INTERVIEW
IAM – IMHOTEP Interview
IAM – IMHOTEP
I
IAM – IMHOTEP Interview
Pascal PEREZ : Non et c’est un des concerts les plus chaleureux de toute la tournée des festivals qu’on fait en ce moment, c’est vraiment impressionnant. Le Théâtre de Verdure est une salle relativement petite, intime mais mis à part le nombre, l’énergie et l’accueil du public a été mémorable ! Ça nous a marqué !
Cette tournée annonce la sortie d’un nouvel album ?
Pas tout de suite parce qu’il y aura les solos avant. On va s’y mettre cet hiver, on va le travailler au printemps et vraisemblablement, ce sera une sortie en septembre 2011. Là on repartira dans une vraie tournée d’album basée essentiellement sur le prochain album qu’on fera.
Pour l’instant, celle-ci est une tournée intermédiaire entre des anciens morceaux, on va dire les classiques, qu’on est obligé de jouer parce que le public nous les demande et qu’on joue toujours avec plaisir !
Comme les autres membres, vous êtes quelqu’un de discret, pouvez-vous vous présenter ?
Ça peut être long ça par contre ! (rires)
J’ai commencé sur les instruments acoustiques dans les années ’70 et j’ai joué un peu de rock, après j’ai basculé dans le reggae pendant une bonne dizaine d’années et d’ailleurs j’en écoute toujours beaucoup, c’est un peu ma musique de prédilection à part le hip hop ! Je me suis mis à la musique électronique vers 1985 quand j’ai acheté mon 1er sampler et à partir de là tout s’est accéléré. J’ai rencontré tous les petits gars du groupe.
La rencontre ?
En fait, je les connaissais en tant que spectateur, j’allais les voir dans les petits concerts qu’ils faisaient à la Maison Hantée, un petit café-concert à Marseille. Je connaissais un des gars du Massilia Sound System qui me les a présentés.
Qu’est-ce qui vous a plu chez eux ?
La découverte du rap et du hip hop a vraiment été un choc pour moi ! Je suis devenu en l’espace de 2 ans un fanatique du rap américain et c’est juste à la même époque que j’ai commencé à entendre parler des « futurs IAM » dans Marseille. Et puis à l’époque on ne pouvait pas se rater car on était plus ou moins les seuls à écouter et vouloir développer ce style de musique… On nous prenait un peu pour des fous ! C’était un mouvement tellement petit au départ que même dans une ville comme Marseille, on s’est retrouvé très vite !
Vous êtes « l’architecte du son d’IAM »…
Ça m’arrive de composer des morceaux tout seul mais aussi de « structurer » des morceaux collectifs, de retravailler telle ou telle partie, les détails, les finitions. Mais on m’appelle aussi l’architecte parce que dans une époque lointaine, j’avais commencé des études d’architecture… Que je n’ai jamais terminées !
Finalement j’ai été instituteur et pendant les 1ères années d’IAM je l’étais encore. Ça n’a pas duré longtemps parce qu’on faisait notre musique la nuit et le jour il fallait que j’aille bosser. Ça a été une période assez dure, heureusement que j’étais jeune !
C’est l’amitié qui vous a aidé à bien vivre le succès de « L’école du micro d’argent » ?
Quand le succès est arrivé, on avait déjà une certaine expérience du travail de groupe, il y avait déjà la cohésion, la complicité qu’on a toujours aujourd’hui. On était déjà un peu vacciné contre le syndrome de la grosse tête parce qu’on a connu les pires galères ensemble au début, donc a toujours gardé notre humour, on se vanne beaucoup, je pense que ça aide pas mal à décompresser…
En tournée, ça fait parfois un peu colonie de vacances ! Je pense que l’humour et la rigolade permettent de dédramatiser, de décoincer les conflits, les problèmes d’ego…
Pourquoi après une telle explosion, les carrières solos ?
Je pense qu’après « L’école du micro d’argent », on a peut-être un peu trop pressé le citron à IAM… L’album a nécessité une longue préparation, on est resté en tournée longtemps, la promo a été très longue et je pense qu’on arrivait à un moment où on avait envie de se changer les idées, de passer un peu à autre chose et c’est à ce moment là que sont arrivés les albums solos.
