INTERVIEW

Gérald De Palmas en interview

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 À l’aube de la cinquantaine, le chanteur souvent décrit comme une machine à tubes, a prouvé – peut-être encore plus qu’à l’accoutumée – avec son dernier album La beauté du geste, que l’expérience et la connaissance ne conduisaient pas nécessairement vers la monotonie et la routine ! Ayant séduit le grand public dès la sortie de son premier titre Sur la route il y a déjà plus de vingt ans, Gérald De Palmas a régulièrement flirté avec le succès grâce – entre autres – à J’en rêve encore, Tomber, Marcher dans le sable ou Au bord de l’eau et plus récemment à Il faut qu’on s’batte et Le Jour de nos fiançailles… Marquant un certain tournant dans le fond plus que dans la forme, l’auteur-compositeur-interprète a ressenti le besoin d’être cash, incisif et sans tergiversations… Sans détours donc, il évoque la violence, la souf- france, l’ignorance et la solitude qui rongent nos vies rappelant, à travers la franchise de ses mots, que le véritable état d’urgence est peut-être de se remettre un peu plus en question…


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À Grimaud au festival Les Grimaldines le 25 juillet 2017

À Vence au festival Les Nuits du Sud le 29 juillet 2017

 


« J’ai eu envie de m’exprimer plus directement, en y mettant moins les formes… »


Votre dernier album – La beauté du geste – ressemble plus que les précédents à l’ambiance rock que vous créez sur scène…

Gérald De Palmas : Ça fluctue constamment entre le studio et le concert, je trouve d’ailleurs que ce n’est pas un mal qu’il y ait deux ambiances différentes puisque ce sont deux médias différents… En studio, on est plus dans une phase de recherche, il y a un côté un peu « laboratoire » alors que sur scène, c’est avant tout une question d’énergie. Par contre, je suis d’accord avec vous, La beauté du geste a une dynamique beaucoup plus proche de celle que le public peut découvrir en salle car bien que l’enregistre- ment se soit fait en studio, les conditions étaient très très proches de celle du live.

Vos titres sont beaucoup plus cash, plus frontaux…

Oui c’est vrai que du point de vue du choix des mots, il y a une grosse évolution due à un ras le bol des inhibitions que je traînais derrière moi ! Je suis arrivé à un moment de ma vie où j’ai eu envie de m’exprimer plus directement, en y mettant moins les formes. Avec l’expérience et l’âge, on fait peut-être moins de concessions ou en tous cas, on réalise qu’on n’a plus de temps à perdre…

Des paroles plus crues mais pas pour autant dé- nuées de seconde lecture…

En effet, je pense que si les gens prennent le temps d’écouter, ils trouveront cette seconde lecture parfois bien cachée… (rires) Certains pensent que je ne chante que des histoires d’amour et de couple alors que le fond raconte tout autre chose et fait souvent référence à la solitude, la société, la violence ou l’ego car j’ai besoin de parler de ce qui me préoccupe.

J’ai envie de toi en est l’exemple parfait…

J’ai trouvé ça drôle de laisser imaginer qu’il s’agissait d’une relation amoureuse basique alors que ça parle de l’addiction à la cigarette dont j’ai – pour le moment – réussi à me guérir ! (rires) Mais là encore, cette chanson dit autre chose. Elle rappelle que certaines personnes peuvent être aussi toxiques que ce fléau. Ce sont des gens qui se nourrissent de votre énergie et qui gèrent leur ego de façon exacerbée par rapport à vous… J’ai envie de toi évoque ces êtres qui ont besoin de vous sentir malheureux pour se penser utiles voire s’estimer mieux que vous.

On retrouve un autre type de rapport de forces avec Il faut qu’on se batte…

Malheureusement, ça existe ! (rires) Mais au-delà de la violence physique, cette femme et cet homme ont ce rapport très conflictuel qui peut également ne passer que par des mots ou des attitudes. C’est une autre forme de violence plus sourde mais tout aussi épuisante et douloureuse… Comme disait Montaigne, tout le monde a en soi la totalité des palettes de la nature humaine, ce qui explique que l’on puisse se retrouver prisonniés de comportements – qu’on n’aurait jamais soupçonnés – réveillés par cet autre qui nous fait face et qui nous fascine parfois plus qu’on ne l’aime. « L’autre » peut être une addiction très déstabilisante !

Le jour de nos fiançailles m’est apparu comme un pendant à Marie avec une vision plus volontaire…

Je n’avais pas vraiment réfléchi jusque là au parallèle entre les deux morceaux mais c’est vrai que sur une même thématique – la guerre -, Marie apparaît très triste et mélancolique tandis que Le jour de nos fiançailles montre un jeune homme très motivé à prendre les armes. J’ai choisi ce contexte pour aborder la question du conditionnement car c’est ce que l’on connaît de plus en plus depuis le 11 septembre. On nous dépeint deux axes – le bien et le mal – de façon très manichéenne et trop simpliste. Peu importe du côté duquel on se place, on bourre le crâne des jeunes en leur disant qu’ils détiennent la vérité et qu’en face, il n’y a que des fumiers. Mon personnage dans le texte est vraiment sûr de son fait mais dans les refrains, quand il embrasse sa fiancée, il se rend compte qu’il va peut-être passer à côté du vrai sens de la vie… Il y a un parallèle entre les couplets où on le découvre conditionné par la société et les refrains où l’importance de l’amour reprend le dessus.

Dans Rose pleure, on retrouve ce parallèle entre la grande Histoire et ces histoires anonymes du quoti- dien qui n’en sont pas moins tristes ou troublantes…

C’est certain que c’est troublant de voir une personne tomber en larmes devant soi dans la rue, au grand jour, comme désarmée, mais je crois malheureusement qu’il n’y a pas tellement de gens qui ont cette sensibilité là… Et pourtant, une personne dans cet état là nous rappelle à quel point il n’existe pas de « petits » drames, il n’y a que des souffrances qui, pour ceux qui les vivent, sont insupportables. Et puis, le fait que personne ne prenne quelques minutes de son temps pour s’inquiéter du sort de cette Rose est aussi un miroir de notre société devenue si égoïste aujourd’hui…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Denis Rouvre

Interview parue dans Le Mensuel de l’été 2017 n°383 éditions #1 et #2

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