CINÉMA
D’Jal en interview pour son 1er film « Opération Portugal ! »
Après 3 reports et plus de 20 millions de vues sur sa bande-annonce, D’Jal peut enfin présenter au public Opération Portugal, le 1er film qu’il a imaginé et dans lequel, en plus d’être scénariste, il s’est glissé dans la peau du personnage principal… Rien de plus évident quand on sait que ce dernier lui a été inspiré par le sketch du Portugais dont le public est immédiatement devenu accro !
« Le rire du public est ce qui me stimule le plus ! »
Morgane Las Dit Peisson : Ton film Opération Portugal a subi 3 décalages…
D’Jal : On sort enfin de notre longue léthargie, un peu comme les ours après l’hibernation ! (rires) Le film va pouvoir exister, la promo peut recommencer, ça rebouge donc on est tous un peu surexcités dans l’équipe ! J’ai continué à voir du monde pour le boulot mais ce n’est pas la même chose qu’être au contact du public. Il me tarde de le retrouver, ça fait trop longtemps que j’en suis privé !
La sortie d’Opération Portugal a été décalée 3 fois et c’est vrai que chaque report te casse un peu dans ta dynamique mais au-delà des problèmes financiers que ça peut engendrer pour la production, ça a été moins déroutant qu’avec le spectacle. Le film, lui, est fini quand on le propose aux spectateurs. Ils aimeront ou non mais même si tu es dans la salle, tu sais que tu ne pourras plus interférer. Se préparer à remonter sur scène, c’est différent, ça demande un conditionnement, une préparation physique et mentale alors quand ça se repousse ou que ça s’annule, c’est beaucoup plus qu’une simple déception ! Mais j’ai pris le pli comme tout le monde, je me suis fait une raison et j’ai appris à être patient… (rires) Et puis, j’avoue que depuis que j’ai perdu mon père, je relativise un peu plus… Cette période de pandémie, de couvre-feux et de confinements a été particulière à vivre bien sûr, mais le plus dur pour moi ont été ces mois de deuil alors si se confiner a pu permettre de sauver des vies et épargner des familles, mes petits problèmes de spectacles et de cinéma n’ont pas grande importance…
Le film sortira le 23 juin mais tu as déjà recueilli quelques impressions de la part du public…
C’est important de pouvoir le sortir car j’attends avec impatience toutes les réactions du public même si les avant-premières qu’on avait faites m’ont beaucoup rassuré ! Tout ce dont j’ai besoin en ce moment c’est de retrouver ces petits plaisirs tout simples que sont les rires des gens, leurs témoignages et leurs regards. C’est vraiment ça qui va remettre de l’essence dans mon moteur car c’est pour ça que je fais ce métier, le rire du public est réellement ce qui me stimule le plus. Je ne sais pas ce que donneront les entrées en salles par rapport à la situation sanitaire mais ce qui est déjà complètement dingue c’est l’engouement qui existe autour d’Opération Portugal. La vidéo promo a été la plus vue de toutes les bandes-annonces de films français, plus de 20 millions de vues cumulées, c’est juste extraordinaire ! Mon attente, maintenant, c’est de savoir si les gens rigoleront autant avec le film qu’avec sa bande-annonce et si tout se passe comme je le souhaite, ça va me booster pour repartir à fond !
Malgré les plateformes, les spectateurs semblent avoir envie de retourner dans les salles…
L’attention que tu portes au film n’est pas du tout la même dans une salle de cinéma. Chez toi, le téléphone peut sonner ou quelqu’un peut frapper à la porte tandis qu’au cinéma, tu es coupé du monde extérieur, c’est un moment que tu choisis de t’offrir pour te détendre et t’évader. Et puis, même si ce n’est pas un spectacle vivant qui se joue devant toi, le public qui y assiste, lui, l’est. Les réactions, les émotions, les respirations et les rires sont communicatifs et donc plus intenses au cinéma. C’est pour ça que j’adore y aller ! Tu y vis des expériences à plusieurs, tu as des regards complices avec des inconnus et je trouve ce moment de communion vraiment formidable ! En sortant, chacun reprend évidemment sa vie mais il y a eu ce petit moment de grâce et de partage qui a existé. Ça ne change pas le cours du monde mais je suis persuadé que des moments suspendus comme ça peuvent aider à l’apaiser un peu… Ce sont des soupapes de décompression.