C’est un équilibre entre le collectif et le personnel parce que si on est trop dans le collectif, il y a des frustrations artistiques qui apparaissent. C’est un peu ce qu’on vit en ce moment, on revit le collectif pour la scène mais pour la partie studio, on a chacun nos libertés, nos projets même si on peut se croiser dessus, s’inviter. On revient plus serein, plus détendu dans le groupe.
L’album « Saison 5 » ?
La méthode de création a été différente par rapport à « L’école du micro d’argent », on l’a fait plus dans l’urgence. On a décidé de s’extraire un peu de notre quotidien, on avait fait une bonne partie de la maquette à Marseille et on s’est retrouvé pour l’enregistrement au Maroc, ce qui n’a pas été mal non plus car c’est quasiment du 24/24 non stop, on peut travailler une musique pendant qu’ils écrivent un couplet ou qu’ils enregistrent un instrument…
Ce n’est pas à faire pendant 6 mois mais pendant un mois comme on l’a fait, c’était très productif ! Ça crée une urgence, un processus de laboratoire et de recherche, c’est assez efficace et ça conserve plus d’authenticité.
C’est l’album de la maturité ?
Je manque peut-être un peu de recul par rapport à ça… Quand on travaille, on n’a aucun plan, on ne sait pas comment va être l’album à l’avance, on trouve toujours après le concept et le titre. On se laisse guider par notre envie, notre plaisir…
L’album de la maturité, sûrement, parce que là pour le coup, on est tous quadra voire quinqua en ce qui me concerne depuis cette année, donc forcément ça se ressent peut-être dans nos musiques et nos textes aussi.
On n’écrit pas la même chose à 45 ans qu’à 20 ans mais c’est plus le public qui nous le dit, les journalistes, les gens qui perçoivent notre musique en gros ! Nous on a trop la tête dans le guidon pour juger !
Artistes engagés ?
Oui je pense qu’on est des artistes engagés au vrai sens du mot politique, je pense qu’on se méfie tous des politiciens parce qu’ils s’éloignent peut-être un peu trop du vrai sens de la politique, qui est quand même au départ de vivre ensemble et de faire que le contrat social fonctionne bien, que la paix et l’harmonie règnent un peu entre les citoyens…
Je pense qu’on est un peu aux antipodes, qu’on se méfie des politiciens mais qu’on a un point de vue d’être humain, de citoyen sur ce qu’on voit, ce qui nous entoure. Engagés oui, mais on n’ira peut-être pas faire des manifs, quoi que… Mais on peut aussi s’engager dans des associations, dans des mouvements citoyens… C’est une démarche personnelle.
Dans certains de nos textes, on retrouve cet engagement notamment dans un des titres qu’on joue en ce moment sur scène, Manifeste, ou des titres comme Offishall sur les prises de position, mais après on n’est pas des hommes politiques et puis je pense que ça ne nous intéresserait pas, on aime trop la musique et le rap pour ça !
Sur scène on est loin de l’image négative du rap, ça ne vous agace pas qu’on réduise cette musique à des clichés alors que vous prônez l’amour du rap et de l’humain ?
Eh bien ta question est tellement parfaite que je ne peux répondre que oui, tu as résumé notre pensée à tous…
Ca nous agace, ça nous énerve quand certains disent que les rappeurs ne racontent que des conneries et que les arabes sont tous des dealers, bien sûr ça nous énerve cette espèce de racisme rampant qu’on retrouve même aux plus hauts rangs de l’Etat, c’est insupportable. Et puis, après tout, on continue parce que c’est vrai que la période n’est pas super favorable mais on s’est toujours exprimé librement, on va continuer à le faire, à défendre et à montrer une autre image du rap et du hip hop.
Après, si on se pose des questions sur les médias en eux-mêmes, c’est vrai que c’est plus facile de cataloguer les rappeurs dans la catégorie des méchants étrangers qui vivent dans des ghettos, dans des cités, qui montrent des armes dans les clips ou des femmes à poil et des grosses voitures…
Il faut se méfier de ne pas être récupéré par ces gens-là et de dénaturer l’esprit de cette culture qui a ses origines, ses sources et qui s’est positionnée dès le départ comme quelque chose de festif, de conscient socialement et politiquement. Il faut essayer de rester fidèle à l’esprit et défendre ces valeurs.
