INTERVIEW
Bigflo & Oli en interview
Si IAM, NTM et MC Solaar représentent la génération qui a permis d’ancrer solidement le rap en France, Bigflo & Oli font partie de celle qui est en train de réconcilier les détracteurs de ce genre musical avec lui-même. Armé de textes sensibles, matures et réalistes, le duo fraternel qui s’apprête à sortir son 3ème album – La vie de rêve – a choisi d’oser parler de ce qui le touche vraiment… De l’amour pour leur père aux problèmes de société en passant par les violences conjugales, les deux artistes dont le plus âgé n’a qu’un quart de siècle, ont su attirer en salles des publics riches de diversités…
BIGFLO & OLI en concert à Nice le 21 octobre
Nouvel album « La vie de rêve » sortie prévue le 23 novembre
en concert aux Nuits 2 Fréjus le 02 août 2019
« On s’est créé une armure pour deux, un véritable cocon… »
Morgane Las Dit Peisson : La tournée touche à sa fin…
Oli : Ça fait drôle, c’est la fin d’une aventure qui dure depuis un bon bout de temps car, même avant d’être connus, on ne s’arrêtait déjà pas de faire des concerts… Ceux de décembre à Paris marqueront la fin d’un premier cycle mais, avec la sortie du nouvel album – La vie de rêve -, quelque chose me dit qu’on ne tardera pas à repartir sur les routes ! (rires) En tous cas, entre les deux, on va en profiter pour se reposer un peu en savourant des petites choses toutes simples…
Le titre La vraie vie abordait le stress d’un 2nd album…
On ne sait jamais ce qu’il va se passer, ni si le public va aimer le nouvel album ni s’il aura encore envie de venir nous voir sur scène alors on essaye réellement de profiter au maximum de chaque petit moment que l’on vit aujourd’hui… À l’approche de la sortie du 3ème album, on n’est par contre étrangement pas réellement angoissés… Il y a évidemment une appréhension et une véritable envie de bien faire mais on arrive à se concentrer avant tout sur notre travail. On est resté très méticuleux et bosseurs pour offrir notre plus belle musique aux gens donc, quoi qu’il advienne, je crois qu’on pourra être fiers du résultat. On n’a plus cette sensation désagréable de boule au ventre car on sait que même si ça venait à moins bien marcher, on ne pourrait pas s’empêcher de continuer. On a vécu des choses exceptionnelles, on a conscience d’être très chanceux alors plutôt que d’avoir peur de ce qu’il se passera, on jouit au maximum de l’instant présent !
Bigflo & Oli, deux êtres en symbiose…
On se rend compte chaque jour, avec Bigflo, que notre relation fusionnelle, quasi inexplicable, est un véritable privilège ! Il y a entre nous un lien hyper puissant qui ressemble beaucoup plus à ce que doivent vivre des frères jumeaux… On se comprend sans se parler, on est tout le temps ensemble et quand ce n’est pas le cas, on s’appelle et on s’écrit toute la journée ! (rires) Pour fuir l’ennui et quelques soucis, on s’est créé, dès petits, une armure pour deux, un véritable cocon… Travailler entre frères…
Travailler ensemble a changé pas mal de choses sans pour autant entacher notre regard sur l’autre ainsi que notre belle relation. Par contre, il faut être honnête, on s’engueule beaucoup plus ! (rires) On arrive à se prendre la tête pour des détails à la con auxquels personne ne fera sûrement attention à l’écoute mais bizarrement, on est toujours d’accord sur les choix importants à faire ! (rires) On a appris à avoir une relation « professionnelle » en parallèle de l’amour que l’on se porte et puis Bigflo étant le grand frère, c’est aussi un peu lui le patron musicalement.
