INTERVIEW
Interview de Rose la chanteuse pour Le Mensuel en 2013 album Et puis juin
Cachée derrirère un pseudonyme des plus romantiques, la belle Keren Meloul, contre toute attente, est d’une sincérité à toute épreuve. S’ouvrant à son public comme on se confierait à son amie d’enfance, celle que nous connaissons mieux sous le nom de Rose, dans son dernier album, évoque avec pudeur la maternité et ses doutes, avec émotion le rôle de maman et ses craintes, avec fragilité sa relation avec un bonheur que l’on attend autant qu’on le redoute…
Des mots si personnels qu’ils apaisent les maux les plus universels…
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Rose : Ça change beaucoup de choses ! Il y a énormément de visages connus dans la salle, il y a souvent la famille, les amis, des connaissances… C’est toujours un peu plus de pression et en même temps c’est l’occasion de montrer à tous ceux qui ne vous ont pas vue sur scène, un petit peu de ce que vous êtes devenue. Je vois des visages que je connaissais à l’école, à la fac, c’est assez rigolo !
Il y a plus d’enjeux ou au contraire ça rassure de se sentir un peu en famille ?
Il y a plus d’enjeux mais il y a surtout ce côté « je vais vous montrer ce que je suis devenue », au début surtout, à l’époque de mon premier album. Maintenant, c’est plutôt « voyez la façon dont j’ai grandi ». Mais c’est aussi l’occasion de revoir énormément de gens et de leur présenter mon petit garçon. Je sais qu’en passant à Nice, je pourrai le laisser là-bas le week-end pour aller faire ma date à Aix. C’est une facilité logistique pour les dates du sud et à ce niveau-là, c’est beaucoup plus facile pour moi.
Par contre les Niçois risquent de faire une petite crise de jalousie car dans votre dernier album, il y a quand même une chanson consacrée à Paris…
Oui et en plus je dis « Je troque ma petite ville contre une grande… », évidemment… là je ne suis pas pour la paix des ménages ! (rires) C’est vraiment écrit par rapport à mon histoire personnelle. Tout a commencé pour moi, dans ce métier et dans ma vie amoureuse, lorsque je suis montée à Paris. Mais mon enfance idyllique à Nice, je ne pourrai jamais l’oublier ! J’ai grandi dans le bonheur le plus total sous le soleil, c’était merveilleux ! Mais dans ma vie d’adulte, les choses importantes qui me sont arrivées sont arrivées à Paris et à chaque fois que je suis tombée, c’est comme si la ville me rappelait, me rattrapait, me faisait remonter à la surface. C’est un pouvoir qu’a cette ville sur moi même si tout ce qu’on peut en dire est vrai au sujet des parisiens stressés, grognons… Tout ça existe, c’est vrai, mais il y a quand même une émulation à Paris, il s’y passe des choses.
Cet album Et puis Juin, sorti en février dernier, est arrivé quatre ans à peu près après le précédent, vous aviez hâte de revenir nous présenter quelque chose ?
Quatre ans ? Ah oui quand même… Ça passe vite ! (rires) On n’a jamais l’impression de disparaître. C’est vrai que quand on entend les gens dire qu’ils ne vous voient plus ça devient inquiétant.
Mais le besoin d’écrire reste constant ? Même quand il n’y a pas un album en tête ? Vous écrivez tout le temps ?
Je vous avoue que non, plus maintenant malheureusement. C’est triste parce qu’avant j’écrivais tout le temps depuis toute petite, j’écris, j’écris mais ce métier à changé la donne et maintenant j’écris pour faire des chansons. Quand je trouve que mon texte n’est pas bien, je le déchire, je m’autocensure, j’efface. J’ai une déformation professionnelle, j’écris pour faire des chansons et je n’écris plus comme ça, pour moi, pour raconter ce qui m’arrive dans la vie. Ce n’est plus un journal intime. Alors que depuis toute petite j’écrivais sans arrêt que ce soit bien ou pas bien. Maintenant il est évident que la moindre chose qui me donne une idée est notée et je l’écris, si l’idée est bonne. Mais avant j’écrivais presque tous les jours. Aujourd’hui l’approche que j’ai avec l’écriture est vraiment différente. Je trouve ça un peu dommage. Par contre j’aime bien me plonger dans des phases précises. Je n’aime pas me disperser et là je suis en écriture, là je suis en studio, là je suis en tournée ou là je suis en rien ça m’arrive aussi. Après une tournée on prend quelques mois. En général pour mes albums ça toujours été pareil. Septembre, c’est la rentrée, j’écris, je rentre en studio en avril, l’album sort en septembre ou octobre, voila. C’est toujours pareil. Après je pars en tournée jusqu’à la fin de l’été. Sauf pour le premier album où la tournée a duré deux ans. Alors l’été en juin, juillet, août je fais les festivals et je réattaque en septembre. Là pour le coup, je suis en tournée et en Provence. A la fin de cette année je recommencerai à écrire.
