INTERVIEW
Anggun en interview
Au risque de décevoir les adeptes des préjugés, Anggun est une femme qui casse les codes… Car bien qu’indéniablement belle et talentueuse, on finit par voir rapidement s’estomper ces deux évidences lorsque l’on discute avec elle… Sincère, naturelle, loyale, sensée et respectueuse, l’artiste tombée en amour pour la France il y a déjà 20 ans, pourrait nous laisser croire que la perfection existe en ce bas monde ! Star indétrônable dans son Indonésie natale depuis sa jeunesse bien qu’elle lui ait préféré – pour notre plus grand plaisir – notre pays, l’interprète de Toujours un ailleurs, en véritable citoyenne du monde ne cesse de parcourir ce dernier pour rencontrer des publics de prime abord différents mais que sa musique sait rassembler.
« TOUJOURS UN AILLEURS »
« J’ai besoin d’être sincère et de pouvoir me regarder dans la glace… »
Morgane Las Dit Peisson : Vous êtes devenue française…
Anggun : Oui je le suis devenue en 2001 car la France est un pays qui m’a tendu les bras, qui m’a adoptée, qui a accueilli ma musique et qui m’a, en apprenant la langue, offert une belle identité… Par contre, c’est du coup ici que je paye mes impôts et ça, c’est certainement la chose la moins cool ! (rires) C’est une grande richesse que de se choisir une nouvelle patrie car ça oblige à être curieux, à apprendre constamment, à percer certains mystères de la langue, à s’ouvrir culturellement, à s’intéresser à la vie active pour pouvoir, par exemple, voter. Puisque l’Indonésie n’accepte pas la double nationalité, j’ai tranché mais pour moi, c’était un geste naturel, d’ailleurs on dit « être naturalisé »…
Vous étiez, avant même d’arriver à Paris, une star en Indonésie…
Oui et c’est peut être pour ça que j’ai tout quitté. Ça devenait un peu trop facile… Quand vous avez du succès à moins de 20 ans, tout vous semble simple et presque normal. Mais dans la vraie vie, ça ne se passe pas comme ça. J’étais entourée de plein de parasites ou de gens qui me complimentaient toute la journée et j’ai réalisé que le succès, en arrivant, amenait avec lui son lot de faux amis. Mais évidemment, on ne s’en aperçoit pas tout de suite ! (rires) Avec le recul, j’ai compris que c’est bien aussi d’apprendre à être déçue et d’accepter la frustration… J’ai eu besoin de partir pour savoir si je pouvais être aimée pour moi et si je valais vraiment quelque chose, alors j’ai acheté un billet simple pour l’Europe et j’ai décidé de tout recommencer à zéro.
Il faut se protéger du succès…
C’est un métier magnifique où l’on apprend énormément, pourtant, régulièrement je vois autour de moi les mêmes erreurs se reproduire, des gens prendre la grosse tête en oubliant qu’ils vont sûrement se casser la figure juste après… J’essaye de me protéger de ça car je souhaite sincèrement conserver une certaine candeur. Je ne suis pas très mondaine, je me concentre sur ma musique et je suis toujours entourée des mêmes amis depuis mon arrivée en France.
Une fidélité qui s’applique aussi envers vos musiciens…
Oui, ce sont de charmants garçons même si parfois, eux, me sont infidèles entre les tournées… (rires) Pour moi, ce ne sont pas des accompagnateurs, on forme réellement un groupe sur scène tous ensemble puisque, bien qu’ils aient l’embarras du choix pour travailler, ils sont présents depuis 13 ans et prennent du plaisir à jouer mes morceaux.
Vous semblez aimer le partage…
Je trouve ça important en effet d’aller vers d’autres artistes, c’est pour ça que j’aime autant les duos car ils peuvent nous emmener vers de nouveaux registres. C’est d’ailleurs dommage qu’en France ça ne soit pas mieux perçu. J’avais fait par exemple un album avec les producteurs de Kery James et IAM mais, alors qu’ici ça avait fait un fiasco total, la version anglaise sortie en Asie s’est retrouvée quant à elle sept fois disque de platine ! (rires) Je crois que ça sortait du cadre dans lequel on s’attendait à me voir et je suis d’ailleurs toujours étonnée et amusée de l’image que les gens ont de moi… J’aime les belles robes et les bijoux mais sur scène, je ne suis pas princesse du tout, au contraire, j’adore montrer mon côté rock. Je suis un peu caméléon et multiple, pour moi l’art, c’est avant tout de l’échange et je pense que je dois ça à mon père qui était une figure assez importante en Indonésie. Chez nous, il y avait toujours des artistes et des hommes de lettres, c’était un peu leur QG ! (rires) Je suis admirative de ce qu’il avait créé car il essayait de faire de cette mouvance un genre de collectif et ce sont malheureusement des initiatives qui se font trop rares…
Parmi les duos, on retrouve Florent Pagny…
Ma maison de disques, pour Nos vies parallèles, avait envie que je fasse un duo avec un artiste qui fonctionne très bien en ce moment mais que je ne connaissais pas personnellement alors qu’on parlait d’une chanson sur une histoire d’amitié… Je comprenais les raisons commerciales d’un tel choix mais, même si la vie est faite de compromis, j’ai besoin d’être sincère et de pouvoir me regarder dans la glace. Pour moi, Florent Pagny était une évidence car nous sommes très liés depuis mon arrivée en France, il m’a soutenue à mes débuts et je crois que ça, les gens le ressentent. Aujourd’hui, tout est trafiqué, photoshopé et déformé alors je ne voulais pas que cet hymne à l’amitié le soit aussi !
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Darius Salimi
Interview parue dans Le Mensuel d’avril 2017 n°380 éditions #1 et #2
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