
CONCERT
Alain Chamfort en interview pour la tournée et l’album « L’impermanence »
« L’impermanence, c’est être conscient qu’on ne sera pas là pour l’éternité » Alain Chamfort
Plus de 50 ans de carrière, 16 albums et une élégance inégalée : Alain Chamfort est de retour en tournée avec quelques morceaux choisis de son répertoire accompagnés de L’impermanence, un disque crépusculaire et lumineux, qui évoque sans détour le temps qui passe, la vieillesse et l’inévitable fin qui nous attend tous au bout du chemin… Sans mélancolie exacerbée mais avec une profonde sagesse. Celui qui a marqué la chanson française avec (entre autres) Manureva, Bambou ou Joy a signé cet opus qui sera son tout dernier. Car bien qu’il ne publiera plus de disque classique, l’artiste ne raccroche heureusement pas les gants pour autant : il continuera à créer autrement, avec la justesse, la douceur et la sobriété qu’on lui connaît.
Alain Chamfort en interview pour la tournée et l’album L’impermanence
interview / musique / album / concert
- ★ 10 avril 2025 / 19:30 / Le Mas d’Hiver / Puget-sur-Argens / Le Mas des Escaravatiers / infos & billetterie ici !
- 11 avril 2025 / 20:30 / Nîmes / Paloma / infos & billetterie ici !
- 29 juin 2025 / 19:30 / Le Broc Festival / Le Broc / Théâtre de Verdure / infos & billetterie ici !
On va vous revoir le 10 avril au Mas des Escaravatiers, le 11 à Nîmes et le 29 juin au Broc avec un plaisir toujours intact ?
Alain Chamfort : Oui je ne me suis jamais lassé de la scène, peut-être parce que je n’en ai pas abusé non plus ! (rires) Je ne suis jamais parti en tournée marathon donc je crois que ça m’a permis de garder un petit peu d’envie… Et puis, chaque projet est différent, on se renouvelle en permanence, on change d’équipe, d’orchestrations, de répertoire… Ça maintient l’intérêt ! (rires)
On essaie toujours de trouver un équilibre entre les chansons qu’on est « obligé » de chanter (parce que les gens les attendent) et les morceaux restés plus confidentiels, tout en insérant les nouveautés du dernier opus.
Avec une quinzaine d’albums, le plus difficile doit être de renoncer à certaines chansons ?
Exactement ! C’est pour ça que, pour ne pas être responsable de ce choix, je l’ai confié à quelqu’un d’autre ! (rires) J’ai mon goût, mon instinct, ma logique et mes habitudes, donc pour sortir de cette zone de confort, il fallait que je me mette à distance.
J’ai délégué la sélection des musiciens, de la direction musicale, et de la setlist à Adrien Soleiman. C’est un excellent musicien qui produit également beaucoup d’albums, comme ceux de Philippe Katerine et Juliette Armanet. Il a une formation complète et, surtout, il s’intéresse à tout, il est resté très curieux.
Il a écouté l’intégralité de mon travail, fait ses choix librement et même proposé un montage astucieux de titres qui invite à un petit voyage dans mon répertoire…
L’impermanence est votre 16ème album, vous vous imaginiez, à vos débuts, en être là ?
Oh non ! (rires) Il faudrait être inconscient ou prétentieux pour croire qu’on va durer dans ce métier ! Quand j’ai débuté, je ne savais pas du tout où ça allait aller. Tout s’est construit au coup par coup, avec des circonstances plus ou moins agréables, et en traversant des époques différentes…
J’ai commencé chez Claude François avec un répertoire qui lui était évidemment destiné. Je l’ai chanté et ça m’a permis d’avoir un peu de succès et de me trouver une place dans cette activité de chanteur. Puis j’ai été récupéré par CBS – qui est devenue Sony – et j’ai avancé avec eux pendant près de 25 ans.
Les responsables ont régulièrement changé mais, vu que j’avais négocié de ne pas dépendre d’un directeur artistique, ils m’ont laissé la possibilité de continuer à faire un chemin personnel. J’ai pu avoir une entière liberté de choix avec des moyens suffisants et, par chance, bien que le public puisse être versatile, je me suis constitué une « fanbase »… On ne sait jamais vraiment pourquoi, tout à coup, des gens se mettent à vous aimer et à vous soutenir mais c’est le plus beau des cadeaux !
