INTERVIEW
Gérard Depardieu en interview
Sur scène aux côtés de Gérard Daguerre – le pianiste qui accompagna Barbara pendant les 17 dernières années de sa vie -, Gérard Depardieu, que l’on a plutôt tendance à attendre au théâtre ou au cinéma, a décidé de rendre un hommage finalement simple, évident mais poignant à cette grande Dame qui fût son amie… 20 ans après avoir tiré sa révérence, celle que beaucoup célèbrent en cette date anniversaire, ne pouvait peut-être pas rêver mieux que de pouvoir survivre à travers la voix de celui qu’elle avait choisi pour partager les planches avec elle dans son spectacle Lily Passion…
« DEPARDIEU CHANTE BARBARA »
À Antibes au Théâtre Anthéa du 27 au 29 septembre 2018
« Chanter Barbara c’est avant tout ressentir Barbara, sa mémoire, son vécu, ses souffrances… Ce n’est pas du chant, c’est de l’art… »
Vous voir reprendre le répertoire de Barbara peut paraître surprenant, pourtant ce n’est pas exactement un coup d’essai…
Gérard Depardieu : C’est vrai que mon histoire avec Barbara ne date pas d’aujourd’hui et de la sortie de cet album Depardieu chante Barbara… Nous avons partagé énormément de choses ensemble en particulier à l’occasion de la tournée Lily Passion… D’ailleurs, lorsqu’elle s’est arrêtée de chanter, elle a voulu travailler sur la sortie du disque et du film de ce spectacle mais en vain…
Preuve que même en s’arrêtant, elle avait toujours ça dans le sang…
Quand elle m’a annoncé qu’elle allait quitter la scène, je n’y ai pas cru un instant tant ça me sem- blait inconcevable, pourtant, elle a arrêté de chanter… Non pas par manque de passion mais parce qu’elle était pétrifiée de peur à cause de sa santé. Elle avait très mal aux jambes, une mauvaise circulation du sang et beaucoup de problèmes aux poumons sans parler des articulations de ses doigts qui la faisaient atrocement souffrir.
Ça fait déjà 20 ans cette année qu’elle est partie…
En effet, cette année c’est le vingtième anniversaire de son départ… Je peine à utiliser le mot « mort » car, malgré le temps qui s’est écoulé, Barbara vit encore aujourd’hui en chacun de nous. Il y a une véritable ferveur qui ne s’est pas étiolée, tout le monde connaît au moins l’une de ses chansons. Je crois qu’évidemment son talent y est pour beaucoup mais sa personnalité aussi car elle a été une femme absolument sublime qui s’est comportée aussi magnifiquement dans sa vie que dans sa carrière…
Un de ses titres vous touche plus qu’un autre ?
Non, je crois que je n’ai pas vraiment de chanson favorite car même celles que je ne chante pas, je les apprécie. Je vais d’ailleurs m’essayer à d’autres morceaux que ceux qui sont présents sur l’album… Le tout est d’expérimenter, tester et voir comment la chose en ressort quand on se l’approprie car
évidemment, il est impossible de la copier ou de l’égaler mais il faut à tout prix respecter son vécu. Lors d’une tournée à Nantes, on est passé devant la maison de son enfance et ça a évidemment été bouleversant de la voir revenir là où elle avait été abusée par son père… Sa chanson L’aigle noir c’est son histoire mais c’est aussi l’apprentissage du pardon…
Barbara, du fait de son vécu, de son registre musical et ses tenues noires, semblait être un personnage très sombre…
L’ayant bien connue, ça m’amuse toujours qu’on ait pu la voir ainsi car Barbara était loin d’être une femme triste ! (rires) Il y a presque un monde entre ce qu’elle était et la façon dont on la percevait. J’ai fait 40 000 kilomètres avec elle et je peux vous assurer qu’on rigolait bien ! (rires) Elle avait une capacité de résilience et un recul sur les choses qui lui permettaient de prendre constamment de la hauteur.
Chanter était quelque chose de naturel pour vous ?
Pas tellement non ! Déjà, parler était compliqué pour moi qui étais un hyper émotif pathologique… (rires) J’ai appris à m’habituer à cet exercice en lisant des livres à haute voix souvent sans en comprendre le sens… À l’origine, j’avais trop d’audition, ça me brouillait l’esprit, ça me bloquait et, pendant longtemps, ça s’est traduit par des violences jusqu’à ce que j’apprivoise mon problème grâce à la lecture. Je me suis familiarisé avec ma propre voix jusqu’à l’utiliser pour jouer. Vous pensez bien que chanter n’était donc pas une évidence pour moi ! (rires) J’étais extrêmement pudique et sans Marivaux, Corneille, Molière, Racine ou La Fontaine, je n’aurais peut-être jamais réussi à débloquer ce complexe.
Comme ces auteurs, vous avez rencontré les textes de Barbara…
Je crois que j’arrive à chanter Barbara parce-que je l’ai longtemps fréquentée et que je la comprenais… Chanter Barbara c’est avant tout ressentir Barbara, sa mémoire, son vécu, ses souffrances… Ce n’est pas du chant, c’est de l’art. J’ai essayé de m’approprier ses oeuvres en respectant ce qu’elle a pu vivre mais je reste persuadé que toutes les belles chansons du monde peuvent être chantées autant par des hommes que par des femmes. Par contre, une femme poète – pour ma part – c’est encore plus intéressant.
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Droits réservés
Interview parue dans Le Mensuel de juin 2017 n°383 édition #2
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