
CONCERT
Irma en interview pour sa tournée de concerts acoustiques et son prochain album
« Je suis incroyablement heureuse quand je suis en tête-à-tête avec le public ! » Irma
Toujours aussi pétillante, souriante et pleine de vie, Irma est actuellement sur les routes avec une tournée aussi acoustique qu’intimiste. Simplement armée d’une guitare, l’auteure-compositrice-interprète – qui avait littéralement fait craquer la France entière avec son titre I know il y a déjà 14 ans – retrouve en salles un public qui lui est fidèle depuis ses débuts, tout en partant à la rencontre de celui qu’elle a séduit avec ses deux autres albums ou avec son titre House of cards. Ce dernier, folk et urbain, annonce un nouvel opus que l’on découvrira dans son intégralité en fin d’année 2025…
Irma en interview pour sa tournée acoustique et son prochain album
interview / musique / album / concert
- 15 mars 2025 / 20:00 / Nice / Théâtre Lino Ventura / infos & billetterie ici !
Votre dernière date à Nice remonte à une dizaine d’années mais vous ne semblez pas – et c’est injuste – avoir changé !
Irma : (rires) Franchement, il y a une part de chance grâce à la génétique… Quand je regarde mes parents, c’est honteux ! (rires) C’est terrible à quel point ils ne font pas leur âge ! En revanche, dans ma famille, on a toujours fait attention à notre santé, en mangeant et en faisant de l’exercice… Et je m’aperçois au fur et à mesure des années qui passent, que ça se voit. Sur mes parents, c’est flagrant ! Ils font du sport tous les matins au point qu’ils me donnent des complexes ! (rires)
C’est vrai que c’est souvent dur de trouver la motivation de s’y mettre, mais les effets sont tellement ahurissants sur eux que je tente de prendre exemple pour rester en forme…
Être en forme pour la vie de tous les jours, mais aussi pour supporter le rythme des tournées…
Totalement ! On s’est souvent imaginé que les artistes faisaient la fête tous les soirs mais ça a surtout été une vitrine pour montrer un côté plus rock’n’roll. En réalité, vu la santé physique qu’il faut pour tenir sur scène, on s’aperçoit rapidement qu’il vaut mieux calmer le jeu ! (rires) Il y a le côté physique évidemment, mais aussi le côté psychologique, émotionnel ou encore vocal. Il y a énormément de choses à prendre en compte dans une vie de tournée parce que ce n’est pas une vie « normale ».
Comment on s’y prépare quand on a connu des débuts si fulgurants ? C’est aussi merveilleux que difficile à affronter ? On a moins de temps pour vivre, pour se poser, pour créer… On est loin des siens… Ça peut ressembler à un cadeau un peu empoisonné ?
C’est exactement tout ça à la fois… Effectivement, j’ai vécu une grâce exceptionnelle et je ne m’en suis pas rendu compte car c’est très vite devenu ma réalité. Dès mes débuts dans la musique, je n’ai pas connu de galères, je n’ai pas joué dans des restaurants ou dans la rue, ma première interview était avec Michel Drucker et ma première promo était au Grand Journal… Ça n’avait aucun sens ! (rires)
Sur le coup, je le vivais avec beaucoup de gratitude, mais je ne réalisais pas que ce n’était pas le quotidien de tous les artistes, ni à quel point j’étais gâtée.
C’est en ça que ça ressemble à un cadeau empoisonné (entre guillemets bien sûr), car il ne faut pas, quand on est jeune, prendre ça pour argent comptant.
Heureusement d’ailleurs que je ne me suis pas identifiée à ce succès car c’est tellement « trop » et trop vite que l’après est, quoi qu’on fasse, difficile. Quand on n’est plus en tournée, on redescend de quelque chose de si fort qu’il y a obligatoirement un vide. Il faut s’y préparer et ne surtout pas s’y accrocher. Il faut garder à l’esprit que ce sont des cycles et qu’aucun artiste, y compris parmi les plus grands, n’a passé toute sa vie en haut de l’affiche. C’est normal et en même temps, il faut être fort mentalement ou, en tout cas, s’armer solidement.
