Patrick Bosso
en interview
« On n’habite pas Marseille,
c’est Marseille qui vous habite ! »
Il aurait bien eu du mal à cacher ses origines, lui, l’humoriste à l’accent chantant, s’il n’avait pas été aussi fier et heureux de naître marseillais !
La cité phocéenne, Patrick Bosso l’a dans la peau au point de lui avoir consacré son tout dernier spectacle intitulé « K Marseille » dans lequel à travers elle, il parle de lui mais aussi de nous et de nos racines. Un spectacle aux accents régionalistes certes, mais à la portée universelle.
Morgane L. : Pourquoi ce dernier spectacle s’appelle « K Marseille » et pas « K Nice » ?
Patrick Bosso : (rires) Ben parce que je ne suis pas niçois ! J’aurais bien aimé faire « K-Nice » mais il aurait fallu que je connaisse la ville de Nice comme je connais celle de Marseille… Mais je présume que ce qu’il se passe à Marseille se passe aussi à Nice et vice-versa. Les grandes villes qui ont toutes à peu près les mêmes problèmes, des travaux, des quartiers plus sensibles que d’autres, des gens qui ont de l’argent, d’autres qui en ont moins et d’autres pas du tout… Je présume que nous sommes tous similaires face à ces préoccupations !
Au départ, ce spectacle n’était fait que pour Marseille…
C’est vrai ! Ça fait une vingtaine d’années que je suis sur les routes et j’avais envie de faire une pause. La tournée, c’est génial, vous vous régalez mais ce sont surtout les déplacements qui sont fatigants. Et là je me suis dit que j’allais comme Dany Boon l’a fait dans le Nord, jouer un spectacle uniquement pour les habitants Marseille sur une période déterminée. C’est ce que j’ai fait. Et puis on a rempilé quinze jours, on a prolongé car c’était plein… Les gens se marraient et les gens m’ont dit que c’était beaucoup trop drôle pour que je ne le fasse pas tout le temps. Finalement, c’était le spectacle le plus universel que j’ai fait, c’est drôle avec un titre pareil ! Comme le disait Victor Hugo « Si tu veux parler du monde, parle de ton village » ! Il m’arrive parfois de citer Victor Hugo mais aussi Herbert Léonard, j’ai diverses sources, rassure-vous ! (rires)
Au départ vous vouliez vous offrir le luxe de jouer à domicile, près de vos proches ?
Oui et de rentrer le soir à la maison et de faire une pause entre deux spectacles. Mais finalement ça n’aura pas été le cas ! Des fois on sort alors qu’on n’a pas envie de sortir et c’est là qu’on rencontre le « grand amour », la vie est faite d’heureux hasards et c’est ce qu’il se passe avec ce spectacle là ! C’est comme ça que je vais me retrouver à Paris au mois d’octobre et c’est vrai que je n’ai pas envie de m’arrêter vu ce qu’il se passe.
Du coup c’est véritablement le succès qui impose la tournée…
Exactement, c’est vrai je vous jure ! (rires) Et finalement, c’est un spectacle qui s’adresse à tout le monde peu importe la région. Quand je dis dans le spectacle qu’aujourd’hui on peut aller sur la Lune mais qu’on ne peut plus entrer dans une cité, ce n’est pas propre à Marseille, ça concerne toutes les villes. Mais une chose est sure, c’est que Marseille fascine, intrigue. On ne peut plus ouvrir un journal, regarder la télévision ou écouter la radio sans que soit évoquée Marseille. Elle a un côté mystérieux… Si j’étais né à Tours et que j’avais fait « K-Tours » mon spectacle durerait deux minutes, sans méchanceté aucune ! Marseille a plein d’histoires !
Marseille est donc le fil conducteur ?
Oui et à travers elle on peut parler de plein de choses ! C’est la plus vieille ville de France, elle a 2 600 ans d’Histoire ! On était là 600 ans avant que Jésus-Christ débarque ! Ce sont les Grecs qui ont découvert Marseille… On ne peut d’ailleurs pas faire un trou dans Marseille sans y découvrir une assiette ou une amphore ! On a l’impression que les gars étaient en train de manger et qu’ils sont partis en courant en se disant qu’il y aurait bien des cons pour débarrasser plus tard ! (rires) Et puis on arrive à toutes ces dernières années avec les vagues d’immigration successives. Dans ce spectacle, j’aborde le Marseille d’hier à aujourd’hui !