Avant la sortie du film, il y aura une tournée d’avant-premières…
Le rythme va être assez intense et pourtant, je ne pourrai pas faire toute la France comme prévu. Entre les restrictions et les changements de dates, on n’a pas pu recaler toutes les villes comme on le souhaitait et il a fallu composer. Je ferai parfois 3 ou 4 cinémas dans la journée et devrai jongler entre présentation en ouverture de film dans une ville et rencontre à la fin dans une autre, mais même si ça va se faire au pas de course, c’est mieux que rien car le principal est de pouvoir discuter avec le public ! Je suis impatient d’avoir à nouveau son retour et d’entendre ses rires ! Bien sûr, je ne vais pas mentir, j’aimerais qu’Opération Portugal soit un succès mais ce qui compte avant tout, c’est qu’il fasse juste du bien aux gens ! Je n’ai pas d’objectif de chiffres, je veux que les gens se marrent, ensuite les entrées se feront naturellement.
Contrairement à la scène, le film est fini et figé, c’est quelque chose de « perturbant » pour quelqu’un issu de l’art vivant ?
Le film est là, on a eu un tout petit budget pour le réaliser mais j’en suis super fier. Il présente de belles valeurs, il a un rythme soutenu, il est drôle, il ressemble à ce que je défends dans mes spectacles donc je ne regrette rien et d’ailleurs, j’ai trouvé un gros point commun avec la scène auquel je ne m’attendais pas du tout ! J’ai vu les gens dans les salles faire spontanément des standing ovations, ça m’a fait chaud au cœur et c’est là que j’ai compris que je ne m’étais pas trompé. Par contre, c’est vrai que quand tu es habitué à tout maîtriser à chaque représentation, c’est déroutant de voir ton travail défiler sans pouvoir interagir ! (rires) Sur le générique de fin par exemple, on a mis quelques « biscuits » et par rapport aux applaudissements, ça aurait mérité qu’on les présente différemment et là, ça m’a ennuyé de ne pas pouvoir le retoucher à nouveau… Mais ça fait partie du jeu et surtout c’est formateur.
« Formateur » signifie que ça t’a donné des envies de 2nd film ?
J’espère qu’Opération Portugal fonctionnera bien en salles parce que ce sera la clef pour en faire un 2ème… Si je pouvais, je serais déjà en train de le tourner ! (rires)J’ai pris un plaisir monstre à l’écrire et à le jouer et j’ai envie de retrouver ça le plus rapidement possible. Je l’ai un peu en tête, j’aimerais le coréaliser et mettre à profit tout ce que ce 1er film – dont j’ai confié la réalisation à Frank Cimière – m’a appris !
J’ai soumis l’idée du film à Frank, mon metteur en scène. J’avais toute l’histoire en tête et au fur et à mesure où on a avancé, j’ai dû apprendre à faire des concessionspour que l’histoire soit adaptable au budget, aux contraintes et surtout à son bon déroulement sur un format long. Ça a été très enrichissant pour moi qui suis habitué au sketch et à la solitude. Dans un film, tu ne peux pas prendre une décision sur un coup de tête juste parce que tu en as envie à ce moment-là, il faut respecter une logique, une dramaturgie, une évolution du personnage alors on s’est préparé avec rigueur ! (rires) On a fait un grand tableau dans lequel on a inséré toutes les idées qui nous faisaient marrer, les profils des personnages avec leurs traits de caractère, leurs métiers, les lieux, les actions etc. pour bien visualiser l’ensemble avant de se lancer sur une mauvaise piste. C’est comme ça qu’on s’est aperçu par exemple que le personnage de Julia, qui travaille dans un milieu majoritairement masculin, n’était pas évident à traiter car il fallait qu’elle soit forte mais féminine sans tomber dans une caricature.
De l’écriture au tournage et de la post-prod au montage, ce que je retiens de cette expérience c’est que le cinéma oblige à s’adapter en permanence à tout, tout le temps mais tout en prenant garde à ne pas perdre son fil conducteur.
Pourquoi ne pas l’avoir réalisé toi-même ?
