INTERVIEW
Fanny Cottençon en interview
Ce qui est certain, c’est que Fanny Cottençon n’a jamais choisi, depuis le début de sa carrière, ses rôles au hasard. Que ce soit au cinéma, en télévision ou sur les planches, la charmante comédienne au regard bleu perçant a en effet toujours été attirée, qu’il s’agisse de drame ou de comédie, par des situations et des textes populaires, au sens le plus noble du terme. De Pourvu qu’il soit heureux – la dernière pièce de Laurent Ruquier – où elle incarne en ce moment une mère apprenant que son fils est homo aux Monologues du vagin qu’elle a créé seule en scène en 2000 en passant par Pleins feux où elle campait une comédienne en quête de reconnaissance ; Fanny Cottençon a, de partition en partition, représenté la femme d’aujourd’hui à travers ses multiples facettes jusqu’à faire évoluer sa condition en acceptant, par exemple, d’aborder tout haut chaque soir sur scène une intimité et une sexualité encore taboues de nos jours pour des millions de femmes…
Fanny Cottençon dans la pièce Pourvu qu’il soit heureux Hyères / 07 décembre 2019
« Les messages passent toujours mieux en riant qu’en jouant les donneurs de leçons… »
MORGANE LAS DIT PEISSON : En tournée avec la pièce Pourvu qu’il soit heureux…
FANNY COTTENÇON : Malgré la fatigue physique qui s’installe en tournée, on ressent un réel plaisir à rencontrer des gens qui nous attendent avec envie… La province est beaucoup moins violente et blasée que Paris ! (rires) Dès qu’on commence à jouer, on sent que le public n’est pas là pour faire de la figuration mais bel et bien pour être embarqué dans une histoire. Contrairement à ce que beaucoup pensent, il y a un réel appétit pour les spectacles en région !
Vous jouez énormément au théâtre, parfois à 2 ou 3 personnages seulement…
Quand on fait la démarche d’aller sur scène, on sait que quoi qu’il advienne, on va devoir se donner intégralement mais quand on ne joue qu’à deux ou trois personnages, c’est encore plus intense… Antonin Artaud disait qu’un comédien de théâtre était un athlète du sentiment et je trouve ça extrêmement juste car on y est physiquement très engagé… C’est ce qui fait toute la beauté de cet art.
Choisir ses pièces…
Je fonctionne énormément à l’humain. Bien sûr la pièce en elle-même donne la première température mais avec l’expérience, j’ai appris à prendre en compte l’importance des équipes dans mes décisions. Car lorsqu’une pièce fonctionne et qu’on se retrouve loin de chez soi pendant des mois, il est impératif de bien s’entendre avant que ça ne devienne un calvaire ! (rires)
Francis Huster comme partenaire…
Il a une qualité pour moi fondamentale, sans laquelle il serait insupportable (rires), c’est que c’est un être profondément gentil. Ça permet d’accepter toutes ses excentricités, ses folies et ses passions dévorantes ! Il est d’une droiture à toute épreuve et bien sûr d’un talent et d’un professionnalisme indéniables.
La pièce de Laurent Ruquier…
Elle m’a immédiatement séduite grâce à la qualité de son écriture et à l’intelligence de ses propos. Pourvu qu’il soit heureux parle de la manière dont l’homophobie peut s’insinuer chez des êtres sans qu’ils n’en soient vraiment conscients. Le couple qu’on incarne avec Francis Huster était plutôt ouvert d’esprit et pour le mariage homosexuel, en tous cas jusqu’à tant que ça concerne leur fils ! (rires) Tout prend alors une autre dimension, une autre couleur et à travers cette thématique, Laurent Ruquier décortique la question de l’acceptation des gens qu’on aime tels qu’ils sont et non pas tels qu’on voudrait qu’ils soient…
Divertissant mais pas que…
C’est plaisant car une fois la pièce terminée, les gens débattent entre eux ou viennent nous parler de leurs expériences. Certains reconnaissent leurs parents, d’autres réalisent pourquoi qu’ils ont dû blesser leur enfant, c’est amusant et enrichissant d’échanger avec le public sur la tolérance et les rejets. C’est véritablement une pièce dont on ressort tous aussi ravis que grandis et ça fait du bien ! Et puis, je reste persuadée que les messages passent toujours mieux en riant qu’en jouant les donneurs de leçons…
Il y a eu, dans les pièces « utiles », les monologues du vagin…
Créer cette pièce en 2000 a non seulement été un bonheur de comédienne mais aussi de citoyenne. C’est la vocation même du théâtre ! Ce texte a contribué à libérer la parole de la femme alors qu’à l’époque, je n’osais même pas donner le titre à mon père ! (rires) Vingt ans plus tard, on voit bien que les mentalités ont avancé et ça donne l’impression, en effet, d’avoir été utile à quelque chose… Dans le même registre, j’ai d’ailleurs signé dernièrement la préface d’un ouvrage qui s’intitule Le livre très sérieux du clitoris… (rires)
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à La Palestre au Cannet • Photos droits réservés & Svend Andersen
You must be logged in to post a comment Login