C’est rythmé de quelle manière, un peu façon stand-up ?
Oui exactement ! Je parle aux gens, je discute avec eux sauf que c’est une discussion où il n’y a que moi qui parle !
Ne l’auriez-vous pas travaillé tout seul ce spectacle ?
Si ! Tout seul, comme un grand ! J’ai tout écrit tout seul, c’est incroyable ! Ça m’étonne même ! J’avais envie d’assumer le tout, de pouvoir dire « C’est bien ou c’est pourri, mais c’est moi »… C’est pour ça que ce spectacle me tient particulièrement à cœur.
Ecrire tout seul ça vous a incité aussi à faire la mise en scène vous-même ? Ce n’est pas difficile d’avoir le recul suffisant pour juger les temps morts, les pauses, le rythme, les déplacements ?
Si c’est très difficile. C’est la difficulté de ce boulot là. Surtout que pour la première, je suis allé directement devant les gens. Je n’ai pas répété, pas fait de générale, j’y suis allé tranquille. Les gens l’ont senti et ça a créé une ambiance, une atmosphère particulière et franchement je me régale ! Je ne me suis jamais senti aussi libre de pouvoir parler de ce dont j’ai envie, de l’actualité sur laquelle je peux rebondir et c’est génial !
Quelle vision de Marseille retrouve-t-on dans « K Marseille » ?
Marseille a une longue histoire. Tout le monde la connaît et nous, marseillais, on la vit ou on la subit. On y ressent le poids de l’Histoire. Cette ville a toujours plus ou moins fait rêver, on arrive même à la détester tellement on l’aime ! Mais comme on l’aime, on se concentre toujours sur ses bons côtés. J’aime énormément une phrase que disent les marseillais « On n’habite pas Marseille, c’est Marseille qui vous habite »…
C’est vrai qu’on sent un attachement profond des marseillais pour Marseille comme on le sent chez les corses…
Oui mais finalement on peut le voir dans toutes les régions de France. Par contre, c’est vrai que les gens sont fiers de leur région, fiers d’être corses, bretons ou basques mais fiers d’une ville, c’est beaucoup plus rare. Nous, on est fiers d’être marseillais. Céline disait de New-York que c’était une ville debout, moi je dis que Marseille est une ville allongée. C’est une ville comme ça, au soleil, qui lézarde mais ça ne veut pas dire que les gens ne travaillent pas, qu’ils ne se bougent pas. Vous savez Marseille est une ville comme les autres, il y a des gens qui se lèvent le matin, qui prennent le métro pour aller travailler. Il n’y a pas que des gens qui jouent aux boules, qui sont supporters de l’OM et qui font du cerf-volant sur la plage du Prado ! (rires)
C’est un peu ça aussi ce spectacle ?
Exactement ! J’essaye de combattre un peu les idées reçues ! Il y a plus par exemple plus d’abonnés dans les théâtres marseillais qu’au Stade Vélodrome, et pourtant, tout le monde ne parle que de l’OM. Comme ceux qui vont au théâtre ne scandent pas « Molière, Molière, Molière, je t’encule… », on les entend moins que les supporters mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’existent pas.
Il y a quand même quelque chose que j’aimerais bien savoir, d’où vient cette histoire de sardine dans le port de Marseille ? Pourquoi dit-on toujours qu’un marseillais exagère tout ?
Vous parlez de mon spectacle comme si vous l’aviez déjà vu ! C’est quelque chose que j’ai cherché pour mon spectacle ! Je me suis demandé qui était le premier à avoir exagéré ? D’où venait-il ? Et j’ai trouvé ! Mais il faut venir voir le spectacle pour le savoir… Là je vous raconterai qui c’est ! (rires)
Auriez-vous pu vivre ailleurs ?
Si j’étais né ailleurs, oui. C’est ce que je raconte dans mon spectacle. Dans ma dernière tournée, j’ai fait 150 villes et on a remarqué avec mon équipe que si les gens grandissent et vivent là où ils sont nés, peu importe où ça se trouve, ce lieu représente pour eux le centre du monde !
C’est étrange, on semble de plus en plus attaché à nos régions alors qu’on a tous les moyens pour aller ailleurs…
Exactement ! C’est le régionalisme. On n’a jamais été autant régionalistes que depuis qu’on est européens. On est perdus… C’est comme dans une pièce trop grande où l’on se met dans un petit coin, pour, inconsciemment, se rassurer…
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview parue dans l’édition n°337 de Mai 2013
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