Vous êtes jeunes mais vos textes sont assez intergénérationnels…
Ça me touche de l’entendre et ça me touche de me rendre compte à chaque concert que l’on touche plein de gens très différents les uns des autres ! On hallucine consatmment que nos vies aient pu trouver un écho chez tant d’autres… On essaye vraiment de préserver et de cultiver cette simplicité et cette sincérité qui nous ont permis d’établir ce dialogue avec le public. On vit toujours à Toulouse, on a toujours les mêmes amis et on reste entourés de gens sains qui nous veulent du bien depuis le début… C’est, je pense, en grande partie grâce à ça qu’on peut continuer à écrire des choses aussi authentiques…
Des morceaux qui démontent les clichés que l’on peut avoir sur le rap…
C’est toujours difficile d’avoir un recul sur ce que l’on fait, mais je crois en effet qu’on a un peu « étonné » les gens au début. On est arrivé en « nous », avec nos complexes, nos défauts et notre manque de confiance sans jamais chercher à se faire passer pour autre chose. J’ai la sensation que ça a autant fait du bien au public qu’à des rappeurs qui avaient parfois tendance à grossir le trait ou à se créer un personnage beaucoup plus dur en passant derrière le micro. Au fil du temps, on voit que les rappeurs évoluent et que l’esprit des gens s’ouvre au point d’avoir rendu populaires des mecs comme Orelsan, Lomepal ou Soprano…
La vie de rêve, qui sortira le 23 novembre, a été enregistré aux États-Unis…
Une partie de l’album a été enregistrée là-bas tout simplement parce qu’on bosse avec deux musiciens américains mais s’ils avaient été norvégiens, on serait allé en Norvège ! (rires) Après, c’est vrai que c’est un gros bonus que de partir loin pour créer… Ça fait rêver, ça permet de se vider la tête, de se mettre dans une autre énergie et puis, c’est un peu comme un rêve de gosse pour un musicien de s’imaginer sortir d’un studio d’enregistrement dans une rue bondée de New-York, ça rappelle plein de films ! (rires) Sans compter qu’être à l’étranger nous a aussi plongés dans une bulle où personne ne nous reconnaissait et l’air de rien, ça permet de rester concentré à 100% sur l’artistique.
Un nouvel album qui ne s’appellera finalement pas La vraie vie 2…
On a finalement décidé de l’appeler La vie de rêve car on ne voulait pas mentir… Ce qu’on vit actuellement n’est plus réellement une « vraie vie » et on raconte d’ailleurs dans ce nouvel album combien on a déjà vécu de choses incroyables et inimaginables ! Mais, bien qu’on ait la chance de bénéficier en ce moment d’une vie extraordinaire, on reste attaché à nos vraies valeurs et on se surprend à apprécier encore plus fort ce qui, auparavant, nous semblait peut-être un peu trop simple…
Des rencontres avec IAM, JoeyStarr ou Jean Dujardin…
Pouvoir rencontrer des artistes comme eux et surtout travailler avec eux, ça les désacralise et ça nous rappelle qu’on est tous des êtres humains ! Ça peut paraître bizarre de dire ça mais étant nous-mêmes fans de certains, échanger avec eux nous a énormément appris sur le rapport à la célébrité… Cette dernière n’empêche ni le doute ni les craintes et pouvoir recevoir les conseils de personnes que l’on a admirées pendant des années est réellement un cadeau qui n’a pas de prix !
La célébrité permet de remplir les salles mais n’est pas évidente à vivre…
Sincèrement, je n’aurais jamais imaginé que ce serait quelque chose de si spécial à vivre ! Avec mon frère on a rêvé, petits, d’être connus alors c’est merveilleux de recevoir les encouragements des gens ou de voir se remplir des salles mais il faut reconnaître que c’est parfois un peu difficile à vivre dans la sphère privée… Il n’est pas rare que des gens viennent nous demander des selfies pendant qu’on est à table avec des amis, parfois sans même savoir qui on est vraiment ! (rires) Ce n’est jamais méchant, parfois juste un peu maladroit vis à vis de nos proches… Mais par rapport à tous les trucs démentiels que l’on vit, ce côté « animal de foire » n’est pas dramatique… Et puis, la plupart des gens ne sont pas impolis, au contraire, alors il faut se rappeler que tout ceci n’est qu’un jeu et que la personne que l’on a en face de nous n’est pas que le centième selfie de la journée mais une personne qui nous témoigne de son affection et qui nous permet de vivre pleinement aujourd’hui notre passion !
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Fifou
Interview parue dans les éditions n°397 #1, #2 et #3 du mois de novembre 2018
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