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INTERVIEW

Amanda Sthers en interview

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Passionnée par les histoires depuis toujours – tout particulièrement celles des gens qui l’entourent ou de ceux qui croisent son chemin -, Amanda Sthers n’a jamais cessé d’écrire tout ce que celles-ci lui inspiraient. Que ce soit sous l’apparence de romans, de pièces de théâtre, d’ouvrages destinés à la jeunesse ou de scénarios, l’auteure et réalisatrice semble se plonger avec la même gourmandise dans tous les registres à condition que la forme ne supplante pas le fond. Dans son nouveau long-métrage Holy Lands porté à l’écran par James Caan, c’est au sujet aussi vaste que complexe qu’est la famille que la délicate cinéaste s’est attaquée. Mettant en scène un homme parti élever des cochons en Israël loin des siens, elle expose entre autres combien il peut être difficile de dire aux gens qu’on aime qu’on les aime…

 

 

AMANDA STHERS pour son film HOLY LANDS au cinéma à partir du 16 janvier 2019

 


« J’aime m’effacer pour écouter les autres… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : HOLY LANDS COMMENCE À RENCONTRER LE PUBLIC…

AMANDA STHERS : C’est très touchant de voir des salles pleines et émues, qui rient d’abord et pleurent ensuite puis qui viennent me parler de leurs propres histoires après la projection… Certaines personnes m’ont confié qu’elles allaient appeler un père perdu de vue depuis des années, dire à une mère combien elles l’aiment avant qu’il ne soit trop tard et même revenir voir le film avec leurs familles afin que ces dernières comprennent certains de leurs secrets ou de leurs questionnements sans avoir à leur expliquer longuement… Réaliser que Holy Lands a déjà un écho et qu’à ma petite échelle je peux aider des gens à aller les uns vers les autres, c’est une magnifique récompense !

AIDER « L’AUTRE », EST LA 1ÈRE MOTIVATION DE L’ÉCRITURE ?

Les premiers écrits, qui ne sont souvent pas publiés, sont un peu des cahiers de doléances qui servent avant tout à évacuer sa propre douleur mais, plus on écrit, et plus il y a quelque chose de l’ordre de la religiosité et du don de soi. Une fois qu’on a dépassé cette phase d’introspection, on a envie d’aider les autres. C’est un travail d’empathie et d’altruisme où l’on essaye de transmettre ce que l’on a l’impression d’avoir compris. Je pense que la plupart des auteurs suivent le même but : que ceux qui les lisent s’aiment et s’acceptent un peu mieux…

AIMER SON SEMBLABLE…

Pour être auteur, il faut être empathique et surtout ne pas juger les gens… C’est pour ça que les personnages imparfaits occupent en général autant de place dans les romans et dans les films… J’adore répondre à vos questions mais ce que j’aime par-dessus tout c’est m’effacer pour écouter les autres ! Il n’y a rien de plus enrichissant que de s’asseoir près d’une personne âgée pour l’entendre parler de sa vie !

UN FILM QUI OUVRE L’ESPRIT…

Regarder le monde dans les yeux des gens qui nous entourent c’est vraiment le message du film… C’est une histoire de famille dans une grande famille qu’est celle des palestiniens et des israéliens. Ce sont des cousins fâchés qui devraient tenter de comprendre le monde à travers les yeux de l’autre puisqu’aucun des deux n’a vraiment tort et que la vérité se cache sûrement au confluent des deux, dans la construction de quelque chose de commun. Dans mon équipe de tournage, il y avait des israéliens juifs, des israéliens musulmans, des israéliens catholiques, des palestiniens musulmans et on a travaillé tous ensemble pour raconter une histoire… Ça prouve que quand on a un projet commun, on peut réussir à s’entendre où que l’on soit dans le monde et qui que l’on soit…

ÉCRIRE UN ROMAN ET ÉCRIRE UN SCÉNARIO…

Un roman, c’est un égoïsme gé- néreux puisqu’on écrit pour les autres mais un scénario, c’est, dès le départ, un objet imaginé pour que des talents viennent sublimer celui qu’on espère avoir ! (rires) Le rôle du réalisateur s’apparente un peu à celui du chef d’orchestre car, si ce dernier n’est rien sans ses musiciens, le réalisateur n’est rien sans ses équipes. Quand on écrit une histoire qui se destine à être filmée, on se doit de garder ça à l’esprit… C’est une écriture qui n’est pas figée et qui évolue en fonction de l’apport de chacun. Écrire un film c’est choisir une direction, proposer une intention et accepter de se laisser prendre par surprise.

LA RELIGION…

Je n’ai pas eu peur de l’aborder dans Holy Lands car je sais exactement ce que j’en pense, ce n’est donc pas un sujet qui me met mal à l’aise. Je comprends complètement que des gens aient besoin de se rapprocher de la religion car il y a des moments dans la vie où c’est salvateur de croire en quelque chose. C’est très beau à condition que les non-croyants soient respectés et que les extrémistes ne prennent évidemment pas le pas… La foi peut être quelque chose d’essentiel mais il ne faut jamais oublier que ce qui prime, c’est l’humain… C’est d’ailleurs ce que rappelle la scène où le rabbin pénètre dans l’église car, quand il est question de vie ou de mort, la religion doit savoir être reléguée au second plan.

LA FAMILLE…

Il n’y a pas réellement de schéma familial mais il existe une règle commune dans toutes les familles : celle du silenceElle n’est pas toujours placée au même endroit ni pour les mêmes raisons mais on attend tous, à un moment ou à un autre que l’on nous dise qu’on nous aime, qu’on est fier de nous et je crois qu’on se construit pour ou contre sa famille même si on pense en être affranchi. On finit toujours par désobéir ou suivre le chemin qu’on nous a tracé et en fonction de ça, on arrive à créer une relation plus ou moins harmonieuse avec ses proches. J’ai voulu que Holy Lands présentent des personnages qui arrivent à comprendre qui ils sont réellement au delà de ce que l’on attendait d’eux…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à l’Hôtel La Pérouse lors de l’avant-première organisée par le cinéma Pathé de Nice • Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions n°398 #1, #2 et #3 du mois de janvier 2019

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