INTERVIEW
Miossec en interview
À travers son onzième opus sorti en septembre dernier, Miossec – considéré comme l’un des pionniers de la nouvelle scène française dans les années 90 – a prouvé, malgré ses craintes, qu’il avait toujours des choses à dire… Invitant l’auditeur à s’accorder le temps d’écouter des mots triés sur le volet dans l’espoir de le guider vers une certaine forme d’introspection, Les Rescapés résulte d’une folle envie de vivre pleinement et coûte que coûte…
« Il ne faut pas perdre de vue que l’on est toujours en sursis dans ce boulot… »
MORGANE LAS DIT PEISSON : Il paraît que vous êtes un peu tête en l’air…
CHRISTOPHE MIOSSEC : (rires) Oh que oui ! Et le téléphone fait partie des choses que je perds assez régulièrement… (rires) Je ne le fais pas exprès mais vu que ce n’est pas une préoccupation primaire, j’occulte ça assez facilement et d’ailleurs, la dernière fois que j’ai perdu mon portable, j’ai réussi à ne pas en ravoir pendant un petit moment ! (rires) C’est une toute autre vie quand on n’est pas pendu à cet objet car, mine de rien, il nous accapare beaucoup de notre temps ! J’ai fini par y revenir surtout pour les gens qui travaillent avec moi et pour qui c’est assez insupportable de ne jamais pouvoir me joindre…
Actuellement en tournée…
C’est un vrai bonheur et si un jour, je ne prends plus mon pied en étant sur la route, c’est que j’aurais de sérieuses questions à me poser ! On ne peut pas ne pas être heureux quand on sait qu’on a la chance d’avoir des gens qui répondent présent aux rendez-vous qu’on leur propose et puis, il ne faut pas perdre de vue que l’on est toujours en sursis dans ce boulot…
Des métiers grisants mais fragiles…
On n’a aucune garantie, aucun CDI et aucune tranquillité d’esprit quant au lendemain mais c’est le prix à payer quand on veut monter faire le malin sur l’estrade ! (rires) Et bizarrement, tout le stress inhérent à ces incertitudes s’empire au fil des années ! J’espérais qu’avec l’expérience, les angoisses qui accompagnent la sortie d’un nouvel album finiraient par s’évanouir mais au contraire, elles se font de plus en plus pressantes…(rires) Au bout de quelques années, on a déjà raconté pas mal de choses alors on se demande comment se réinventer tout en restant audible. Ce qui fait le plus peur finalement, c’est de tomber dans le radotage !
Un métier dont vous parlez dans L’aventure…
J’avais envie que les gens découvrent la vraie vie des artistes, celle des corps fatigués par la route, celle des esprits détachés de la réalité à force d’être toujours éloignés de leur quotidien et pourtant si connectés aux gens présents dans la salle… Il n’y a que dans ces moments là qu’un artiste peut atteindre le lâcher-prise qu’il recherche, cette sensation de ne plus être sur terre…
Pour composer Les rescapés, vous vous êtes imposé un cadre, ça oblige à être plus « astucieux » ?
Exactement, je reste persuadé que les contraintes ne nous empêchent jamais mais qu’elles nous poussent à nous surpasser. D’autant plus qu’aujourd’hui, avec la technologie, tout est devenu possible… Le champ d’action est tellement vaste qu’il m’a été essentiel de m’imposer des limites et je les ai choisies « artisanales » en enregistrant un peu « à l’ancienne » avec, entre autres, un piano et une boîte à rythme italienne…
Dans le choix du titre de l’album et dans les textes, le « je » s’est effacé…
On est tous – ou on le sera -, des rescapés de quelque chose, d’une tragédie personnelle ou d’un drame collectif mais il n’y a pas de peine qui prévale sur une autre… Ce titre, Les rescapés, a été une véritable évidence pour moi car il symbolise autant la catastrophe qui le précède que l’espoir auquel il va laisser place… C’est un tout petit mot qui rappelle combien être en vie est une chance même si ça ne suffit pas toujours à faire notre bonheur…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Julien T Hamon
Interview parue dans les éditions n°401 #1, #2 et #3 du mois de mars 2019
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