Les proches et l’éducation permettent de garder les pieds sur terre…
J’ai eu cette chance en effet ! Sans parler de religion, le fait d’avoir passé ma scolarité dans un lycée catholique m’a apporté des principes d’éducation, de « vivre ensemble » et de spiritualité. Ça m’a sûrement aidée à ne pas courir après du matériel, mais aussi à me raccrocher à une foi qui m’a rappelé qu’il existait des choses bien plus grandes que moi ! (rires) Ça peut paraître bête, mais ça contribue beaucoup à garder les pieds sur terre ou à ne pas péter un plomb quand ça marche très bien (et moins bien d’ailleurs)…
J’ai eu accès à des choses qui, pour la plupart, restent un rêve ! Je me suis retrouvée dans des studios à Los Angeles avec des réalisateurs qui bossaient avec Michael Jackson. C’était absurde et fou d’être au milieu de ça avec mon petit bonnet et ma guitare ! (rires)
Avec le recul, mon éducation un peu spirituelle a sûrement beaucoup joué dans le fait que je ne me perde pas là-dedans…
Et puis, il y a ce titre qui vous suivra toute votre vie : I know…
L’avantage d’I know, c’est que je l’ai écrit quand j’avais 12 ans donc lorsqu’il a marché, j’étais déjà passée à autre chose depuis longtemps dans ma composition et dans ma tête ! (rires) Ça m’a évité le syndrome de la page blanche, mais aussi le fait de tout faire pour essayer de le reproduire ! Par contre, même si le public y fait beaucoup référence, ça ne me dérange pas car je le chante toujours avec un plaisir intact. Et puis, je savoure ce que ça représente d’avoir une chanson que les gens connaissent autant, c’est ce dont tout artiste rêve…
En revanche, oui, c’est vrai qu’il y a une pression avec un morceau qui marche si bien et surtout un premier opus qui cartonne comme ça. J’ai été éduquée aux concours et aux prix, par conséquent, je me suis mis une pression incroyable toute seule au moment du 2ème album ! (rires) Au point que les résultats commerciaux m’ont frustrée alors qu’il a été disque d’or ! Aujourd’hui, je réalise que j’étais complètement folle ! À mes yeux, « moins bien » était un échec… Heureusement que je me suis assez vite libérée de ça grâce au travail. Je compose tout le temps, j’écris en permanence, j’ai toujours beaucoup de choses à dire, à apprendre et à montrer donc ça m’a « contrainte » à continuer de créer.
Ce qui est rassurant, c’est que ça ne vous a pas abîmée…
Je crois que j’ai trouvé une parade à ça : accepter les cycles et comprendre qu’on n’est pas inspiré tout le temps et que c’est normal, voire bénéfique, puisque les moments de « non inspiration » amènent aux périodes créatives.
Et il y a autre chose : c’est apprendre constamment en restant curieux des choses pour s’en nourrir. C’est ça qui, j’imagine, infuse et crée l’inspiration…
Il faut apprendre à ne pas laisser la pression des chiffres vous envahir…
J’ai beaucoup souffert de ça… Le nombre de vues, d’écoutes, de ventes, d’abonnés… C’est une réalité dans le marché de la musique, on s’intéresse plus à ta quantité de followers qu’à ce que tu fais !
Aujourd’hui, je passe un peu au travers sans l’avoir fait exprès, parce que je me suis prise de passion pour la vidéo et que montrer son travail est presque devenu plus important que le travail en soi, donc ça fonctionne sur internet. C’est chouette pour moi car ce n’était pas le but. Je me suis juste intéressée à la réalisation visuelle et ça m’a donné des outils pour exposer mon projet de façon très saine. Je ne compose pas pour les réseaux mais c’est vrai que cet aspect vidéo a totalement impacté la manière dont on vit et dont on fait la musique de nos jours.
