu souhaitais faire au moins aussi bien qu’avec Hallelujah bordel...

C’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de quantifier et de comparer à chaque fois ! Hallelujah bordel a été joué longtemps et a très bien fonctionné dès qu’il s’est fait connaître du public mais Vends 2 pièces à Beyrouth est impressionnant à côté ! Il a fait autant de spectateurs en un an et demi que le premier en a accueilli en trois ans… Même à Paris je ne pensais jamais pouvoir remplir une semaine au Trianon, une semaine à L’Olympia, quinze jours aux Folies Bergère, trois soirs à la Salle Pleyel… C’est surréaliste, je ne m’attendais pas du tout à un succès comme celui-ci d’autant que je me suis fait oublier des médias pendant quasiment deux ans pour écrire…

Être trop ou pas assez présent en télé est une question qui se pose dans ces moments là ?

Moi je ne me la posais pas mais les gens autour de moi, oui ! (rires) On m’a beaucoup conseillé  de continuer à me montrer pour conserver ma notoriété mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas faire ça, ça me donne l’impression d’être un guignol ! (rires) Je vais sur un plateau uniquement quand j’ai des trucs à dire mais pas pour rappeler aux gens que j’existe… Je ne dis pas que j’ai tort ou raison d’agir ainsi mais j’ai en tous cas la sensation que ça correspond aux attentes de mon public car, sans aucune promo télé ou radio au moment de l’ouverture des ventes de Vends 2 pièces à Beyrouth, des dizaines de milliers de places se sont vendues… Les gens me font vraiment confiance et c’est un véritable bonheur de s’en rendre compte car c’est grâce en partie à eux que j’ai pu prendre du temps pour élaborer mon spectacle mais aussi produire des artistes et mettre sur pied pein d’autres projets ! 

Tu as toujours été très respectueux du public mais tu sembles y être de plus en plus attaché…

J’ai profondément besoin d’être cohérent entre ce que je dis aux gens et ce que je fais… Je ne pourrais pas par exemple – juste pour montrer ma tête et empocher une somme cofortable -, tourner dans une pub pour une voiture de luxe alors que je passe mon temps à donner des lecçons de vie à tout le monde ! (rires) C’est primordial pour moi de respecter ce qui me soutiennent, qui dépensent de l’argent pour venir me voir « moi » ou qui me défendent sur les réseaux sociaux… Le public, je le vois comme une seule et même personne que j’aime et qui m’aime en retour, je ne veux pas la décevoir et si un jour ça arrivait, je m’excuserais aurpès d’elle en faisant tout pour me rattraper… Si tu es dans la sincérité, je crois que tout est réparable

Ta façon d’être fait  penser à celle de Julien Doré… Chacun dans votre registre, vous ne ressemblez à aucun autre et êtes droits…

C’est un joli compliment parce que j’aime beaucoup son travail et sa personnalité. On ne le voit pas tout le temps, il revient avec de nouveaux morceaux qui font un carton et il repart, il ne se prostitue pas pour qu’on parle de lui. C’est facile d’être un personnage singulier et provocateur quand tu débutes, que tu n’as rien et que tu n’es pas connu… Dans la première émission que j’ai faite chez Ruquier, mes chaussures étaient trouées et la veste que j’avais m’avait été prêtée ! Je n’étais pas SDF mais c’était vraiment chaud financièrement à ce moment là alors ça n’a pas été difficile d’être « courageux » en tentant le tout pour le tout puisque je n’avais rien à perdre

Ce qui devient compliqué, c’est quand ça marche, quand tu commences à gagner de l’argent, que tu montes ta société et que tu as des employés car si tu tombes, tu les emmènes avec toi. C’est quand tu réalises ça que tu as peur et c’est dans ces moments là que c’est dur de ne pas craquer quand on te propose de gagner de l’argent facilement… Quand en une matinée, tu peux rembourser le crédit de la maison de ta mère, tu as intérêt à t’accrocher sévèrement à tes convictions pour répondre non ! (rires) Il faut garder à l’esprit que si tu acceptes une première fois, c’est le début de l’engrenage…

Cette droiture se retrouve dans l’importance que tu attaches aux sources de tes propos…

On est dans une époque où les gens ne savent plus démêler le vrai du faux et où ils ont l’impression qu’on leur ment continuellement… Avant, on cachait l’information et maintenant avec Internet, on la noie ! On peut trouver tout et son contraire en quelques clics ! Alors j’essaye de me fier à des sources réputées objectives et s’il s’avère un jour que j’ai dit une connerie, j’aurai la preuve de ne pas l’avoir inventée ! 

