INTERVIEW
Interview des Bonimenteurs Didier Landucci et Jean-Marc Michelangeli pour Le Mensuel en 2013
LES BONIMENTEURS
Interview de Didier Landucci (Ducci) et de Jean-Marc Michelangeli (Marco)
« Chaque soir, par la participation du public, ça change. On ne sait jamais à l’avance ce que l’on va jouer… »
Ces bonimenteurs là n’embellissent pas la vérité. Leur spectacle, s’il n’est pas le « Meilleur du Monde » (tout simplement parce que personne ne pourrait se permettre d’en juger), est en tous cas assez extraordinaire. Car ce ne sont pas Marco et Ducci qui écrivent l’histoire mais bel et bien le public, qui, chaque soir, au gré de son imagination, proposera des thèmes que les deux complices devront improviser, imaginer, développer et mettre en scène sans se concerter une seule seconde en aparté. Indispensable donc d’aimer et de connaître son partenaire d’improvisation sur le bout des ongles pour réussir, à chaque représentation, un tel défi…
Didier Landucci : C’est un terme un peu désuet. Ce sont des gens qui sont sur les foires et les marchés pour haranguer la foule et tenter de vendre un produit qu’ils vous font apparaître exceptionnel, vital et indispensable. Ils savent enjoliver la vérité. Au début, quand on a cherché le nom du spectacle, on ne voulait pas qu’il fasse trop estampillé improvisateur. On voulait que ce soit un spectacle de théâtre dans lequel il y avait de l’improvisation et lorsque Jean-Marc, féru de Lettres a proposé ce terme là, ça correspondait bien. Quand on arrive, Jean-Marc harangue la foule et leur dit qu’on va faire le plus beau spectacle du monde.
À quel moment avez-vous eu l’idée de créer ce duo comique ?
Ça se présentait comme une évidence par rapport à notre complicité. On avait déjà fait un duo juste avant, une histoire improbable sur deux rois qui représentaient l’un et l’autre le rire et le drame. On prenait le public en otage en lui demandant ce qu’il voulait voir. Il nous a donné l’idée de simplifier l’approche avec les gens et de leur proposer de l’improvisation. Lorsque l’on demande un thème d’impro aux gens, sans tambour ni trompette on crée une histoire immédiatement, sans réflexion, sans concertation. C’est le public quelque part qui crée le spectacle à travers les thèmes qu’il donne. C’est là qu’on a concocté Les Bonimenteurs.
Dans ce spectacle on a donc une base écrite et théâtrale, une sorte de fil conducteur, et à l’intérieur, des plages d’improvisation qui sont dictées par le public chaque soir ?
Voilà, c’est ça ! Le public écrit des petits thèmes d’improvisation qu’il glisse dans un seau à Champagne qui reste posé sur scène. Le public s’installe et seulement après on découvre avec lui le contenu des petits papiers. Dans notre mise en scène, Jean-Marc est le bonimenteur, le meneur et moi le valet, le suiveur. Je ne sais pas vraiment pourquoi je suis là mais Jean-Marc assure aux spectateurs que l’on va donner « Le meilleur spectacle du monde ». Alors moi, j’essaye de temporiser, de relativiser. Les premières fois où l’on a joué, on improvisait totalement le spectacle en public. Petit à petit on a gardé des choses qui marchaient bien dans nos répliques et on a construit la trame théâtrale à partir même de ces expériences d’improvisation. Et chaque soir, par la participation du public, ça change. On ne sait jamais à l’avance ce que l’on va jouer.
Mais quelle est l’histoire de ces deux personnages ?
Vous vous rappelez dans Lucky-Luke, ces mecs qui viennent vous vendre de l’Elixir d’Amour ? Il arrive avec une carriole, se met sur la place et vante sa marchandise. Et il y a toujours un type qui vient servir d’exemple et qui confirme. Ils vendent plein de produits, ils ramassent plein de pognon et ils se cassent en vitesse. Nous c’est un peu pareil. Sur scène je suis celui qui découvre un peu en même temps que le public.
Vous êtes un peu le lien entre lui et le public ?
Tout à fait, je suis la « caution » du public. Comme je ne suis pas sensé savoir faire de l’impro et que je ne suis pas non plus son compère, les gens vivent par procuration à travers moi, ils sont en empathie avec moi.
Ça doit être passionnant mais plus fatiguant aussi qu’un spectacle normal ?
Je le compare toujours à une épreuve sportive. Il nous faut de l’échauffement, il faut être concentré, être à l’écoute de tout ce qui peut se dire, faire attention à tout ce qui est proposé, et par le public et par notre partenaire. Il ne faut pas arriver avec une petite énergie, une fatigue ou des émotions nuisibles. Il faut être vierge de tout car on ne peut jamais se reposer sur un texte.
Ça demande à avoir l’esprit constamment en éveil, précis et alerte. Vous n’êtes quand même que des êtres humains, vous arrive t-il de bugger, de sécher complètement sur un thème ?
C’est rare car puis même avant ce spectacle là, on avait une prédisposition à la tchatche ! On est une sorte de tandem naturel qui s’est créé sur l’observation des gens, sur des remarques, des vannes, des conneries. On est comme ça déjà à la base. Bien sûr, on l’a peaufiné et et rodé. Alors des fois, il y a effectivement moins d’inspiration exceptionnelle, mais le public, lui ne s’en rend pas compte…
Il y a des thèmes récurrents ou les gens vont dans tous les sens ?
Jean-Marc Michelangeli : En fait, nous on les oriente un peu au début pour les inciter à ne pas écrire sur la télé et sur l’actualité. Ainsi, on a des thèmes qui sont beaucoup plus variés. Si on n’avait pas mis cette « condition », on aurait toujours les mêmes thèmes. Du coup, c’est vrai que ça incite les spectateurs à se casser un peu la tête (rires) surtout ceux qui nous connaissent, qui reviennent ou qui connaissent les règles du jeu. Ils arrivent à créer des sujets assez sympas mais évidemment, on a aussi les classiques comme les amours, les vacances… Mais quand les spectateurs font des efforts de création, ça donne une improvisation assez marrante ! (rires)
Vous avez un souvenir d’un tirage complètement loufoque ?
Oh oui… (rires) Sur le papier était inscrit : « Mon amant est dans la salle » C’était rigolo ! Enfin pour nous ! (rires) Tout le monde regardait un peu autour (rires) en tentant de voir l’écriture sur le papier.
Au moment du tirage, vous n’avez jamais peur de la page blanche ?
Non, je crois que cette crainte de la page blanche n’a jamais existée d’ailleurs. C’est plus la peur du manque d’inspiration je crois mais la page blanche n’existe pas, on arrive toujours à fabriquer une histoire. Après, qu’elle soit drôle, qu’on soit en phase et qu’on tombe juste, c’est un autre problème…
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson
Interview parue dans l’édition n°339 de Juillet/Août 2013
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