Enfin, on n’est pas aidé par certains journalistes ! Et par certains rappeurs non plus ! Je ne citerai pas de noms mais c’est vrai que les gars qui vont à la télé pour tirer la gueule en permanence, qui jouent les voyous… Je les appelle les rebelles de canapé de plateaux télé…
Le problème finalement c’est qu’on ne voit pas assez les autres… Ca a moins de piquant d’inviter quelqu’un qui a quelque chose dans la tête et qui ne fera pas de scandale et donc moins d’audimat…
Exactement et d’ailleurs on s’en est aperçu encore une fois il n’y a pas longtemps parce qu’Akhenaton a sorti un livre et il s’est rendu compte que pendant la promo qu’il a faite pour la sortie de son ouvrage, en tant qu’auteur de ce bouquin, il a été invité à des émissions de télé ou de radio où il n’aurait jamais pu allé en tant que rappeur…
Au départ, c’est quand même la même personne ! Je ne sais pas qui ça arrange vraiment de cataloguer le rap comme une musique de violence, de jeunes de banlieue… C’est un cliché un peu facile… Je pense que personne n’en sort gagnant.
Rien que pour le concert, ça s’est ressenti au niveau du service de sécurité déployé…
D’autres bousillent des chambres d’hôtel, vident des minibars (je ne citerai pas de noms)… Et nous on était en tournée à ce moment-là, on passait après eux et ils nous ont dit qu’ils ne voulaient plus de rappeurs à cause des précédents…
Par contre, un certain « artiste » bousille une chambre d’hôtel, une certaine presse que je ne citerai pas non plus, un peu bobo parisien, s’extasie en disant que c’est un rebelle, tout ça parce qu’il s’est torché avec un rideau !
Donc c’est marrant, parce que même là il y a un double traitement. Quand ce sont des rappeurs, ce sont des méchants, quand ce sont des rockeurs, ce sont des poètes maudits… Cet artiste dont on taira le nom en est un très bon exemple ! Sans commentaires…
Dans la salle, tous les âges, comment expliques-tu qu’au bout de 20 ans, les gens adhèrent toujours autant ?
J’en suis super content… Je ne sais pas trop… Je pense qu’on a un univers, je ne sais pas à quoi ça tient, certainement les textes qui y sont pour beaucoup, il y a un côté intime…
Je pense qu’une fois que les gens ont été interpelés et sont entrés dans notre univers, ils ont envie d’en savoir plus et d’écouter nos autres albums. Par contre, c’est vrai qu’on a toujours été respectueux de notre public, donné le meilleur de nous-mêmes, on a toujours cherché à se renouveler, se dépasser… Je pense que les gens le sentent.
On n’a pas calculé, notre principe c’est de rester nous-mêmes, pas faire semblant d’être quelqu’un d’autre… Je pense que c’est la sincérité qui a payé et l’authenticité.
Donc notre musique a évolué avec nous, a muri avec nous et je pense que les gens nous en sont reconnaissants. On n’a quand même pas un public qui écoute les radios commerciales, on n’a quasiment aucune diffusion radio, plus en Suisse, en Belgique ou au Canada, mais pas en France, ça se souligne.
On parle de jeunisme dans le rap mais il n’y a qu’une seule radio nationale soit disant rap qui ne passe pas notre musique… donc on est trop rap pour les autres radios et pas assez jeunes pour la radio rap.
Pour revenir à la question, on n’est pas un groupe commercial, on a un public fidèle, on n’est pas à la merci d’une mode ou d’une radio. On n’est pas dépendant à 100% de leur bon vouloir, on est un petit peu à l’abri de tout ça puisqu’on est devenu un classique du rap français.
Mon fils de 16 ans m’a dit qu’IAM était un rap de vieux mais depuis que les Psy 4 De La Rime ont dit qu’ils s’étaient lancés dans le rap grâce à IAM, qu’on avait été leur 1ère source d’inspiration, il trouve ça bien ! Plus un conflit de générations qu’un conflit musical !
Il sera un peu dans la même couleur que le 1er, un peu expérimental, world… Je me fais plaisir, me tape des petits délires ! Si la version instrumentale marche bien, après j’inviterai des interprètes pour l’agrémenter.
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