Je ne t’imagine pas ne pas te lancer dans de nouvelles investigations pour le prochain spectacle…

En effet, je vais continuer sur ma lancée bien que j’aie envie de me livrer également un peu plus personnellement cette fois-ci ! (rires) Le prochain spectacle traitera de la santé et de tout le business qui tourne inévitablement autour puisque tout le monde est ou sera concerné un jour… Il paraîtrait même que ça rapporte encore plus d’argent que les armes alors ça devrait être passionnant ! Je commence à rencontrer des médecins, des spécialistes, je recueille des documents et, bien que je n’en sois qu’au tout début, je suis déjà souvent mort de rire uniquement en soulevant le tapis ! (rires) Cette phase de recherche est longue et fastidieuse mais elle est excitante car tu sais que tu vas pouvoir tout raconter sur scène et en balancer pas mal à la télé… Quand tu es réalises que tu viens de tomber sur une donnée soigneusement camouflée, c’est comme trouver une pépite pour un chercheur d’or, c’est grisant !

Toutes ces découvertes ne doivent pas te laisser insensible…   

C’est d’ailleurs ça qui est « marrant » dans cette démarche… Je suis humoriste mais je passe mes journées à travailler, chercher et analyser des drames, des mensonges et tous les plus bas instincts des êtres humains. De temps en temps, c’est vrai que c’est fatigant moralement… Quand tu travailles pendant quatre ans sur la guerre, ça finit automatiquement par t’affecter. Mais d’un autre côté, je crois que je ne pourrais pas faire ça si ça ne me touchait pas et surtout, si ça ne me mettait pas en colère… Heureusement que j’ai choisi l’axe de l’humour car en écrivant sur ce qui me révolte, j’arrive à prendre du recul et à me marrer… Sinon ce serait horrible ! Je pense que tu ne peux pas te lancer dans ce genre de quête si tu n’éprouves pas quelque chose de sincère…

Ça rappelle pour ceux qui en douteraient que bousculer ou choquer n’est qu’un moyen et non une finalité…   

Souvent sur les plateaux on me voit, c’est vrai, un peu véhément mais ce n’est jamais quand je parle de moi, moi je m’en fous, c’est quand je parle d’attentats et de toutes les horreurs qui peuvent se passer dans certains pays… C’est quand je ressens de la colère que je m’emporte. Certains pensent peut-être que je recherche le buzz ou que faire de l’humour noir révèle un tempérament méchant alors que très honnêtement, j’ai parfois juste du mal à prendre du recul face à toutes ces injustices…

Il y a la scène bien sûr mais aussi ton livre Happy hour à Mossoul

Contrairement au premier livre – Hallelujah bordel – qui était le fruit de tout ce dont je n’avais pas pu me servir pour la scène, Happy hour à Mossoul est réellement un ouvrage indépendant du spectacle. La thématique est restée celle de la guerre mais une petite partie seulement provient de ce qui n’a pas pu servir à la scène, tout le reste est issu de nouvelles recherches. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est si gros et qu’on a repoussé sa sortie. Au départ je n’avais pas du tout l’idée de faire un livre comme ça mais je me suis tellement amusé en me lançant dans ce projet que je me suis l25aissé embarquer ! Pour te donner un aperçu du problème (rires), je voulais au départ uniquement traiter des guerres de colonisation et finalement, ce n’est devenu qu’un chapitre ! 

La mise en images est de Patrick Borkowski…

Le dessin pour le coup, c’est vraiment un truc que je ne maîtrise pas du tout, c’est catastrophique ! (rires) C’est très bizarre d’ailleurs car dans mon esprit, tout est très visuel et si tu me racontes une histoire, je l’imagine tout de suite en images. Souvent, les gens ont l’impression que je ne les écoute pas alors que je suis pleinement en train de vivre la scène dans ma tête. Alors j’ai plein d’idées de dessins mais je suis totalement incapable de les réaliser. C’est un art d’être dessinateur… Patrick Borkowski a été choisi parce qu’il a su écouter nos envies et nos besoins tout en apportant plein de petites touches qui n’ont pas fait qu’illustrer les propos mais qui ont apporté du mouvement, de la vie et de la personnalité. 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Renaud Corlouer

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