CINÉMA

Daniel Auteuil en interview pour son film « Le fil » au cinéma CGR Chabran Draguignan

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« Je n’avais pas à jouer, juste à incarner… » Daniel Auteuil

 


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Malgré son humilité et sa simplicité, Daniel Auteuil ne peut que forcer l’admiration tant rien ne semble lui résister. Au théâtre comme en concert, sur grand écran dans une tragédie ou dans la plus pure des comédies, l’homme à la sincérité sans faille réussit toujours – quelque soit la forme de son projet -, à toucher le cœur d’un public ravi de l’accompagner dans ses propositions artistiques. Alors qu’il ne pensait pas repasser derrière la caméra, il a pour la 5ème fois endossé son rôle de réalisateur pour Le fil, à découvrir dans les salles obscures dès le 11 septembre. Adapté d’une nouvelle du Livre de Maître Mô, ce nouveau long-métrage ne ressemble en rien à ce qu’il avait déjà produit. Tourné au tribunal de Draguignan, celui-ci nous entraîne dans les rouages d’une justice dont on oublie souvent l’humanité.

Dans une atmosphère lourde et silencieuse, un avocat désabusé qui s’était juré de ne plus plaider au pénal, va se surprendre à croire viscéralement en l’innocence de son client, accusé d’avoir tué sa femme sans aucune raison apparente ni preuve…

 

 

 

 


 

 

Daniel Auteuil en interview pour son film Le fil

interview / cinéma / film / drame

  • 11 septembre 2024 / en salle / durée 1h55
  • de Daniel Auteuil
  • avec Grégory Gadebois, Daniel Auteuil, Sidse Babett Knudsen, Gaëtan Roussel

 

 


 

 

 

Morgane Las Dit Peisson : Un tournage à Draguignan…

Daniel Auteuil : Oui, j’ai tourné toutes les scènes de procès à Draguignan et on a été tellement bien accueillis par la présidente du tribunal, le personnel administratif, les avocats et les gens de la ville que ça me tenait à cœur de venir y présenter le film en avant-première. C’est ma manière de remercier toutes ces bonnes volontés puisque sincèrement, ce n’est pas évident de trouver à investir des lieux comme ça. Et puis dès que j’ai vu la salle, elle m’a plu car elle avait quelque chose de moderne et de pas emphatique.

 

 

Réalisateur pour la 5ème fois…

Daniel Auteuil : Le précédent était la comédie Amoureux de ma femme, mais cette fois-ci, on est dans le polar, dans la justice, dans le film psychologique, mais surtout, dans une aventure humaine. L’histoire a commencé par la productrice – qui s’avère aussi être ma fille, Nelly Auteuil – car c’est elle qui m’a parlé d’un livre de nouvelles écrit par Maître Moyart.

Ce sont des chroniques de la justice ordinaire et l’une d’elles avait attiré son attention… Avec cette idée d’adaptation, Nelly – qui est avocate et dont le rêve secret était de faire du cinéma – a réuni les deux univers qu’elle connaissait le mieux et a su tout de suite qu’il y avait dans ce fait réel tout le ferment d’une tragédie et d’un film à suspense. Immédiatement, j’y ai vu un film de genre et les très beaux rôles à jouer, dont ce grand duo entre le client et son avocat.

Nous voilà donc partis avec comme nouveauté (par rapport aux réalisations précédentes) de ne pas m’appuyer sur un scénario déjà existant. Cette fois-ci, j’étais face à un récit que je devais prendre en main et écrire.

 

 

J’ai alors essayé de me l’approprier le plus possible grâce, en grande partie, au personnage de l’avocat et à son âge, son expérience, ses erreurs…

J’ai lu toutes les affaires réunies dans l’ouvrage, mais celle-ci m’a particulièrement touché parce qu’au-delà du cas en lui-même, elle évoquait l’histoire d’un homme qui avait décidé de ne plus plaider en pénal après avoir fait acquitter un client qui a, par la suite, récidivé.

