INTERVIEW
Macha Méril en interview
Pour la première fois montée en France, La légende d’une vie – pièce oubliée de Stephan Zweig – s’est offert les services de Natalie Dessay, Gaël Giraudeau et Macha Méril pour narrer l’histoire du fils d’un écrivain célèbre qui, à son décès, s’est retrouvé élevé au rang de demi dieu par une veuve qui l’aime toujours d’un amour inconditionnel… Alors que le fruit de cette union tente de se faire à son tour un nom dans le monde littéraire, débarque une femme mystérieuse qui semble avoir elle aussi très bien connu ce génie disparu… Excellant sur les planches comme dans tout ce qu’elle entreprend depuis 60 ans, Macha Méril, avide de vie, ne peut s’empêcher d’écrire, de cuisiner, de conter, d’incarner, d’admirer, de partager mais surtout d’aimer !
Macha Méril dans La légende d’une vie
Fréjus / Les Nuits Auréliennes / 25 juillet • Festival de Ramatuelle / 04 août • Marseille / 30 novembre
Macha Méril lit Monsieur Teste
Villeneuve-Loubet / Festival des Mots / 28 juillet / gratuit
« Je ne pourrais pas me résoudre à m’interdire de dire ce que je pense ! »
MORGANE LAS DIT PEISSON : La légende d’une vie se joue pur la 1ère fois en France donc vous êtes la 1ère Maria Folkenhof…
MACHA MÉRIL : Ça procure un plaisir incroyable d’être la première à jouer un rôle qui, j’en suis sûre, sera repris par de nombreuses autres comédiennes ! C’est un peu comme si je lui avais donné une couleur, c’est très jouissif ! Je pense que dans la vie d’une actrice, c’est un petit moment privilégié car on ne cherche ni à se comparer à celles qui nous ont précédées ni à les dépasser, on doit seulement se concentrer sur la « fabrication » du personnage…
Une pièce qui traite entre autres de la filiation…
Le secret d’une bonne pièce c’est d’aborder des thèmes intemporels comme la filiation par exemple. La question de savoir ce qu’on hérite de ses parents et ce qu’on en fait intéresse les humains depuis la nuit des temps ! Freud disait qu’il fallait tuer ses parents et il n’avait pas tort car on ne peut pas vivre éternellement dans leur admiration et leur respect… À un moment, il faut prendre leur place…
C’est aussi l’histoire d’un amour…
Je suis extrêmement sensible à ce thème de l’amour unique car je suis convaincue que si on a connu le véritable grand amour une fois, celui-ci dure toujours… Les deux femmes de la pièce ont éprouvé ce sentiment absolu pour un même homme qui, bien que mort, reste toujours au centre de leurs pensées. C’est quelque chose de magnifique qui va complètement à l’encontre de ce que nous dit notre époque… L’amour n’est pas à prendre à la légère, c’est un sentiment magique qui vous tombe dessus et dont il est difficile, quand ça arrive, de ne pas reconnaître le pouvoir. C’est presque du domaine du divin…
Un sentiment qui ne vous est pas étranger…
Je l’ai connu très tardivement mais je sais que c’est pour toujours et que même en son absence – et ce jusqu’à ma propre mort -, je continuerai à aimer Michel Legrand… Rencontrer l’amour est une espèce de miracle et je crois malheureusement qu’il n’arrive pas dans toutes les vies. Quand je vois tous ces sites de rencontres qui incitent à choisir un compagnon comme on configure une voiture ou comme on organise un entretien d’embauche, c’est pratique certes mais ce n’est pas de l’amour ! (rires)
Vous avez toujours donné votre opinion…
Je pense qu’avoir une opinion est une des fonctions de l’acteur et puis je suis d’une génération qui a fait 68 et qui a brandi le féminisme comme cause fondamentale alors je ne pourrais pas me résoudre à m’interdire de dire ce que je pense ! Je me suis d’ailleurs énormément éduquée pendant 33 ans à l’art de la parole au sein des Grosses Têtes car il faut y être rapide, concis, drôle et très efficace ! (rires)
Une expression qui passe aussi par l’écrit…
L’écriture est un exercice très puissant, un endroit d’intimité où l’on dit des vérités très fortes et où l’on se livre parfois plus qu’à la personne qui partage notre vie… Avec les proches, on est diplomate tandis que face à une page blanche, on n’a aucune raison de se retenir ! (rires) Et puis, à chaque fois que je me mets à écrire, je me laisse charmer par la beauté de la langue française et par la multitude de ses mots…
Des livres de cuisine…
Je donne beaucoup d’importance à la cuisine pour diverses raisons… Elle peut aussi bien être art que tradition, survie ou plaisir voire même acte de résistance ! Grâce à elle, on peut lutter contre ce que la grande consommation voudrait détruire, maintenir un peuple en vie ou encore rechercher une excellence. Et puis, avant toute autre chose, la nourriture, c’est la santé ! C’est notre premier médicament et on a trop tendance à l’oublier !
Et une autobiographie, Michel et moi, qui retrace cette histoire d’amour entrecoupée de 50 ans « d’attente »…
Avec le recul j’ai réalisé que le dénouement de notre histoire était certainement arrivé au bon moment même si, on peut avoir l’impression d’avoir perdu des années… En toute franchise, je ne sais pas si j’aurais pu supporter certains de ses traits de caractère à des moments où son succès foudroyant lui faisait parcourir le monde et je ne sais pas non plus si j’aurais été assez altruiste pour le suivre… Il ne faut jamais vivre avec des si, je suis assez partisane du fatalisme, c’est peut-être mon côté russe ! (rires) Je pense sincèrement que les choses se passent quand elles doivent se passer… On s’est retrouvés au moment où l’on était disponibles tous les deux et ça a été beau même si je ne peux que regretter que ça n’ait pas pu durer un peu plus longtemps…
Quand il a eu sa pneumonie, je savais qu’il fallait qu’il lève le pied et qu’il arrête de prendre l’avion mais comment empêcher cet homme de savourer sa tournée au Japon et ses concerts en Russie ? Je suis consciente que l’avoir laissé vivre sa passion jusqu’au bout a certainement un peu écourté sa vie mais je n’aurais jamais pu lui interdire d’être ce qu’il était, ce génie flamboyant… Il faut croire au destin car je ne pense pas que l’on prenne de mauvaises décisions dans la vie, on fait des choix qui nous forgent, nous construisent et nous apprennent…
Un amour qui rappelle qu’il n’y a pas d’âge pour aimer…
J’aurais tendance à croire que le véritable amour ne peut pas arriver quand on est jeune ! On ne se connait pas soi-même, on veut plaire à la société, à ses parents, à l’être qu’on veut séduire et on est bombardé d’exigences tandis que quand on a un certain âge, on va au contraire à l’essentiel et l’on n’hésite pas à se « sacrifier » par amour… Plonger dans la vie de Michel a été un délice que je n’aurais certainement pas apprécié à sa juste valeur quand j’avais ma propre carrière à mener…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Catherine Gugelman
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Interview parue dans les éditions n°405 #1, #2, #3 et #4 spéciales été 2019
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