C’est un besoin de se structurer finalement ?
En fait je crois que oui. Dans ma bio, écrite par Pauline Delpech, elle m’appelle « la fille de l’automne » et c’est vrai que c’est à ce moment là que j’ai l’impression d’avoir le plus d’énergie. Pour moi la « bonne année » comme on dit c’est plutôt en septembre qu’en janvier. En janvier tout est déjà joué. Là en septembre j’ai l’impression d’avoir le pouvoir de faire des choses, d’avoir le plus d’idées, le plus d’envies.
Alors que c’est une saison qui représente la mort de la nature…
Pour moi c’est le renouveau, on fait table rase, on repart à zéro.
Tout est de vous dans cet album. D’où vient ce besoin de se livrer ? C’est plus facile d’écrire ce qu’on n’arrive pas à dire dans la vie de tous les jours ?
C’est même au-delà de ça je pense. Il y a une sorte d’exhibition quelque part. J’ai vraiment besoin de parler de moi, de toucher les gens, d’être assez claire dans mes propos. Je n’aime pas trop les textes qui laissent envisager plein de choses. Moi, ce que j’aime, c’est raconter des histoires. En général, ce sont les miennes et j’aime bien l’idée que le public, les fans, ceux qui écoutent vraiment jusqu’au bout chaque texte et qui les décortiquent, en apprennent davantage sur moi. C’est ce que j’aime chez les artistes. Forcément, parfois c’est romancé, parfois c’est un moment précis pendant une grande douleur que l’on exprime en écrivant une chanson. Mais ça ne veut pas dire que c’est ce qu’on vit au quotidien car le lendemain de l’écriture, ce sera déjà du passé. Les gens se disent que c’est triste, certes, mais ce n’est qu’un moment de notre vie. On se sert de cette mélancolie, de ce moment difficile pour écrire. Ça ne veut pourtant pas dire qu’on est tout le temps comme ça au quotidien.
Et on n’a jamais peur de trop se livrer ? Vous avouez vous auto-censurer…
Je ne le fais pas à ce niveau-là. Je m’autocensure quand je ne trouve pas ça bien. Je ne garde pas les choses que je n’aurai pas envie de chanter plus tard mais je ne me freine pas sur le contenu. Par contre, je pense que je ne pourrai jamais faire plus que sur mon deuxième album. Je me suis tellement livrée à l’époque que ça m’a servi de thérapie. Habituellement, je ne trouve pas que l’écriture soit une thérapie chez moi, c’est juste un besoin, ça ne soigne pas mes maux en profondeur. Il y a quelques chansons sur le deuxième album qui sont sorties en écriture « automatique » et ce n’est qu’en les relisant après, que j’ai tout compris. Par exemple, j’ai écrit un texte qui parlait des liens des membres de ma famille et comment je me sens entre tous ces personnages, mon père, ma mère, mon frère, ma sœur, j’ai compris plein de choses en écrivant cette chanson. Pour le coup, là c’est vraiment moi à deux mille pour cent et même mes parents ont pris ça en pleine tête ! Je dévoile vraiment des secrets de famille…
Tout à l’heure vous disiez que sur le dernier, l’écriture était moins « journal intime », mais quand on l’écoute et que l’on découvre la chanson sur la maternité, tous ces sentiments qui se bousculent dans votre tête, en vous, on a toujours l’impression que ça reste très personnel…
En fait, j’écris comme dans un journal intime, c’est très sincère. Ce que je voulais dire c’est qu’avant j’écrivais tout le temps, quotidiennement comme dans un journal. Sur le fond c’est la même chose, c’est la forme, la façon de faire qui a changé. Quand j’ai écrit « C’est donc rien » qui raconte à quel point c’est déroutant de se rendre compte qu’il ne reste plus rien de la peine qu’on a pu avoir pour quelqu’un, je l’ai écrit comme si c’était pour moi. Ça m’a fait souffrir énormément de me dire que je ne souffrais plus de la fin de cette histoire. Du coup, après est venue la chanson « Ça va ». Soudain, on ne sais pas comment et on ne sait pas pourquoi, mais on n’a plus mal. C’est le temps, souvent, des rencontres. Je me suis rendue compte que plus que le temps, c’était un homme qui m’avait aidé à traverser tout ça mais ça peut être tellement d’autres choses… Parfois on se complait à continuer à souffrir, on est bien là dedans, mais ça passe quand même. Quand ça doit passer, ça passe.