Cet avocat était donc un type humain et fragile qui n’avait plus la force – voire peut-être même la foi – de croire en son métier. J’invente, j’extrapole ses sentiments, mais c’est précisément ça qui me plaisait dans cette partie qui ne demandait qu’à être romancée. Bien sûr, le procès en lui-même m’a passionné, mais j’ai aimé imaginer tous les contours de ce drame afin d’en faire un vrai film de cinéma et pas un documentaire. L’intérêt, c’est justement de tenter de comprendre comment un homme de loi peut tour à tour se perdre et retrouver la foi dans son métier…

 

 

Maître Mô…

Daniel Auteuil : Cet auteur – Jean-Yves Moyart – était suivi par beaucoup de gens sur des blogs où il racontait des affaires qu’il avait vécues de près ou de loin. C’est la preuve que ce sont des cas qui attirent l’attention du grand public.

 

Créer une fiction sans trahir…

Daniel Auteuil : Il y avait plusieurs points à prendre en compte : être crédible, faire honneur à Maître Mô sans jamais le trahir, faire revivre sa mémoire et amener le spectateur au cinéma avec un film en scope, des paysages, des sentiments, du suspense, de l’émotion et de la peur tout en lui racontant une histoire vraie.

 

Trouver le juste milieu…

Daniel Auteuil : C’est le plus compliqué quand on est tout seul devant son ordinateur et qu’on peut tout se permettre parce que personne ne vient nous contredire ! (rires) D’où l’importance d’avoir une équipe à ses côtés. Les producteurs veillaient au grain !

 

 

Les paysages, splendides, donnent une respiration…

Daniel Auteuil : C’était essentiel d’apporter ce souffle puisque c’est un film qui se déroule souvent à l’intérieur de la tête du mec, à l’intérieur du tribunal, de son appartement, de ses obsessions… Il se trouve que j’habite une partie de l’année en Camargue et que si j’ai déjà immortalisé la Provence de façon plus folklorique et sous le soleil, je la connais aussi beaucoup plus dure avec son mistral et son ciel parfois noir.

J’avais besoin d’un environnement dramatique, à l’identité forte. Les images de taureaux par exemple, c’était d’une part pour signifier une région et d’autre part pour montrer l’ennemi de mon personnage…

 

Un avocat obsédé par son affaire…

Daniel Auteuil : On le voit en effet tomber peu à peu dans cette sphère infernale et j’ai l’impression d’avoir réussi la construction tragique de ce rôle qui finit par happer le spectateur. Je voulais qu’il se retrouve dans le même état que le protagoniste…

 

 

Il a une vie entre ses mains…

Daniel Auteuil : C’est exactement ça, d’où la pression qu’il ressent. Être avocat c’est un peu comme être chirurgien, si on se plante, on peut ruiner la vie d’une personne, mais aussi celle de ses proches… Mon personnage a une lourde responsabilité et il en a (peut-être un peu trop) conscience. Je tenais à ce que cette notion de peur soit introduite dans l’histoire…

C’est une véritable angoisse d’être persuadé de l’innocence de quelqu’un et de ne pas être certain de pouvoir lui rendre sa liberté, mais c’en est une aussi, pour l’avocat général, de condamner un mec à 30 ans de prison… Il faut être extrêmement sûr de sa culpabilité. Je voulais qu’il y ait toute l’histoire de la justice dans Le fil et que ça pousse à réfléchir à la notion d’intime conviction. On l’oublie souvent, mais il y a une profonde humanité dans ces métiers.

 

 

L’intime conviction pour décider d’un destin…

Daniel Auteuil : C’est ça qui est intéressant aussi dans cette histoire, c’est qu’il n’y a ni preuve ni mobile. Donc c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre et à un moment, la justice est dans l’obligation de trancher en espérant avoir trouvé la vérité…

 

Une esthétique crue quasi néoréaliste…

Daniel Auteuil : C’est vrai qu’il y a de ça et d’ailleurs, Le fil m’a rappelé un film qui m’avait impressionné, La vérité de Clouzot. Je crois que cet aspect néoréaliste vient du fait que je l’ai réalisé de l’intérieur. Je l’ai préparé en assistant à un procès pendant trois jours à Draguignan et ça m’a rapidement fait comprendre qu’il n’y avait ni effets de manches, ni rien de spectaculaire, mais qu’on était au plus près de l’intime. La problématique cinématographique était de réussir à passionner les gens sans être grandiloquent. Ça a été toute la force de mon travail…