Dans certains cas, c’est dramatique car il y a plein de musiciens qui, parce qu’ils n’ont pas le bon nombre d’abonnés, ne percent pas… Alors qu’être très suivi n’est malheureusement pas un signe de qualité ! (rires)
Ce qui est tout de même rassurant, c’est que je reste persuadée que tout le monde a son public et que si ça doit arriver aux oreilles de quelqu’un, ça y arrive. Par contre, je trouve dommage que des professionnels de l’industrie de la musique se basent avant tout sur ce type de données pour choisir ou non de soutenir un artiste… Que booster des vues vienne après, c’est normal car ça fait partie du jeu, mais ça ne devrait jamais être le 1er critère de sélection… À l’époque, des portes me sont restées fermées à cause de ça et aujourd’hui, les mêmes personnes reviennent vers moi alors que je fais toujours la même musique ! (rires) À un moment, il va peut-être falloir penser à se reconnecter à soi-même, à ses émotions et à son ressenti pour faire des choix…
House of cards – qui, pour le coup, a immédiatement cartonné – annonce un nouvel album…
Oui, il est en préparation, sortira en fin d’année et donnera lieu à une nouvelle tournée dans la foulée. Je suis en train de le travailler…
J’adore être en studio mais j’aime toutes les étapes de création, de promo et de concerts… En revanche, c’est vrai que l’enregistrement a quelque chose de très intime car le « bébé » est encore rien qu’à nous ! (rires)
Je suis quelqu’un de paradoxalement très solitaire, donc bien que j’aime être sur les routes pour rencontrer le public, j’ai besoin de m’isoler, de marcher dans la montagne et d’être seule avec moi-même. Les enregistrements – même s’il y a une équipe autour – sont donc des phases qui me correspondent bien.
Être en studio signifie faire des choix, retoucher en permanence, peaufiner…
(rires) Et ça peut être atroce ! Je m’arrache les cheveux à retoucher des trucs que personne n’entendra jamais, mais je ne peux pas m’en empêcher ! (rires) Alors, à un moment, il faut se faire violence en s’imposant des dates. Sans ça, si je m’écoutais, je ne finirais aucun album ! (rires) Et d’ailleurs, je n’aime pas les écouter parce que je ne capte que ce que j’aurais pu faire différemment… C’est terrible de devoir faire des choix car ça oblige à renoncer, en premier lieu à des morceaux, mais aussi à des effets ou des nuances… J’ai vraiment du mal à mettre un point final.
C’est sûrement grâce à ça que vous avez toujours de l’inspiration… Si un artiste est pleinement satisfait de ce qu’il produit, c’est qu’il est arrivé au bout de sa recherche…
Je suis complètement d’accord. Il y a dans cette éternelle « frustration » (à toute proportion gardée bien sûr), une flamme qui ne s’éteint pas… C’est une petite insatisfaction permanente qui permet de continuer à créer.
Continuer à créer et à donner rendez-vous au public, seule, « à l’ancienne », avec une guitare. Une totale mise à nu qui demande à se faire un peu violence ?
Il y a de ça ! Je suis incroyablement heureuse quand je suis en tête-à-tête avec le public mais à mes débuts, j’étais très anxieuse avant de monter sur scène… Aujourd’hui, c’est un format que j’adore parce que j’ai pris de l’âge et que j’ai acquis de l’expérience. Désormais, je me sens vraiment privilégiée de vivre ces moments où je peux m’adresser aux spectateurs comme je parle à des amis… C’est un spectacle très intime où j’invite les gens dans mon antre de création car j’ai reconstitué en concert l’espace où je compose et où j’écris. On échange réellement, on rigole ensemble et je leur raconte mon parcours.
Il y a le fait de prendre de l’âge mais surtout d’avoir tissé une relation avec le public. Vous êtes en confiance, vous ne rentrez plus dans « l’arène »…
En effet, quand on est jeune, on le vit comme un combat à gagner parce qu’on a la sensation d’être jugé, noté, évalué… En plus, j’ai longtemps eu le syndrome de l’imposteur à force d’avoir vécu autant de choses extraordinaires. J’ai eu l’impression de devoir faire mes preuves alors que les gens ne venaient que pour être avec moi et prendre du plaisir.
J’ai mis du temps à me délester de ça mais maintenant, ce n’est que du bonheur de monter sur scène avec cette légèreté. Et d’ailleurs ça se sent, car les gens me disent qu’ils me trouvent plus libre et sereine.
Dans les salles, il y a des fidèles et de nouveaux visages…
Ce sont deux saveurs différentes et gratifiantes… Mais c’est vrai que revoir des gens qui étaient là il y a dix ans, ça fait un pincement au cœur. Ça veut dire qu’on a grandi ensemble, qu’on est d’une certaine manière unis, et c’est magnifique de voir ça ! Découvrir de nouvelles personnes, c’est sublime aussi ! Je reviens d’une tournée d’un mois au Brésil où j’ai fait 13 concerts complets, j’ai rencontré des gens dont je n’aurais jamais imaginé croiser la route mais la fidélité et le soutien de personnes qui ne m’ont jamais lâché, c’est d’une beauté absolue..
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photo Seb Eezy & IP
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