J’ai avancé naturellement comme ça, sans objectif particulier, en dehors de celui d’avoir le bonheur d’écrire le prochain album. Et je n’ai suivi que mes envies et mes goûts… Et à un moment, je suis arrivé à la 16ème réalisation sans véritablement m’en apercevoir, et ce, malgré la crise du disque ! (rires)
Ces 50 ans ont filé à toute vitesse et ont demandé une adaptation constante…
Ah oui ! Je suis passé par des phases d’indépendance, j’ai vu naître le CD puis le mp3 avant d’arriver au streaming… Et maintenant, il y a les réseaux sociaux… Tout a bougé, les enjeux et les manières de faire ne sont plus les mêmes, ça demande une certaine énergie de s’adapter, mais on la trouve quand on prend toujours plaisir à faire de la musique…
L’impermanence sera votre tout dernier album mais pas une fin en soi ?
Oui, dans ce format « album » d’une dizaine de chansons, ce sera le dernier. Tant que j’aurai besoin de faire de la musique et qu’on aura des idées de thématiques qui nous interpelleront, on continuera. Mais la forme du disque ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Je trouve que les EP, avec leurs 4 ou 5 titres, sont plus actuels et plus intéressants à travailler. J’aimerais, en fonction des envies, me rapprocher d’autres artistes, laisser libre cours à mon inspiration plus régulièrement… Et pas tous les 5 ans ! (rires)
L’EP permet plus de liberté…
C’est moins lourd à porter qu’un album qu’on a préparé pendant 2 ans et qu’on doit, tout à coup, présenter aux médias et au public pour savoir s’ils aiment ou s’ils détestent. Ça crée une attente qui s’avère très angoissante… De nos jours, on peut procéder différemment et proposer des créations avec plus de simplicité et moins de pression.
L’impermanence, c’est un peu ça finalement, c’est s’adapter aux modes et au temps qui passe… Il y a une grande sagesse dans ce titre…
L’impermanence, c’est être conscient qu’on ne sera pas là pour l’éternité, mais aussi que tout ce qui nous entoure est également en mutation permanente. Les saisons défilent, la matière bouge, l’univers est constamment en mouvement… C’est tiré d’une observation dans le bouddhisme, qui a trouvé cette manière assez juste de voir le monde tel qu’il est.
Nos pensées, nos sentiments, nos émotions s’enchaînent et l’ensemble de notre vie n’est qu’une succession de situations plus ou moins heureuses auxquelles il faut s’adapter et sur lesquelles on n’a finalement que très peu de maîtrise… Mieux vaut essayer de comprendre les choses de cette manière que d’imaginer pouvoir retenir tout ce qui nous entoure par peur ou par désir de possession.
Ça va à l’encontre de ce que la société nous inculque aujourd’hui… Il faut retenir la jeunesse et la beauté, ne surtout pas vieillir tout en restant en vie…
(rires) Et c’est pour ça qu’on est tous malheureux ! On nous apprend à essayer de figer des instants et des états, comme pour refuser la mutation alors qu’elle est inéluctable… Vieillir n’est pas forcément facile et agréable, mais ça reste une chance !
C’est pour ça qu’il faut s’y préparer, accompagner cette phase et ne surtout pas tenter de s’y opposer, puisque c’est un combat perdu d’avance !
Cet album parle avec réalisme de choses parfois dures, mais rappelle aussi avec un certain optimisme que quoi qu’il advienne, avec ou sans nous, ça ira toujours mieux à un moment donné, comme dans Éclaircies sur le jardin…
Oui, après la pluie… (rires) Je voulais que ce dernier album soit tourné vers ces thématiques-là. Je trouvais intéressant que d’une manière assez jolie, ça parle de la fin avec autant d’objectivité que de poésie, sans aigreur… On a essayé de transmettre une petite leçon de vie, un axe de réflexion, peut-être un soulagement, une consolation, une aide ou un accompagnement, mais le plus humblement possible, bien sûr.
Les sonorités sont très actuelles, comme dans Le soufre de nos peaux…
J’ai travaillé un peu comme un metteur en scène en m’entourant de gens qui ont su m’entraîner et m’emmener là où je le souhaitais. C’est un travail qui se fait tout au long du processus. Quand on démarre, on a rarement une vision totalement définie et arrêtée du résultat, c’est pour ça qu’il faut choisir les bonnes personnes. Pour les textes, j’ai collaboré avec Pierre-Dominique Burgaud, qui avait déjà travaillé avec moi sur l’album Une vie Saint Laurent. J’ai aimé sa vision un peu frontale, voire impudique de s’exprimer. Avec lui, on est moins dans le jeu et plus dans la chair…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photo DR
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