En gros vous chantez la vie dans toute sa beauté, dans toute sa complexité, votre vie à vous et en même temps, un peu la nôtre aussi, parce que finalement, même si toutes ces histoires sont très intimes, très singulières, on est à peu près tous égaux. On aura tous des peines de cœur, tous quelque chose de grave dans notre existence, la perte de quelqu’un… Vous en parlez simplement…
C’est ce que j’ai compris sur le premier album. Ça ne pouvait pas être plus personnel, comme lorsque je parle de mon grand père italien et pourtant, je me suis rendue compte de l’universalité de mes propos. Et je me suis alors dit, moi qui n’avais jamais eu une grande confiance en moi, que ce n’était pas exceptionnel d’écrire comme ça, que ce n’était pas un don et que tout le monde pouvait faire ça. Aujourd’hui encore je me dis que tout le monde pourrait faire ce que je fais, simplement les gens ne savent pas qu’ils peuvent le faire. J’ai fini par ressentir que si j’avais un don, un seul, c’était de faire ressentir aux gens qu’on était pareil en employant des mots qui parlent à tout le monde. Aujourd’hui c’est un peu grâce à ça que je suis encore là, c’est ma façon d’écrire qui est comme ça et comme je suis une fille comme tout le monde, mes histoires ressemblent à celles de tout le monde.
Il y a surtout une forte sincérité dans l’écriture et c’est ça qui fait la différence…
Oui, et si ce n’est pas sincère, je jette. Si ça ne m’émeut pas, si je n’ai pas la chair de poule en lisant mon texte, je ne garde pas. Même dans la chanson la plus gaie « Et puis juin » qui est soi-disant légère et sautillante, j’ai revu ce moment où j’ai pris mon fils dans les bras, où j’ai pleuré de joie (ce qui ne m’était jamais arrivé), tout en me demandant ce que je pourrais faire de mieux après lui. C’est la plus belle chose que j’ai faite dans ma vie et maintenant, mon existence va être plate et triste. Quand je relis ce texte je me revois en mai avec les échographies, avec la trouille, avec l’espoir que ça allait peut-être toucher les gens… Je pense avoir réussi puisqu’elle me touche toujours autant en la relisant alors que je la connais par cœur. Si quelqu’un avait écrit ça, ça m’aurait touché.
Il y a toujours une fragilité, jusque dans la voix qui est douce, on sent qu’elle est fragile et en même temps, elle a un soupçon de déchirement et on a l’impression qu’elle colle vraiment au texte à cent pour cent…
En fait ma voix a énormément changé depuis 2004, 2005. Quand j’étais institutrice, ma voix a changé à force de parler toute la journée, d’élever le ton. Je me suis aperçue de sa fragilité, j’étais aphone un jour sur deux mais comme je ne chantais pas à l’époque, ce n’était pas un problème. Ensuite, lorsque j’ai commencé à chanter, ma voix est devenue toute légère, assez aigue. Je suis partie en tournée et là, de nouveau, je me suis rendue compte de sa fragilité et du fait que je ne pouvais pas compter sur elle car elle faisait ce qu’elle voulait. Au fur et à mesure, j’ai réalisé qu’elle était exactement comme moi et qu’elle ne supportait pas qu’on lui impose des choses. Ce soir, il y a un concert et elle n’a pas envie de chanter, par contre demain il n’y aura rien et elle sera parfaite ! (rires) Parfois le matin j’ai une voix de rossignol et le soir au concert elle ne veut pas. La moindre contrariété, la moindre tristesse dans ma vie influe sur ma voix immédiatement.
On m’envoie parfois des textes magnifiques mais je ne chanterai jamais les textes des autres parce que ce n’est pas ce que ma voix a envie de chanter. Elle est très capricieuse, exactement comme moi, à mon image, elle est à fleur de peau. En concert, il y a des moments où elle se sublime et d’autres où je n’arrive à rien en faire. C’est assez terrible ! Et en studio c’était pareil, il fallait trouver les jours où je pouvais chanter telle ou telle chanson. Il y a eu des chansons où justement il fallait qu’elle soit la plus sombre et fatiguée possible, alors on attendait les moments où elle n’était pas en forme pour chanter des morceaux comme « C’est donc rien ». En fait ma voix est le pire de mes aléas et les gens aiment ce quelque chose que je ne maîtrise pas.
