INTERVIEW
David Brécourt en interview
Si la télé l’a éloigné pendant quelques années des planches où il avait débuté, celles-ci l’ont rapidement happé dès qu’il a pu dégager suffisamment de temps pour s’y adonner à nouveau. Car bien qu’en général le théâtre ne soit pas l’activité la plus lucrative pour un acteur, elle est celle qui lui demande le plus d’investissement personnel, de concessions et de rigueur. À l’affiche, depuis bientôt quinze ans, des pièces à succès de Philippe Lellouche – dont la dernière Le temps qui reste se jouera à Ramatuelle cet été -, David Brécourt, plus assoiffé que jamais de jeu et de découverte, s’est dernièrement illustré dans des registres très éloignés des comédies dans lesquelles on s’était habitués à le retrouver… Après avoir plongé le spectateur, l’été dernier à Avignon, dans Kamikazes, un huis clos familial féroce, le comédien a décidé d’y revenir avec, pour la toute première fois de sa carrière, un seul en scène… À travers un monologue poignant de Gilles Segal, En ce temps-là, l’amour…, David Brécourt incarne cette fois-ci un homme qui, se sachant grand-père, se met à enregistrer sur bandes magnétiques sa rencontre avec un père et un fils emmenés en camps de concentration…
DAVID BRÉCOURT dans EN CE TEMPS LÀ, L’AMOUR…
Festival OFF d’Avignon / 05 > 28 juillet
dans LE TEMPS QUI RESTE : Festival de Ramatuelle / 02 août
Puget sur Argens / 08 avril 2020
« Plus j’avance en âge et plus je me sens bien… »
MORGANE LAS DIT PEISSON : Depuis bientôt 15 ans, on te retrouve (entre autres) dans les pièces de Philippe Lellouche…
DAVID BRÉCOURT : Avec Philippe Lellouche et Christian Vadim, on s’est formé une véritable « famille » théâtrale qui dépasse notre trio… Le public en fait partie intégrante car, depuis nos débuts, il nous suit sans relâche en répondant présent à chaque représentation. C’est extrêmement touchant de voir toutes ces salles pleines année après année et de pouvoir reconnaître – voire finir par connaître – certains fidèles de la première heure !
Soudés mais avec des projets personnels…
C’est génial de vivre une amitié aussi personnelle que professionnelle comme la nôtre ! Il y a quelque chose de magique entre nous trois que je n’ai jamais vécu avec d’autres acteurs mais il est essentiel d’aller voir ailleurs pour ne surtout pas s’enfermer dans un cocon ! Entre L’appel de Londres et Le temps qui reste, on s’est adonné à d‘autres projets et très franchement, ça nous a fait du bien. C’est nécessaire de se manquer un peu et d’aller enrichir son jeu en sortant de sa zone de confort pour mieux se retrouver ensuite…
Être aussi « fusionnels » favorise le jeu ?
On se comprend d’un simple regard, on se sent en confiance ensemble et j’ai en effet l’impression que ça pousse constamment à la création. La confiance est assez rare dans ce métier alors celle-ci en est d’autant plus précieuse ! (rires) Et puis, on a appris à se dire les choses, à demander à Philippe de retravailler certains passages et ça, ça nous tire vers le haut. Il est très exigeant donc les négociations ne sont pas toujours faciles mais, avec Christian, on sait comment le prendre ! (rires)
Le temps qui reste aborde le thème de la mort…
Philippe a très peur de la maladie, c’est un hypocondriaque alors la mort est quelque chose qui l’effraie littéralement ! Et puisque c’est quelqu’un qui dit tout ce qu’il pense comme pour s’en défaire, il n’hésite pas à nourrir ses pièces de ses craintes et de ses colères… C’est la première fois qu’il aborde frontalement le thème de la mort mais c’est fait habilement car si la pièce s’ouvre sur le retour d’un enterrement, elle bascule très vite dans les préoccupations et les questionnements de la vie…
C’est une recherche du bonheur…
Exactement et c’est une quête qui devient de plus en plus importante avec le temps. Personnellement, plus j’avance en âge et plus je me sens bien… J’ai de plus en plus de convictions, je sais où il ne faut pas aller, je sais ce que je ne veux plus et ça me fait me sentir mieux dans ma peau aujourd’hui qu’à vingt ans ! Je m’efforce de rire et d’être positif car, s’il y a bien quelque chose que la vie nous apprend, c’est qu’elle est trop courte !
Tu varies les styles…
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est d’incarner des personnages différents le plus souvent possible ! Ça m’éclate qu’il y ait une transformation physique et psychologique, j’apprécie de plus en plus les rôles de composition et je ressens le besoin de prendre des risques en étant « loin » de moi… Jouer un salaud tout en devant lui apporter une part d’humanité pour le rendre crédible sur scène, c’est jouissif pour un comédien car même si on le détesterait dans la vraie vie, on se doit d’être à fond quand on le campe ! C’est une démarche passionnante car ça oblige le comédien à tenter de comprendre ce qui parfois lui semble totalement incompréhensible…
Tu sembles t’être épris d’Avignon…
C’est extrêmement fatigant mais faire le Off d’Avignon est un exercice formidable ! Maintenant que j’y ai pris goût, je ne compte plus m’arrêter ! (rires) On joue chaque jour, à des horaires parfois matinaux, il fait une chaleur écrasante déhors, la clim nous casse la voix dans les salles alors il est essentiel d’avoir une rigueur et une discipline pour espérer tenir trois semaines ! L’expérience me fait de plus en plus prendre conscience de l’intensité de ce métier…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à l’hôtel L’Aréna de Fréjus pendant Les Nuits Auréliennes 2018 • Photos D. Koransky & S. Larvaron
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