 

Un film qui impose son rythme et ses silences…

Daniel Auteuil : C’est tout ça qui participe à l’émotion… Je n’ai fait que reproduire ce que j’ai ressenti en étant le témoin de ce procès. Il fallait filmer les silences, les temps et les malaises pour être fidèle à la réalité.

 

 

On parle souvent de ressemblance entre les métiers de comédien et d’avocat. Ils défendent tous les deux une « personnalité »…

Daniel Auteuil : C’est quelque chose qui revient régulièrement, mais le point commun principal que je trouve entre les deux métiers, c’est le talent… Celui de convaincre, d’être présent, d’y croire et d’être écouté. Ce sont les enjeux qui sont différents. L’acteur risque le ridicule, l’avocat risque de gâcher une vie pendant 20 ans…

 

On retrouve votre ami Gaëtan Roussel dans un des rôles principaux…

Daniel Auteuil : C’était une envie de travailler « en famille » bien sûr, mais ça a surtout été une évidence. En élaborant mes albums, il m’a un jour fait part de son désir d’être acteur et j’ai bien retenu cette information ! (rires) Plus j’écrivais, plus son visage m’apparaissait sous les traits du meilleur ami de l’accusé… Je savais qu’il serait à ce point crédible et formidable.

 

Réalisateur et comédien en même temps…

Daniel Auteuil : C’est en effet une somme de détails incalculables à avoir en tête, mais je crois que j’aime ça ! (rires) C’est peut-être pour cette raison que je ne me rends pas compte du défi que ça représente. Quand je suis sur le plateau et que je fais de la mise en scène, je ne pense ni à moi ni à l’acteur que je suis. Je me concentre sur les autres et passer devant la caméra devient presque une formalité. Je dirais même que c’est un avantage, par rapport aux autres interprètes, d’être réalisateur car je connaissais cette histoire par cœur. Je n’avais pas à jouer, juste à incarner…

 

 

Au jeu ou à la réalisation, vous n’hésitez pas à changer d’univers…

Daniel Auteuil : Ce sont des moments de vie différents, ce sont des circonstances… Ce sujet-là est arrivé à un moment où je pensais sincèrement que je ne repasserais plus derrière la caméra et contre toute attente, ça m’a redonné le goût de la réalisation. Encore une fois, je me suis approprié ce récit et c’était parti.

C’était magnifique d’adapter les Pagnol ou de retravailler la pièce Amoureux de ma femme de Florian Zeller, mais avec Le fil, c’est mon univers, ce sont mes cauchemars, mes fantasmes, c’est une histoire dans laquelle j’ai pu complètement m’identifier.

 

 

Grégory Gadebois dans le rôle de l’accusé…

Daniel Auteuil : Ce qui m’a séduit chez Grégory Gadebois, c’est l’enfance qu’on peut parfois voir sur son visage… Dans le film, il donne presque l’impression d’avoir le même âge que ses enfants, il a cette rondeur qui accentue une certaine bonhomie, alors on ne peut qu’avoir envie de le défendre.

 

Un film qui raconte le drame d’une véritable famille…

Daniel Auteuil : La famille a vu le film, c’était évidemment important pour moi qu’elle ne se sente pas trahie par l’histoire que j’ai racontée… Je crois ne pas avoir déçu ces gens qui ont déjà tant souffert donc il ne reste plus qu’à sensibiliser le public à ce fait « divers » et à l’univers de la justice.

© Propos recueillis au CGR Chabran Draguignan par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Julien Panie & Robin 

 

Le fil de Daniel Auteuil : Synopsis

Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier ne prend plus de dossiers criminels. La rencontre avec Nicolas Milik, père de famille accusé du meurtre de sa femme, le touche et fait vaciller ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.

 

 

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