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INTERVIEW

Rachid Badouri en interview

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Avant de repartir vivre au Québec avec sa famille pour s’y ressourcer et y travailler son prochain spectacle, Rachid Badouri a choisi de s’offrir un dernier tour de France avec son second one-man Badouri rechargé. Sorte de suite d’Arrête ton cinéma ! qui nous l’avait fait découvrir, l’humoriste, plus intime, y aborde avec sincérité les moments importants de sa vie sans pour autant céder au pathos. Tout aussi spirituel que sensible, déchaîné et énergique, Rachid Badouri rappelle combien la « drôlerie » peut finalement être multiple…

 

 

RACHID BADOURI dans « Badouri rechargé » à Marseille le 10 mars

 


« Je n’avais jamais vraiment réalisé le pouvoir du rire… »


MORGANE LAS DIT PEISSON Enfin de retour après une petite pause forcée…

Rachid Badouri : En effet, j’avais dû annuler mes précédentes dates car j’ai attrapé une cellulite ! Quand le médecin m’a annoncé ça, j’ai explosé de rire mais ça n’a en réalité rien à voir du tout avec la peau d’orange ! (rires) C’est une maladie infectieuse assez grave qui fait enfler les jambes au point de ne plus pouvoir marcher… La fatigue et le surmenage n’arrangent évidemment pas la situation alors j’ai dû annuler 30 dates… Ça a été le moment le plus difficile de toute ma carrière ! Jusque là, je n’en avais annulé que deux, au décès de ma mère et lors de la pire tempête de neige qu’ait pu connaître le Québec… C’est extrêmement dur de se résoudre à ça car, au delà de notre déception à nous, il y a celle du public qui s’était organisé pour venir nous voir. 

Ne pas jouer a un impact sur le moral…

C’est incroyable comme ça peut ruiner le moral d’un humoriste d’être interdit de travailler ! J’étais couché devant Netflix dans un motel à cause d’un dégât des eaux à la maison… J’ai eu l’impression d’être vide et inutile… Les gens pensent souvent que de par notre métier, on est toujours « rigolo » mais comme tout le monde, tout nous atteint, on n’est pas surhumain… Que l’on se chicane avec ses proches ou que l’on vienne d’apprendre une nouvelle grave avant de monter sur scène, les spectateurs dans la salle ne doivent pas en pâtir car ils ont payé pour un service mais ça ne signifie pas que notre vie ressemble tout le temps à ce qu’ils voient. Malheureusement, on ne se réveille pas tous les matins avec un large sourire en chantant gaiement comme dans une comédie musicale ! (rires)

On a souvent une vision tronquée de l’artiste…

J’ai développé un genre de radar qui me fait sentir avec qui, connu ou non, je peux développer quelque chose… On n’y arrive qu’avec les années car c’est vrai que les gens se trompent sur nous ou s’intéressent parfois à nous pour de mauvaises raisons, comme si on était un faire-valoir… J’ai eu la chance de connaître ma femme bien avant d’être médiatisé alors j’ai la certitude qu’elle est réellement là pour la personne que je suis… 

Faire rire impressionne…

Je crois que chaque personne sur terre a un genre de « don » ou en tous cas une facilité à faire quelque chose. Moi c’est le rire… En dehors de quelques moments compliqués de l’existence, ce n’est pas « difficile » pour moi de divertir les gens en leur racontant des histoires. Ça peut paraître incroyable pour certains qui ne sont pas formés à ça mais ça me fait le même effet quand je vois un homme piloter un avion de chasse ou un pompier se jeter dans le feu pour sauver quelqu’un ! Je crois qu’il ne faut pas se laisser impressionner par les autres ni en être envieux car on a tous en nous un talent à développer, il faut juste le découvrir.

Badouri rechargé raconte ta vie après le premier spectacle…

Énormément de choses se sont passées et ont changé pendant le premier spectacle que ce soit personnellement ou professionnellement… Sur un mois de temps, j’ai vécu par exemple deux émotions incroyablement fortes et opposées : épouser la femme que j’aime et voir partir ma mère… Je ne pouvais pas ne pas en parler bien que ce soit un spectacle drôle. J’ai besoin d’être sincère avec le public et je tiens, chaque soir, à ne laisser personne indifférent dans la salle. Je suis conscient que les gens souffrent et qu’ils ne viennent pas uniquement au spectacle pour être « juste » divertis… S’ils se déplacent, c’est pour oublier leurs problèmes et parfois même pour retrouver un espoir.

On ne se rend jamais vraiment compte de la responsabilité que l’on a sur scène… Une fois, une femme est venue me voir à la fin du show et a déchiré devant moi sa lettre de suicide ! Elle avait prévu de mettre fin à ses jours car son cancer la faisait trop souffrir et elle s’était « offert » un dernier spectacle… Avant ça, je crois que je n’avais jamais vraiment réalisé le pouvoir du rire…

Ce genre de témoignages nous recadre un peu…

Si tu savais comme je peux me plaindre pour rien toute la journée ! (rires) Heureusement que je suis capable, à un moment, de relativiser et de réaliser que j’ai fait une montagne de pas grand chose mais c’est vrai que prendre conscience des malheurs qui touchent les gens aide réellement à moins se regarder le nombril ! Mais le problème c’est que cette petite part de sagesse n’est jamais durable car on recommence dès le lendemain ! (rires) 

S’attacher à des détails insignifiants est peut-être un instinct de protection…

Je pense que c’est en effet ce qui nous aide à avancer sans être en permanence désespéré par les malheurs du monde mais parfois, ça donne l’impression d’être un enfoiré ! (rires) J’ai honte quand j’y repense mais le jour où j’ai accompagné ma mère à l’hôpital parce qu’elle ne se sentait pas bien, je dois avouer qu’après dix ans de combat contre la maladie je m’étais un peu « habitué » et, au lieu de l’écouter, j’étais obsédé par un truc stupide… Quand le médecin m’a annoncé qu’elle allait mourir, plus rien d’autre n’avait d’importance mais la nature humaine reprenant le dessus… J’ai recommencé à râler ! (rires) Le problème, c’est que j’ai conscience d’être un peu extrême dans tout ce que je fais et si je ne me canalise pas, je peux vite sombrer dans un état quasi dépressif pour une chose sans grande importance. Ça peut aller très vite d’oublier la chance que l’on a quand on n’a pas de vrais problèmes…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Silo à Marseille • Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions n°400 #1, #2 et #3 du mois de février 2019

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