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INTERVIEW

Antoine Duléry en interview

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Alors qu’il a passé plus de 30 ans de sa vie à alterner toute sorte de rôles au cinéma, au théâtre et à la télévision, sans – contrairement à ce que l’on a souvent pu observer du côté des comédiens issus du 7ème Art – la moindre suffisance, Antoine Duléry s’est lancé, il y a quatre ans, un nouveau défi… Après, donc, avoir prêté ses traits au Commissaire Larosière dans Les Petits Meurtres d’Agatha Christie pendant trois ans, campé par trois fois le personnage de Paul Gatineau dans la comédie Camping et avoir fait ses armes sur les planches dans des oeuvres classiques, l’acteur s’est laissé convaincre de s’essayer à l’exercice aussi périlleux que solitaire du seul en scène ! Maîtrisant l’imitation, conservant son sens aigu de l’interprétation mais désirant tout de même rompre de temps en temps ce quatrième mur qui l’a si souvent – par le biais des écrans – séparé du public, dans Antoine Duléry fait son cinéma (mais au théâtre), l’acteur a décidé de marier toutes ces formes de jeu qu’il affectionne tant… Racontant l’histoire d’un personnage qui lui ressemble, il invite le public à découvrir tous ces acteurs et tous ces films qui l’ont marqué au point d’avoir, à leur manière, participé à ce qu’il est devenu.


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« ANTOINE DULÉRY FAIT SON CINÉMA (MAIS AU THÉÂTRE) »

Interview 2020 d’Antoine Duléry pour son livre « Imitacteur » à retrouver ici !


« J’avais très peur d’aller seul sur les planches… »


 

Morgane Las Dit Peisson : Vous êtes un habitué du théâtre, de la télévision et du cinéma, comment, après plus de 30 ans, avez-vous osé vous lancer seul en scène ?

Antoine Duléry : (rires) C’est le mot juste ! Il faut oser et j’ai d’ailleurs mis beaucoup de temps à y arriver car, pour ne rien vous cacher, j’avais très peur d’aller seul sur les planches ! Ça faisait des années que l’idée faisait son chemin dans un coin de ma tête à cause – ou grâce – aux gens qui me disaient qu’il était temps que j’essaye de faire quelque chose du petit don d’imitation que j’avais et qui ne me rassurait d’ailleurs pas… Je fais quelques voix mais je ne me considère pas imitateur pour autant… Et puis, un jour, Muriel Robin m’a fait la réflexion que c’était idiot de n’exploiter ça que dans des dîners, elle m’a préconisé de me permettre de « m’amuser » et ça a été un véritable déclic !

Monter ce spectacle a exigé des concessions…

Oui, j’ai pris la décision d’arrêter la série Les Petits Meurtres d’Agatha Christie qui pourtant cartonnait mais qui me prenait pas mal de temps et je me suis mis moi-même au pied du mur en me consacrant pleinement à la création de mon tout premier one man show Antoine Duléry fait son cinéma (mais au théâtre)… Si je ne m’étais pas imposé cette rupture nette, je serais encore en train de me trouver des excuses d’emploi du temps pour éviter de sauter le pas… (rires) Je me suis « offert » le temps nécessaire pour réaliser ce rêve et, même si ça n’a pas été facile – tant financièrement que psychologiquement -, je ne regrette pas de ne pas avoir continué à reculer car je suis extrêmement heureux aujourd’hui de l’avoir fait…

C’est un spectacle complet dans lequel se sont glissées des voix pour le bien de la dramaturgie mais pas dans une optique de démonstration…

Exactement, c’est un spectacle d’évocations dans lequel il y a de nombreuses imitations d’acteurs que j’aime et à qui je rends hommage mais tout s’imbrique dans un fil conducteur. J’ai d’ailleurs renoncé à des voix que j’aimais énormément mais qui ne rentraient pas dans l’histoire que je raconte.

Ça raconte quoi justement ?

Jean Dujardin, il y a des années, m’avait conseillé de m’inspirer de moi pour écrire ce spectacle et c’est ce que j’ai finalement fait en mettant en scène un personnage généreux qui est incapable de partir d’une soirée à force de céder aux demandes d’imitations ! Je suis donc chez Fabrice Luchini, ma femme ne cesse de m’appeler mais je n’arrive jamais à me sauver de ce dîner au point que tous les invités seront partis avant moi en me laissant seul ! Je vois donc un psy – une espèce d’Henry Chapier – et, au fil de mon introspection, je lui expose pas mal de choses, des rencontres, des souvenirs et ça donne des croisements improbables entre des Fabrice Luchini et Louis Jouvet ou des Robert De Niro et Michel Serrault… En évoquant ces acteurs, je parle évidemment beaucoup de moi car c’est un spectacle d’admiration et d’hommage – mais drôle – à ces personnages qui m’ont inspiré et qui, sans le savoir, m’ont fait !

Certains d’entre eux ont vu le spectacle ?

J’ai la chance, par exemple, d’être ami avec Jean-Paul Belmondo depuis 20 ans maintenant alors qu’il était mon héros quand j’étais jeune ! Il est venu voir deux fois ce spectacle dans lequel je l’imite, il en est fan et pour moi, c’est peut-être la plus belle des récompenses… Mais il y en a une autre, tout aussi magnifique, celle d’apercevoir des jeunes dans la salle qui découvrent à travers mon jeu un cinéma et des acteurs qu’ils ne connaissaient pas !

C’est une vision intime d’un cinéma sans paillettes…

Oui, je ne m’intéresse pas du tout à une actualité people, uniquement à des films devenus pour moi des classiques comme Un singe en hiver ou Les enfants du Paradis… Les acteurs qui ont participé à ces chefs-d’oeuvre ne sont pas démodés puisqu’ils n’étaient déjà pas à la mode, ils sont des personnages marquants et intemporels qui resteront dans la mémoire collective et c’est ce qui fait, je pense, qu’Antoine Duléry fait son cinéma pourra se jouer longtemps sans prendre une ride ! (rires) Ce n’est pas un spectacle sur l’immédiateté de la vie, et en ça, je crois qu’il me ressemble beaucoup et surtout qu’il est sincère…

Le cinéma peut être un univers rude et fait de rivalités pourtant, votre spectacle nous montre l’inverse…

Ce que vous dites me fait plaisir car en effet, bien que ça puisse être un milieu plein de coups bas, ce n’est pas ce que j’ai envie de retenir de cet art majeur qu’est le cinéma… Fabrice Luchini m’avait dit que j’avais le don d’admirer et un jour, un ami est venu voir le spectacle et m’a dit que j’étais admirable car je savais admirer… Je ne suis pas certain que je sois pour autant « admirable » mais je tiens à garder à l’esprit que lorsqu’on joue et que l’on tourne, on doit être, si l’on veut être juste, dans le partage, dans l’amour de l’autre mais pas dans la vanité…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Partick Gaillardin

Interview parue dans Le Mensuel de mai 2017 n°381 éditions #1 et #2

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