J’ai préféré mettre mon ego de côté parce qu’au plus profond de moi je n’étais pas certain d’être capable de m’occuper de la réalisation en plus de l’écriture et du jeu. La réalisation c’est une somme de milliers de choix, de questions, de concessions et de détails en tout genre… Il valait mieux que je la confie à Frank plutôt que de m’acharner à vouloir la faire et de gâcher le film. C’est d’ailleurs quelque chose qui est flagrant pendant un tournage, tu te rends compte que seul, tu ne peux vraiment rien faire ! C’est un magnifique travail d’équipe où chacun maîtrise une spécialité et où tout – si c’est bien géré – se déroule avec la fluidité d’un ballet ! Frank s’est mis au service de ma vision mais pendant le tournage, les rôles étaient bien répartis et je n’ai pas interféré sur son travail. C’est sûrement pour ça qu’il y a des plans aussi magnifiques !
Opération Portugal met en scène un personnage inspiré de ton fameux Portugais ultra populaire…
Certaines personnes qui ont bossé sur le film m’ont confié qu’elles avaient eu peur que ce soit une redite de mon sketch mais en effet, si on retrouve bien l’idée du Portugais qui a marqué le public dans mon spectacle, ce n’est pas du tout un sketch étiré sur 1h30 ! Je me suis inspiré de lui, de sa voix, de sa diction et de ses mimiques mais pour qu’il soit crédible au cinéma, il fallait lui donner une raison d’exister et qu’on justifie pourquoi son accent était, par exemple, parfois exagéré. Ce n’est pas un film sur un accent mais sur un mec qui doit s’infiltrer, pour les besoins d’une enquête, dans une communauté portugaise et il va vite s’apercevoir que la tâche est bien plus compliquée que de simplement savoir rouler les r ! (rires) Je n’oserais pas comparer ce film à Rabbi Jacob mais c’est un peu fait dans cet esprit-là, le spectateur sait bien qu’il n’est pas portugais mais en devenant son complice, il finit par croire qu’il peut l’être ! (rires) C’était le plus gros « problème », il fallait conserver le comique de situation sans que le personnage ne fasse fake. Sur scène, c’est différent, on peut se permettre plus de choses parce qu’on fait appel à l’imaginaire des gens… C’est un dosage qui n’est pas facile à trouver mais qui est passionnant à chercher !
J’ai d’ailleurs regardé beaucoup de films comme Mrs. Doubtfire ou La cage aux folles où le mec se grime et où on le sait mais où ça marche. Et j’en ai vus d’autres où ça ne fonctionne pas du tout… Pour ce genre de rôles, il ne faut pas léser la psychologie du personnage, ça se fait vraiment sur un fil…
Un jeu différent de celui que tu as sur scène…
En effet, c’est vraiment un nouvel apprentissage du métier de comédien quand tu te retrouves à jouer devant une caméra alors que tu es habitué à être dans l’énergie de la scène. C’est une autre concentration, une nouvelle diction, un jeu un peu plus dans la retenue mais ça ne m’a bizarrement pas trop inquiété. Le plus compliqué sur le tournage a été le rythme car je suis sur quasiment tous les plans donc je n’ai pas eu de véritables pauses entre chaque prise. Il m’est arrivé d’être en black-out total pendant une journée et de devoir aller puiser dans mes ressources pour assurer même complètement HS. Ça je crois que j’en été capable grâce à l’expérience du one-man…
Et contrairement au one-man, il a fallu que tu t’entoures de comédiens pour le film et que tu leur façonnes des personnages…
J’adore le one-man mais c’est vrai que ça fait un bien fou de jouer avec d’autres comédiens et puisque c’est un véritable film et pas un one-man « déguisé » ou un film à gags, je voulais bien servir mes camarades de jeu ! On dit que pour faire un bon James Bond il faut un bon méchant et c’est complètement ça ! Si on veut faire un bon film, crédible et équilibré, il faut que chaque second rôle ait du relief ! Farida Ouchani qui joue Aïcha, ma mère dans le film, crève l’écran ; Sarah Perles a un vrai rôle à défendre en incarnant Julia ; Antonia de Rendinger est exceptionnelle en colonel ; Pierre Azéma est génial en commissaire qui subit du début à la fin mais il y a aussi le père, les ouvriers… Pour que mon rôle existe, il fallait un collectif car il faut garder à l’esprit qu’aucun artiste ne peut « briller » seul, même quand, physiquement, il est seul sur scène…
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Fabien Malot Starface
Interview parue dans Le Mensuel n°420 de mai 2021
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