INTERVIEW
Jean-Luc Lemoine en interview
Sans l’ombre d’une superstition, le chroniqueur favori de la jeune génération qui sévit actuellement dans l’émission de Cyril Hanouna – Touche pas à mon poste ! – après avoir fait ses armes aux côtés de Laurent Ruquier il y a quinze ans déjà, est revenu sur scène en début d’année soutenu par une affiche arborant l’unique couleur considérée comme maléfique au théâtre : le vert… À en croire le succès de son dernier spectacle Si vous avez manqué le début… qui a joué les prolongations à Paris ces derniers mois, Jean-Luc Lemoine aurait réussi à déjouer ce mystérieux sort indubitablement grâce à un antidote composé de passion envoûtante et de travail acharné. Car si son nom et son visage attirent bien des regards, la réussite télévisée de l’artiste a quant à elle parfois fait oublier à certains que l’homme médiatisé était avant tout un amoureux des planches. Dans un nouveau one man show à l’humour relevé et mis en scène par Étienne de Balasy, le pince-sans-rire préféré du PAF réussit donc encore, après 25 ans de carrière, à surprendre un public qui ne s’attendait peut-être pas à le voir incarner aussi bien un animateur de supermarché qu’un psychopathe plus vrai que nature….
« SI VOUS AVEZ MANQUÉ LE DÉBUT »
En direct de L’Olympia de Paris • Le 07 avril 2017 à 21h • Sur C8
« Je trouverais ça décevant de proposer sur scène aux gens ce qu’ils ont gratuitement à la téle… »
Morgane Las Dit Peisson : Les dates parisiennes touchent à leur fin…
Jean-Luc Lemoine : Ça fait un petit pincement au coeur de quitter Le Grand Point Virgule même si on sait, par logique, qu’on ne va pas y rester éternellement ! (rires) Pour être honnête, c’est passé vite, trop vite… Je voulais revenir sur scène car ça faisait trois ans que je ne faisais plus que de la télé et de la radio et ça me manquait horriblement ! Ce début d’année 2015 a été vraiment fatigant car il a fallu mener les trois activités de front mais chaque soir, sur scène, j’ai vécu chaque représentation comme une récréation et du coup, c’est passé à une allure folle ! Tout ce que j’ai vécu depuis le mois de janvier n’a été que du pur plaisir…
Pouvoir faire des prolongations est signe de très bonne santé pour un one man…
Oui, j’ai conscience que c’est une chance extraordinaire ! C’est un véritable cadeau que le public me fait chaque soir. Avant de commencer, j’avais peur évidemment… Tu ne sais jamais si les gens ont envie de te voir en règle générale mais c’est peut-être encore pire lorsqu’ils te regardent quasiment tous les soirs à la télévision… Impossible de savoir avant de se lancer s’ils vont avoir envie de faire la démarche de s’offrir des places pour venir te voir sur scène après t’avoir supporté sur D8… Heureusement, ils m’ont prouvé que oui mais je ne perds jamais de vue que c’est une chance.
Trois ans de pause scénique, ce n’est pas si choquant…
Ça fait désormais quinze ans que je fais de la télé et pendant les douze premières années, je n’ai jamais rien voulu lâcher ! (rires) J’enchaînais les tournées, la télé, la radio, l’écriture mais cette fois-ci, j’ai pris volontairement le parti de me stopper un peu pour m’autoriser à prendre un peu plus le temps. Ce qui est bien, c’est que je suis revenu sur les planches pour les bonnes raisons… L’envie était extrêmement forte ! La raison aurait voulu que je ne fasse pas ce spectacle car je n’en avais pas le temps… Faire deux quotidiennes entre la radio et la télé ne laisse que très peu d’heures dans la journée pour travailler un one man. Si je me suis infligé ce troisième rendez-vous quotidien sur scène, c’est uniquement parce que j’en crevais d’envie !
As-tu eu des craintes à l’idée de ne pas proposer la même chose en télé que sur scène ?
C’est vrai qu’il y a eu un peu de ça mais je respecte trop mon public pour agir autrement. Je trouverais ça décevant de leur proposer sur scène ce qu’ils ont gratuitement à la télé, c’est en partie pour ça que j’ai autant envie de les emmener ailleurs. Ce dernier spectacle Si vous avez manqué le début… est je crois celui dont je suis le plus proche dans la vie, tout comme la télé où je suis assez naturel aussi alors même si la forme d’expression n’est pas la même, je pense que les gens qui m’aiment bien me reconnaissent et me retrouvent tel qu’ils me voient dans l’écran. Le vrai lien entre les deux domaines, c’est cette sincérité.
Tu campes des personnages mais tu t’adresses énormément au public dans ce dernier spectacle…
Tout à fait, c’est vraiment en ça qu’il est hétéroclite… Il y a différentes formes de spectacles qui cohabitent dans celui-ci, du stand-up qui me permet d’aller chercher les gens ou encore le sketch qui me fait camper des personnages. Ça me fait plaisir d’entendre que des gens ne savaient pas que j’étais comédien. Ça prouve que j’ai encore plein de choses à faire, à apprendre et à prouver et surtout, c’est une magnifique leçon d’humilité.
Si vous avez manqué le début… devrait donc parler de beaucoup de choses…
Oui, on aborde dans ce spectacle énormément de thèmes. J’ai écrit un petit peu dans tous les sens tout ce qui me passait par la tête sans chercher de ligne directrice avant de me rendre compte qu’en réalité il y avait un sujet central qui apparaissait en filigrane : la montée de la connerie dans notre société et sous toutes ses formes… La façon dont on nous parle, la manière dont le commerce communique avec nous, la vie qu’on nous propose… tout ça m’a fait réaliser qu’on s’est habitués à des choses moins bien… J’ai la sensation qu’il y a un glissement qualitatif dans tout ce qu’on nous soumet et je crois que ça s’est imposé comme le fil rouge de ce spectacle. Ça m’entraîne à parler de la télé, de la consommation, du low cost et puis de l’humour communautaire qui m’attriste un peu. C’est très naïf sans doute ce que je dis, mais je suis persuadé que si on rit des mêmes choses, c’est qu’on n’est pas si différents…
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© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo DR
Interview parue dans Le Mensuel de l’été 2015 n°371 éditions #1 et #2
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