INTERVIEW
Sarah Doraghi en interview
Repérée il y a une dizaine d’années par William Leymergie alors même qu’elle possédait encore un passeport pour travailler en France, la rayonnante journaliste d’origine iranienne s’est vue confier la rubrique « Culture en régions ». En véritable passionnée et éternelle curieuse, Sarah Doraghi arpente donc un pays qui l’a accueillie enfant et dont elle s’est éprise au point de devenir l’une des meilleures ambassadrices de la richesse culturelle qu’il abrite sur son territoire. Enjouée et bavarde, c’est depuis quelques temps seule sur scène que telle Shéhérazade, elle nous raconte avec autant d’humour que de sensibilité et de charme, l’histoire d’une vie qui fait souvent écho à nôtre…
« JE CHANGE DE FILE »
« Une passion finit toujours par s’imposer à toi, quoi que tu fasses ! »
Morgane Las Dit Peisson : C’est vraiment vrai que la scène fait tout oublier ?
Sarah Doraghi : C’est très étrange mais oui ! (rires) C’est d’ailleurs ça qui a fini par me convaincre quand Isabelle Nanty m’a poussée à faire ce spectacle Je change de fil… Je lui disais que j’avais peur, que j’étais chroniqueuse et que la comédie n’était pas mon métier mais elle m’a répondu que ces réflexions là n’étaient que des questions d’ego et qu’à partir du moment où je pensais foncièrement ce que je disais, rien de mal ne pouvait m’arriver sur scène… Bien sûr, certains aimeront et d’autres pas mais quand le spectacle commence, on ne peut pas y penser tant notre esprit est à ce que l’on fait et à ce que l’on défend. C’est incroyable mais quand on se retrouve face au public, on est uniquement porté par la conviction du texte que l’on propose…
On te voit presque chaque jour dans Télématin mais la scène est une grande première…
C’est sûr que sans Isabelle Nanty, je n’aurais pas osé me lancer mais j’ai toujours eu envie de devenir comédienne et ce qui est stupéfiant, c’est la façon dont elle arrive à voir tout ce que les autres ne perçoivent pas… Elle a deviné cette envie là chez moi alors que j’avais presque fini par l’oublier… Quand j’étais enfant, dans ma famille, ce n’était pas une activité que l’on considérait comme une possibilité de carrière mais uniquement comme un loisir alors j’ai fait du droit et du journalisme mais – bien que j’aime profondément mon métier – je n’ai pas pu continuer à me mentir à moi-même ! Une passion finit toujours par s’imposer à toi, quoi que tu fasses ! (rires)
Être habituée au direct à la télé t’a aidée à apprivoiser la scène ?
C’est vrai que, que ce soit dans mon spectacle ou à Télématin, je ne peux jamais couper et recommencer si je me trompe ! (rires) On s’y habitue même si c’est effrayant les premières fois et puis, au fil du temps, ça nous apprend la spontanéité, la réactivité et surtout, ça nous forme à ne pas paniquer. Par contre, tout particulièrement dans l’émission de William Leymergie, il ne suffit pas d’être à l’aise et de déconner, il faut vraiment être imbattable sur le sujet que l’on présente donc, oui, Télématin a été très formateur…
La question de ta légitimité sur scène s’est faite sentir ?
Forcément je me suis posée la question, surtout qu’en débutant sur scène en ayant une petite décennie de carrière derrière moi, j’avais quelque chose à perdre… Surtout qu’on sait tous que les gens de télé sont très attendus au tournant quand ils s’essaient à autre chose alors ça a ajouté un poids supplémentaire à l’exercice ! (rires) En vérité, je n’ai pas eu de lubie, je ne désire pas changer de vie, je ne me considère d’ailleurs pas comme humoriste, je suis simplement une personne qui aime raconter des histoires depuis toujours !
Et ce sont des histoires vraies…
C’est peut-être grâce à ça que j’ai l’impression de ne pas trahir mon métier de journaliste car même sur scène, en effet, je dis toujours la vérité ! (rires) Dans Je change de fil, je raconte mon parcours personnel tout en m’évertuant à faire oublier au public que l’origine est autobiographique afin qu’il puisse s’identifier à son tour. Quand tu pars de Cannes pour vivre à Paris – comme j’ai quitté l’Iran pour la France -, ça reste un exil qui exige une adpatation continuelle. Les gens ne sont plus les mêmes, ne sortent pas au même endroit ou n’ont pas le même climat que celui que tu connaissais et ça, on est très nombreux à l’avoir vécu un jour. Alors bien que ce spectacle parle de moi à l’origine, j’ai la sensation qu’il touche énormément de gens…
Pour t’intégrer, la télé a joué un rôle essentiel…
En arrivant en France à 10 ans, je ne parlais pas un mot de français et c’est vrai qu’en dehors de l’école, je regardais la télé pour essayer de comprendre un maximum de choses. C’est comme ça que j’ai découvert Muriel Robin… Qu’elle soit humoriste ne m’intéressait pas mais j’ai immédiatement été fascinée par cette femme qui avait l’air si sûre d’elle, qui – comme moi – avait un bon débit de parole et qui semblait amuser son assemblée… En la voyant faire, j’ai tout de suite voulu savoir parler comme elle au point que je me suis même imprégnée de ses intonations ! (rires) Et quand je me sentais fragilisée ou menacée, instinctivement, je reprenais cette voix qui me donnait l’impression d’être inattaquable…
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© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Cyrus Atory
Interview parue dans Le Mensuel d’avril 2017 n°380 éditions #1 et #2
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