INTERVIEW
Bruno Salomone en interview
Depuis ses premiers pas dans le groupe d’humoristes Nous Ç Nous, Bruno Salomone n’a cessé de dévoiler petit à petit au public différentes facettes de son jeu et de sa personnalité… Sur scène ou face à une caméra, le comédien fait partie de ces artistes dits « comiques » qui ont en effet su prouver qu’ils n’étaient pas des personnages de bande-dessinée coincés dans une unique forme d’expression. Tantôt drôle, tantôt émouvant, grave, sérieux ou attendrissant, tous les jeux que ses différents rôles lui ont permis d’exploiter cohabitent aujourd’hui dans un spectacle hors genre et hors norme. Seul en scène dans une histoire aussi drôle qu’instinctive et intelligente, l’artiste a choisi de raconter l’histoire fantastique d’un petit garçon dont la seule expression est le rire. Incarnant tous les personnages qui croiseront sa route, Bruno Salomone a conçu une partition à plusieurs strates de lecture allant, selon les envies de chacun, du pleinement drôle à une profonde réflexion sur le handicap et le regard de l’autre…
« J’avais envie de créer un hybride… »
Morgane Las Dit Peisson : On avait découvert Euphorique à Toulon un peu avant l’été 2016…
Bruno Salomone : À l’époque, même si l’histoire que raconte le spectacle était déjà bien ficelée, on était encore en phase de rodage. Depuis, on a beaucoup épuré et coupé pour donner du rythme et je trouve que ça apporté à Euphorique une toute nouvelle dimension. J’aime énormément ce spectacle car il est bien plus qu’un simple one-man-show… C’est un véritable conte dans lequel j’embarque le public. Les gens m’ont dit qu’ils s’étaient marrés tout en s’étant évadés et en ayant écouté une histoire. Pour un humoriste, c’est un joli compliment car si on ne propose qu’une succession de vannes, ça fait rire les spectateurs sur le moment mais ils n’en gardent rien.
40 personnages, c’est une performance mais ils prennent surtout réellement part à l’histoire…
Dans les 40 personnages, certains ne sont que de toutes petites interventions mais ils sont là avant tout pour servir l’histoire. C’est certain qu’il y a, pour un comédien, un certain challenge dans cette démarche mais il aurait été impensable pour moi que ce soit une finalité en soi… Ça fait d’ailleurs partie des raisons qui font que ce spectacle est compliqué à décrire ou à synthétiser sur une bande-annonce.
C’est d’ailleurs dérangeant de l’appeler « one-man », on est dans un seul en scène théâtral, sans décors, comique et fantastique…
Ça me fait plaisir car ça signifie qu’il est inclassable ! Je ne voulais ni faire un one-man habituel, ni un stand-up, ni un seul en scène trop théâtral et poussiéreux… J’avais envie de créer un hybride mêlant un peu tout ça donc ça me touche que ce soit ainsi que ce soit perçu par le public. Par contre, étant une forme intriguante et l’être humain ayant toujours besoin de référents, elle n’est pas évidente à expliquer rapidement ! (rires)
C’est un spectacle qui permet de retrouver toutes les facettes et les nuances de ton jeu…
J’espère qu’il en reste encore d’autres à découvrir car si j’aime étonner les gens, j’ai avant tout besoin de me surprendre moi-même ! (rires) Mais c’est vrai qu’on retrouve dans Euphorique une belle palette d’émotions et de registres… Il y a Saturnin la caillera et Mickael D’Amour qui avaient déjà fait leur apparition à l’époque des Nous Ç Nous mais aussi des nouveaux arrivants comme Tatiana Pompemol – un pur produit méditerranéen (rires) – ou Roland Culé le producteur d’émissions de divertissement qui m’a fortement été inspiré par quelqu’un que j’ai eu le privilège de croiser… (rires) Quelque part, ils font un peu tous partie de moi alors quand j’aborde un nouveau rôle devant la caméra, ils ne sont jamais très loin et je les nourris par la suite de ces expériences…
Ce mélange de caricatures scéniques et de réalisme cinématographique donne des personnages extrêmes mais crédibles…
Dans la « vraie » vie, on s’aperçoit souvent que des gens sont naturellement caricaturaux et c’est un peu d’eux dont je m’inspire pour la scène. D’ailleurs, souvent je teste mes personnages dans le quotidien pour vérifier qu’ils soient crédibles et en effet, souvent, ils ne choquent personne ! (rires) En réalité, je crois même qu’on joue presque toujours un rôle dans notre vie de tous les jours… C’est excitant de se mettre dans une autre énergie que la sienne, ça permet de s’oublier et de se dépasser…
Ils nous font oublier le comédien…
C’est exactement ce que j’aime et ce que je recherche quand je me glisse dans un rôle… Je fais un gros travail sur le corps et sur la voix de façon à tenter d’effacer au maximum mon enveloppe charnelle de manière à ce que le public puisse se représenter, un peu comme lorsqu’il lit un roman, son propre personnage. Pour accentuer cette sensation de liberté et laisser place à l’imaginaire, on a tenu à ne pas tomber dans l’accumulation de décors, costumes ou accessoires. C’est une mise à nu qui offre une rélle page vierge…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Renaud Corlouer
Interview parue dans les éditions #1 et #2 du mois de mars 2018
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