INTERVIEW

Antonia de Rendinger en interview

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Capable de nous emmener littéralement ailleurs en une fraction de seconde uniquement par sa façon quasi schizophrénique d’incarner des personnages autant dans sa chair que dans sa voix ou son esprit, Antonia de Rendinger – qui était comme un poisson dans l’eau lors les défis pourtant stressants de l’émission On n’demande qu’à en rire – est loin de n’être qu’une pure humoriste… Sur tous les fronts, de l’imagination à la scène en passant par l’écriture de ses spectacles, cette grande sale gosse qui s’est amusée à jouer les petites filles aux allures carnassières sur son affiche, est en réalité un véritable caméléon qui nous fait – à travers des personnages fêlés, souvent cyniques et parfois fragiles – oublier que les 35 personnes qui l’accompagnent sur scène n’existent pas vraiment…


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dans « Moi jeu ! » • À Monaco du 07 au 10 décembre 201 • À Paris jusqu’au 12 janvier 2018 • À Marseille le 07 avril 2018

 


« Ne pas être moi, bizarrement, me rassure et me permet de tout envisager… »


Morgane Las Dit Peisson : Tu marques beaucoup les gens par ta capacité à incarner des personnages… 

Antonia de Rendinger : Dans ce spectacle Moi jeu !, il doit y avoir environ 35 personnages… C’est curieux mais j’ai parfois un peu l’impression d’être comme Whoopi Goldberg dans Ghost quand elle joue la médium habitée par le personnage de Patrick Swayze qui s’invite en elle pour communiquer avec les vivants. À chaque fois que je suis sur scène, je vis ça… Des personnalités entrent en moi et je n’ai plus l’impression ni la conscience d’être moi. Dans ces moments là, plus aucun cm2 de ma peau ni même un seul ongle ne m’appartient et c’est quelque chose dont je ne suis pas responsable… 

Ça va jusqu’à une véritable transformation physique…

En effet, quand les gens viennent me voir à la fin du spectacle pour me dire qu’ils m’ont complètement oubliée – quand j’incarne par exemple la prof de SVT – tant ma voix et ma posture sont différentes, je suis ravie car c’est cette transformation que je ressens quand je joue… Par contre, je suis tout de même à chaque fois étonnée car quand je me vois en vidéo, la magie disparaît et je ne vois plus que moi, tout bêtement, en train de jouer à « être » un personnage. C’est compliqué d’avoir un regard extérieur sur soi-même…  

Pour y parvenir, il faut se vider l’esprit ?

Je pense en effet qu’il faut laisser de la place à l’autre quand on s’apprête à monter sur scène et d’ailleurs, lorsque parfois, on est un peu « à côté » de son personnage, c’est qu’on ne lui a pas laissé suffisamment d’espace, c’est qu’on n’a pas assez ouvert les vannes et fait le vide en soi. Je viens de l’improvisation où l’on enseigne beaucoup le lâcher prise qui permet de ne plus avoir peur de rien, ni du ridicule, ni du trou de mémoire… Il n’y a plus qu’un instant T que l’on doit habiter par ses silences, sa recherche et sa fragilité. C’est grâce à ça que je laisse aussi la liberté à mes personnages d’être un peu différents d’un soir à l’autre, j’ai besoin d’avoir la sensation de les interpréter pour la première fois car le jour où je les ferai par habitude, avec des automatismes, personne dans la salle n’y croira.  

Il y a une méthode pour garder cette fraîcheur ?

Le premier spectacle a été écrit dans la souffrance car je m’acharnais à l’écrire scolairement, assise devant mon ordinateur alors dès le second, j’ai changé ma façon de travailler. Depuis, j’organise des soirées d’improvisation avec un maître de jeu à qui je ne donne que quelques grands axes de ce dont j’ai envie de parler, comme par exemple le nombril. Je voulais l’aborder sans savoir quoi en dire et, face au public, en état « d’urgence », les idées me sont venues d’un coup ! (rires) Quand on se sent en danger, il y a une chimie qui se produit dans le cerveau qui nous pousse à nous surpasser. Sur scène, on n’a plus le temps de regarder la mouche voler, d’essayer de tenir un stylo avec sa narine, on est dans l’obligation d’être efficace immédiatement… Le deuxième spectacle est né comme ça, sur scène. Ensuite, bien sûr, j’ai dérushé, retouché et créé des passerelles. 

Ça permet aussi de faire naître des personnages plus instinctifs ?

Exactement, quand ils apparaissent, c’est naturel et viscéral, ça n’a pas le temps d’être intellectualisé et c’est peut-être pour ça qu’ils donnent autant la sensation d’être « vrais ». 

Aller sur scène sans personnages ne t’a jamais tentée ?

Sincèrement non, je crois d’ailleurs que je serais incapable de me présenter sur scène en n’étant que moi… Je suis toujours en train de me composer quelque chose même quand je fais une présentation de soirée. Ne pas être moi, bizarrement, me rassure et me permet de tout envisager. Je suis d’une famille relativement classique, traditionnelle, assez catholique, avec un nom à particule, alors j’ai parfois appréhendé que des proches viennent me voir en spectacle… J’ai eu peur d’être répudiée avec toutes les horreurs que mes personnages me forcent à balancer ! (rires) Mais ils ont vraiment fait la part des choses car ils savent que sur les planches, ça ne peut justement pas être moi… 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Paola Guigou et Kasia Kosinski

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