Dans ce dernier album, vous avez trouvé l’amour et surtout vous êtes devenue maman. Ça change la vie, mais est-ce que ça change la façon d’écrire, de voir les choses, de voir la vie ?
Ça change la vie, c’est sûr ! (rires) Ma vie n’est plus du tout la même. Mais ça ne change pas une personne. J’ai cru que ça allait tout changer en moi, que j’allais être heureuse tout le temps et moins sujette aux aléas de mon humeur, là ça n’a pas du tout changé. La maternité a changé ma façon de voir les choses parce que je ne me laisse plus plonger. Ces moments de « bas » existent toujours mais alors qu’avant, je pouvais rester enfermée sans voir personne, aujourd’hui, je cherche à voir des gens, à bouger car je n’ai pas envie de foutre le cafard à mon fils de bon matin. J’ai une maman que je n’ai jamais vue au lit le matin, jamais vue malade, jamais vue triste ni de mauvaise humeur, toujours égale à elle-même tout le temps depuis que je suis née. Elle a 65 ans et fait toujours la même chose, j’essaye de reproduire ça. Maintenant je ferai en sorte toute ma vie d’aller bien pour lui…
« Et puis juin » lui est consacré et a donné le titre de l’album ce qui prouve à quel point un bébé peut changer les choses. C’est étrange de voir que la maternité est la chose la plus courante, la plus ancienne au monde mais qu’elle reste un aussi moment étrange et bouleversant dans la vie d’une femme…
Ce que je trouve dingue, c’est que c’est comme la mort, c’est la seule certitude que l’on ait. Ce sont les choses les plus courantes que l’on sait d’avance, que l’on connaît, et qui, pourtant, nous chavirent. On sait qu’on va perdre nos parents à un moment, qu’au moment où l’on devient maman, les parents deviennent grands-parents et qu’ils sont sur la liste d’attente si la nature fait bien les choses. On sait ces choses, on s’y attend mais on ne peut y rester impassible…
Concernant la maternité, les papas ont eux la chance de ne pas avoir la transformation en eux…
Oui… (rires) et non car ils prennent ça d’un coup, de plein fouet. Et puis ils se sentent coupables, on n’arrête pas de leur dire qu’ils ne comprennent rien. Ils s’en veulent de n’avoir aucun changement. Entre nos angoisses et nos humeurs, ils ne sont pas gâtés ! La maternité pour eux a bouleversé l’ordre des choses en les rendant responsables d’un coup, tandis que nous, on se sent évoluer pendant neuf mois. Avant je n’étais responsable en rien, c’était toujours la faute des autres, je n’en avais rien à faire d’aller mal. Je trouvais ça rigolo, ça me permettait d’écrire, d’avoir mon originalité, de sortir le soir, de rentrer tard, de me lever tard et à un moment donné, cet être débarque et on ne vit plus pour nous. On ne vit que pour lui qui grandit sous nos yeux et qui nous apporte un bonheur chaque jour plus grand.
On change de statut, on passe de la fille de, à la mère de, il y a toute une transformation et par rapport à la chanson « Je me manque » vous dites avoir un sentiment de perte de soi, Il y a-t-il un moment avant la naissance où il y a cette peur de ne plus être soi quand on devient la mère de quelqu’un ?
Cette chanson a commencé à être écrite avant de tomber enceinte. Je l’avais laissée de côté et je l’ai reprise justement quand mon fils avait trois ou quatre mois et elle a pris tout son sens. Mais à l’époque ça parlait plus de cette vie dans les bars, quand on sort à outrance tard le soir. On se demande si on sort pour chercher quelque chose, pour trouver des réponses. Mais on est bien d’accord qu’on se perd de plus en plus. Même en pensant « In vino veritas », au comptoir d’un bar, en vérité on ne se trouve pas.
Et en étant avec quelqu’un, ces sentiments ne s’estompent pas. On se demande si c’était ce qu’on voulait, si on n’est pas passé à côté de soi, si on ne devrait pas être ailleurs, dans un autre pays. Tout le monde se pose la question en allant prendre le métro à sept heures du matin, que ça ne sent pas bon et qu’il fait moche… Est-ce vraiment ça que je veux ? Est-ce que je ne serais pas plus heureux avec une baraque à frites au Costa-Rica ? Je n’en sais rien. Mais une fois devenue maman, ça a pris tout son sens alors que jusque là, j’avais l’impression d’être une victime, que tout m’était tombé dessus et que je n’avais pas choisi ma vie.
