INTERVIEW
Grand Corps Malade en interview pour parler de son album et de sa tournée « Plan B »
Auteur, scénariste et narrateur hors pair, Grand Corps Malade nous raconte depuis une quinzaine d’années, en musique, des histoires certes courtes mais denses. Alternant toujours entre sincérité, humour, émotion, colère, autodérision et nostalgie dans Plan B comme dans les albums précédents, l’artiste développe de véritables mini scénarios dans chacun de ses titres… Tantôt personnels comme Tu peux déjà où, pour son fils, il chante « vraiment » pour la première fois ou Dimanche soir qui rend hommage à sa moitié et tantôt universels quand ils traitent de l’actualité et des drames de notre société, ses morceaux révèlent autant de sa personnalité que de son goût pour une langue qui, dans sa bouche, retrouve ses lettres de noblesse…
« J’aime agripper le spectateur en éveillant sa curiosité… »
Morgane Las Dit Peisson : C’est un plaisir de te retrouver ici, au Théâtre Lino Ventura de Nice…
Fabien Marsaud : Pour moi aussi c’est un véritable plaisir ! Je ne sais pas pourquoi mais il y a des lieux comme celui-ci qui nous marquent plus que d’autres et je me rappelle d’ailleurs que lors de mon dernier concert ici, une partie du public dansait sur scène à la fin ! (rires) Avec sa configuration en arène, le premier rang est au même niveau que nous et le public est du coup très proche, presque à portée de main ! C’est vraiment une architecture très agréable autant pour les musiciens que pour moi.
Tu passeras aussi par Le Mas pour une date exceptionnelle…
Oui grâce à l’initiative de Ben Mazué qui y est programmé et qui a eu l’idée de m’inviter à partager cette date. Ce sera complètement inédit puisqu’on ne sait pas encore ce que l’on va faire ! (rires) Mais je te rassure, on va se voir avant pour préparer tout ça ! (rires) Ce sera une petite création inédite qui devrait être plutôt sympa !
Ce genre d’évènement permet de casser la routine…
Même si on éprouve toujours un immense plaisir à faire sa propre tournée, il faut reconnaître que des soirées comme celle-ci permettent de sortir du format classique d’un spectacle bien rodé et obligent à réinventer les choses, ça ne peut pas faire de mal ! (rires)
La création est essentielle mais le partage l’est tout autant pour toi…
Le titre Ensemble représente vraiment cet esprit là… À mes yeux, chaque projet est beaucoup plus beau, réussi et fort quand il est partagé. Je pourrais sortir plein de proverbes et de paraphrases à ce sujet comme « L’union fait la force » mais celui qui me frappe le plus et qui se trouve d’ailleurs dans le refrain de ce morceau est africain : « Seul je vais vite, ensemble on va loin »… Je suis un grand supporter de cet esprit d’équipe. Sur scène, c’est évident car ça se voit, mais quand on a réalisé le film Patients, je me suis rendu compte du nombre de métiers et de talents différents qui étaient nécessaires pour qu’un unique film puisse prendre forme ! C’est fascinant…
On ressent cette ouverture sur l’album Plan B qui est, musicalement, très riche et éclectique…
À part mon tout premier album, les suivants ont toujours été très orchestrés mais c’est vrai que celui dénote peut-être par son côté plus « chaud ». Même si on a des musiques très modernes avec des sons electro, on est parti sur un rendu chaleureux et ensoleillé grâce à des rythmiques qui font penser à l’Amérique du Sud, à l’Espagne ou à l’Orient… C’est un magnifique résultat que je dois à un artisan de génie, Angelo Foley, qui sait créer des instrumentales très denses, où il se passe énormément de choses…
Il y a dans cet album, comme dans la vie, de la nostalgie, de l’humour, de l’émotion, de l’auto- dérision… Rien ne se répète…
Quand je construis un album, je le fais dans la diversité des émotions car il n’y a rien de pire que d’avoir la sensation d’écouter douze fois le même titre d’affilée parce qu’ils auront tous été imaginés dans la même humeur… J’aime bien, exactement comme dans la vie, passer d’un truc très gai, dans la déconne à un truc beaucoup plus dur ou plus grave avant de repartir sur quelque chose d’un peu plus nostalgique.
Des thèmes variés qui servent un véritable don pour la narration…
Un texte de slam, c’est un vrai condensé, un mini scénario très synthétique et ça me correspond parfaitement bien ! J’adore raconter des histoires alors quand j’imagine la musique, je le fais comme si c’était une bande originale de film. J’aime agripper le spectateur en éveillant sa curiosité jusqu’à la chute du récit…
Des histoires personnelles et d’autres moins…
Le but, c’est que ça nous ressemble à tous… Avec Au feu rouge, j’avais vraiment envie de traiter du drame que vivent les réfugiés qui ont quitté leur pays pour échapper à la mort et à la guerre… Comme tout le monde, je n’ouvre pas toujours ma vitre au feu rouge mais j’avais envie de rappeler que ces migrants sont avant tout des êtres humains. J’ai tenu à redonner un nom et un passé à cette jeune syrienne de 20 ans pour qu’elle retrouve une humanité et une dignité à travers mes mots…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Zuzana Lettrichovab
Interview parue dans les éditions n°393 #1, #2 et #3 du mois de juin 2018
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