INTERVIEW
Francis Huster en interview
Tel un super-héros de comics, Francis Huster semble avoir été fabriqué de toute pièce par un créateur un peu fou tant ses capacités semblent hors de portée pour le commun des mortels… Travaillant sur une cadence effrénée, le comédien – qui sort son 14ème ouvrage ce mois-ci tout en projetant d’en faire paraître un autre en février puis un en 2022 ; qui est en train de mettre sur pied son propre long-métrage ; qui réfléchit à la pièce qu’il fera jouer à une quinzaine d’acteurs de la Troupe de France et qui a prévu de jouer en alternance au moins cinq pièces dans les mois à venir -, tel un soldat, a fait de la comédie et de l’incarnation sa mission première… Racontant des histoires dans l’espoir d’apaiser, divertir ou élever les esprits, Francis Huster a prouvé, ces cinquante dernières années, qu’il était aussi à l’aise et crédible dans du Stefan Zweig que du Francis Veber…
FRANCIS HUSTER
dans POURVU QU’IL SOIT HEUREUX > LE CANNET / 16 OCTOBRE • CONTES / 17 OCTOBRE
dans LA MORT DE L’AIGLE, NAPOLÉON DE LA GLOIRE À L’EXIL > FIGANIÈRES / 09 DÉCEMBRE
dans MOLIÈRE > LA CIOTAT / 13 JANVIER
Livre MOLIÈRE MON DIEU, PLAIDOYER POUR LE PANTHÉON paru chez Armand Colin le 04 SEPTEMBRE
« Si l’on n’y prend pas garde, on finit par s’imiter soi-même ! »
MORGANE LAS DIT PEISSON : VOUS ÊTES À L’AFFICHE DE BRONX, MOLIÈRE, LA MORT DE L’AIGLE ET POURVU QU’IL SOIT HEUREUX…
FRANCIS HUSTER : Je crois que je parviens à tout mener de front grâce à l’éducation que j’ai reçue. Je suis issu d’une génération qui a été élevée dans un esprit assez militaire… Avoir fait son service, avoir connu la guerre d’Algérie et avoir été au contact de grands noms du Conservatoire que l’on vouvoyait et que l’on appelait Maîtres m’a conditionné et m’a apporté, je pense, une rigueur dans le travail.
JOUER SUR TOUS LES REGISTRES…
Là encore, je le dois à mes formateurs qui – comme une armée doit être en mesure de se déployer sur tous les terrains -, m’ont appris à savoir tout jouer… D’un grand classique en troupe à des pièces en duo en passant par la comédie pure et le seul en scène, ils m’ont obligé à me frotter à tout ! L’exercice est à chaque fois différent car le rapport au public et donc au texte n’est pas le même selon que l’on est un, trois ou quinze sur les planches… Depuis mes débuts, je suis habitué à passer de l’un à l’autre, à adapter mon jeu aux besoins de la partition et je crois que je ne pourrais pas me contenter d’un unique répertoire. Je suis un peu comme Federer, je ne peux pas jouer que sur de la terre battue ! (rires)
« JOUER DE TOUT » NE SIGNIFIE PAS « TOUT JOUER »...
En effet, je préfère refuser les rôles que je ne sens pas ou ceux qui me donnent l’impression de pouvoir être incarnés par quelqu’un d’autre que moi. C’est pour cette raison que depuis dix ans je n’ai rien accepté au cinéma et que j’ai décidé de me lancer dans l’écriture de mon propre long-métrage. Le plus difficile, pour un comédien, c’est de refuser un projet non pas par manque d’envie mais pour le bien de celui-ci…
DIFFÉRENTS REGISTRES ET DIFFÉRENTS TYPES DE RÔLES…
C’est primordial de ne pas s’enfermer dans un seul et unique type de personnage car si l’on n’y prend pas garde, on finit par s’imiter soi-même. Jean Gabin, quand il s’est aperçu que le public venait le voir au théâtre non pas pour la pièce mais pour y voir du Gabin, a marqué une pause théâtrale pour se réinventer au cinéma…
POURVU QU’IL SOIT HEUREUX, LA DERNIÈRE PIÈCE DE LAURENT RUQUIER…
À mes yeux, jouer du Laurent Ruquier c’est comme jouer du Michel Audiard ! C’est un véritable dialoguiste, on s’aperçoit d’ailleurs dans toutes les émissions qu’il présente qu’il a perpétuellement le « bon » mot et c’est ça qui rend vraiment vivante une pièce.
UN AUTEUR CONTEMPORAIN ET CLAIRVOYANT…
Dans À droite à gauche, on assistait – avant même les élections – au somnambulisme d’une gauche bien-pensante, au réveil d’une droite apaisante vue avec loyauté par un homme pourtant profondément de gauche, et le plus épatant en effet, c’est que l’arrivée au pouvoir de Macron a donné raison à son observation de notre société à ce moment là. Dans Pourvu qu’il soit heureux, il y a cette même justesse, cette même universalité, ce même réalisme car chaque spectateur a été ou sera amené à vivre de près ou de loin les mêmes situations que nos personnages…
UNE PIÈCE SUR L’ACCEPTATION ET LA TOLÉRANCE PLUS QUE SUR L’HOMOSEXUALITÉ…
Exactement ! Il ne faut pas s’imaginer que c’est un plaidoyer pour l’homosexualité, c’est juste une pièce qui traite des rapports qu’entretiennent des parents avec des enfants qui ne sont autres, au début de leur existence, qu’un prolongement de leurs géniteurs. Au fur et à mesure où ils se construisent, les parents doivent apprendre à les aimer et à les accepter tels qu’ils sont en train de devenir et non pas tels qu’ils les rêvaient. Vous mettez le doigt sur le véritable intérêt de cette pièce car elle n’est pas faite pour apporter des réponses mais pour amener à se poser des questions et à en débattre…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Svend Andersen
You must be logged in to post a comment Login