INTERVIEW

Amelle Chahbi en interview

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Découverte par quelques-uns lors de ses apparitions dans le Jamel Comedy Club, c’est réellement avec Noom Diawara et le succès de leur pièce Amour sur place ou à emporter qu’Amelle Chahbi a rencontré un public désormais ravi de suivre ses projets et son évolution. À l’affiche d’un premier one-woman-show depuis l’an dernier, la jolie comédienne a décidé de reprendre du service tout cet hiver sur Paris afin de retravailler le plus possible ce spectacle qui a fini par changer de nom en cours de route… En effet, si son premier titre Où est Chahbi ? représentait à la fois – en faisant référence au personnage britannique à la marinière rouge Où est Charlie ?l’enfance et l’atroce réalité à laquelle nous devons faire face aujourd’hui – en rappelant le fameux slogan Je suis Charlie -, s’il nous questionnait sur notre innocence perdue et ce qu’il reste de nos désirs d’unité et de fraternité, l’humoriste s’est aperçue au fil du temps, que les réponses qu’elle trouvait répondaient plutôt à la question Qui est Chahbi ? Tout en se présentant donc à travers des personnages qui ont marqué sa vie, c’est un peu de nous, de notre pays et de nos valeurs que celle-ci qui aime faire place au débat a fini par dépeindre sur scène…


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Spectacle « Qui est Chahbi ? » à Paris jusqu’au 13 janvier et à Lorgues le 07 avril

À l’affiche du film Coexister de Fabrice Éboué en salles depuis le mercredi 11 octobre 2017


« J’avais besoin d’interpréter des rôles… »


Morgane Las Dit Peisson : La scène, c’est de l’artisanat, on retravaille sans cesse…

Amelle Chahbi : C’est exactement ça, d’ailleurs entre les termes « artiste » et « artisan » la frontière est mince… Retravailler, améliorer et peaufiner mon spectacle Qui est Chahbi ?, c’est réellement ce que je recherche pour cette nouvelle saison parisienne. L’an dernier, je l’ai joué au Théâtre de Paris qui est une très grande salle et qui, du coup, ne m’a pas permis d’installer cette récurrence qui offre la possibilité de faire des retouches par-ci, par-là chaque soir… Là, j’ai fait tout l’inverse, j’ai pris une toute petite salle pendant plusieurs mois pour avoir moins de pression, plus de temps et pour réussir à libérer mon esprit du texte et de la mise en scène. C’est quand on maîtrise les « contraintes » que l’on peut vraiment s’éclater !

Si on s’en tient au titre, ce spectacle c’est vous ?

C’est complètement moi en effet ! Le meilleur moyen que j’ai trouvé pour me dévoiler dans Qui est Chahbi ?, c’est de répondre à cette question à travers la voix de mes proches qui sont devenus les personnages que j’incarne sur scène. Ils sont cinq qui, en parlant d’eux parlent de moi, en parlant de moi parlent d’eux et surtout parlent de la France d’aujourd’hui qu’ils représentent…

Vos personnages existent donc vraiment ?

Oui, par exemple, Tata Zouzou est réellement ma tante… Je l’ai choisie car, à mes yeux, elle représente toute cette génération de femmes  – marocaines, algériennes, turques, italiennes ou portugaises – venues en France dans les années 70 pour trouver du travail et donner à leurs enfants un avenir meilleur. C’est grâce à ces femmes là que mes copines et moi, on a pu devenir des journalistes, comédiennes, doctoresses ou avocates… Mais il y a aussi Julien Duchemin, fraîchement converti à l’islam parce qu’on lui a offert l’album du 113 ! (rires) Ce sont des personnages que l’on connaît tous de près ou de loin et qui font maintenant partie intégrante de la France alors je tenais vraiment à leur donner la parole. Évidemment, je grossis le trait comme avec la kaïra ! J’adore les kaïras car ce sont des gens sans filtre à une époque où l’on passe notre temps à arrondir les angles pour ne pas faire de vague. 

C’est la franchise qui caractérise ces personnages…

Exactement, ils sont tous francs du collier et ont un avis sur tout y compris sur la politique. J’avais envie de casser l’image des immigrés qui, à cause de leur accent, passent pour des idiots aux yeux de certains alors qu’ils ont souvent une intelligence de vie incroyable ! Mes personnages ont une fraîcheur, une naïveté et une honnêteté totale, c’est pour ça que je les aime autant. 

Une franchise chez vos personnages qui rappelle celle de votre metteuse en scène… 

Travailler avec Josiane Balasko c’est travailler avec une spécialiste de la comédie et c’est un honneur pour moi qu’elle ait accepté de signer ma mise en scène car elle n’a pas apposé son nom sur l’affiche, elle a réellement pris part à la création du spectacle. C’était pour moi la personne la mieux placée pour me mettre sur le bon chemin car en effet, elle n’a pas la langue dans sa poche, elle est droite, elle vient comme moi d’une troupe et surtout elle maîtrise cette comédie d’incarnation… De par le Jamel Comedy Club et ma génération, on aurait pu s’attendre à ce que je parte sur quelque chose de plus « stylé » comme le stand-up mais – même si je trouve ça très bien – j’avais besoin d’interpréter des rôles et de me glisser dans la peau de différentes personnalités.

Il y a la scène et votre travail de comédienne mais aussi le cinéma et la réalisation…

J’adore la scène, c’est viscéral mais je dois avouer que raconter une histoire sur grand écran était tout de même un rêve bien que j’ai vite saisi que c’était un travail colossal ! (rires) Ça me semblait inaccessible et pourtant, si on y regarde de plus près, c’est un des arts les plus populaires, c’est l’art qui touche le plus de monde… C’est ça, je crois, qui m’a le plus attirée… J’avais envie de raconter les histoires de gens qui me sont proches mais qui ressemblent à ceux que tout un chacun connaît. C’est impressionnant comme une histoire personnelle peut devenir sociétale et universelle. Avec l’adaptation au cinéma du spectacle Amour sur place ou à emporter, il était important pour moi de parler du couple mixte que l’on a tendance en France à nous représenter continuellement blanc / noir pour évoquer le racisme, alors que ce dernier existe partout et dans tous les sens ! Il n’y a pas que le blanc qui soit raciste, le noir l’est, l’arabe l’est et le chinois l’est certainement aussi ! Le racisme existe entre deux minorités, malheureusement personne n’en est à l’abri…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Thomas Lavelle

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