Dans « Les pieds dans le bonheur », vous traitez le bonheur de salopard, vous dites qu’il est traître. Les acteurs me disent qu’il est plus difficile d’interpréter une comédie qu’une tragédie, on pourrait aussi penser qu’il est plus difficile d’être heureux que malheureux dans la vie ?
Dans la vraie vie, j’ai eu de grands moments de dépression mais aujourd’hui ça va très bien et ça me fait du bien de me contenter de choses simples. Quand tout va mal, tout est horrible, le moindre truc, c’est la cata, le moindre obstacle devient une montagne ! Et dans la vraie vie, c’est vraiment chouette d’être heureux, même si je trouve qu’en tant qu’artiste ce n’est pas évident. Il m’arrive d’avoir envie d’être seule sans personne à ma charge, ni homme, ni enfant pour pouvoir plonger à ma guise dans la déprime et écrire un album magnifique, pour devenir l’artiste maudit. On a tous envie de ça, c’est un fantasme. Et en même temps, on est pris entre deux feux, entre la vraie vie avec les gens qu’on aime, se lever tôt, regarder la nature, le soleil, partir en vacances, respirer les embruns. Des choses belles et joyeuses mais en même temps, on a envie de s’enfoncer dans le noir le plus total, tout seul pour se mettre à écrire avec ses tripes.
Quand tout va mal, on sait qu’on n’a plus rien à craindre, ça ne peut qu’aller mieux alors que quand tout va bien, on a toujours la crainte qu’on nous reprenne tout… Finalement le bonheur fait un peu peur ?
Oui ça fait peur. L’ennui aussi fait un peu peur. Artistiquement, il y a toujours la peur que ça s’arrête. Il m’arrive de me dire que ce n’est pas possible qu’une merde ne me tombe pas dessus avec tout ce que je suis en train de vivre ! Quand je regardais mon fils, je souriais tout le temps, bêtement, en me disant que c’était impossible, que je n’avais jamais vécu ça, que ça allait s’arrêter, qu’il allait se passer quelque chose. Ces sentiments s’estompent quand même un peu quand on est fatiguée et qu’on se lève quinze fois par nuit ! (rires) On sourit beaucoup moins et on pleure moins de joie. C’est la fatigue ! Mais la fatigue aide à écrire aussi, on est parfois plus drôle, on sort des choses inattendues avec la fatigue. J’ai beaucoup écrit la nuit pendant que je le berçais, il s’endormait mais moi pas…
La chanson « On dit » exprime à quel point il est important de le préparer au monde extérieur en lui montrant de belles choses mais sans trop lui voiler la face. Lui montrer que le monde n’est pas un conte de fée, c’est ça le plus difficile pour une mère ?
Oui je pense que ça va être le plus dur. J’aurai toujours la peur qu’il lui arrive quelque chose, que les gens ne soient pas gentils, que quelqu’un l’embête. J’ai la trouille avec les autres enfants. Je trouve que les enfants sont cruels parce que je l’ai été, parce que j’ai vu des enfants pris dans les flammes de la cruauté juste parce qu’il faut un bouc émissaire. J’ai peur aussi que lui soit comme ça, qu’il se laisse prendre par la cruauté. Malgré tout, je veux qu’on n’embellisse pas les choses. Quand je m’en vais, je lui explique, je ne lui mens pas. Je lui dis toujours la vérité et je crois qu’il l’a compris parce qu’il nous fait vachement confiance. On essaye aussi de ne pas lui parler comme à un bébé mais comme à un « grand ». Je n’ai pas envie qu’il soit dans un monde de bisounours puisqu’avec son papa on n’est pas du tout comme ça, on est plutôt un peu cyniques… (rires) Je pense qu’il va avoir beaucoup d’humour. On a beaucoup de second degré, beaucoup de recul par rapport à la vie. Je n’ai pas envie qu’il croit que le monde est un petit nuage avec un arc en ciel dessus. Bien qu’il y ait des gens qui semblent y croire et qui en sont heureux.
Il est content de venir à Nice lui aussi ?
Et bien lui, il ne comprend pas tout encore mais on était là cet été et il adore mes parents, Papy, Mamy à Nice, c’est son bonheur. Surtout, il va venir au concert pour la première fois. Il n’est jamais venu à un concert parce qu’il était trop petit et que je n’avais personne dans la salle pour s’en occuper vraiment, mais là, il va venir avec mes parents et ça devrait être chouette !
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson
Interview parue dans l’édition n°341 d’Octobre 2013
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