INTERVIEW
Ben Mazué en interview
S’il fait partie de ces artistes qui ne font pas – médiatiquement parlant – beaucoup de bruit, Ben Mazué est de ceux qui se construisent, pas à pas et artisanalement, une carrière sereine et durable… En tout juste dix ans, l’interprète mais également compositeur et auteur s’est en effet autant distingué par la qualité des narrations couchées sur ses trois albums que par leur musicalité irréprochable. La femme idéale, son dernier opus, s’impose d’ailleurs comme le parfait résumé de son savoir-faire et de sa sensibilité. Décortiquant toutes les phases que peut traverser un amour qui dure, la plume de Ben Mazué, poétique et déli- cate, témoigne avec pudeur et réalisme du temps qui passe et de son incidence sur nos existences…
BEN MAZUÉ en concert avec « LA PRINCESSE ET LE DICTATEUR »
AU FESTIVAL JACQUES A DIT DE CARROS LE 14 SEPTEMBRE • À L’OLYMPIA DE PARIS LE 14 NOVEMBRE
« J’ai besoin de travailler énormément… »
MORGANE LAS DIT PEISSON : EN PLEINE TOURNÉE LA PRINCESSE ET LE DICTATEUR TU AS PRIS LE TEMPS DE CRÉER UN SPECTACLE INÉDIT POUR LE MAS…
BEN MAZUÉ : En effet, il est réellement unique puisqu’il n’aura été joué qu’au Mas des Escaravatiers cet été ! L’an dernier, j’étais venu grâce à Medi – le réalisateur de mon album 33 ans – qui avait une carte blanche ici et j’ai adoré ! J’ai eu très envie de revenir mais j’avais un peu peur que mon spectacle ne soit pas tout à fait adapté à la configuration du Mas… Il est assez théâtralisé et se regarde assis et puisqu’il ne se prêtait pas vraiment au lieu, j’ai eu l’idée de proposer une création pour l’occasion et d’inviter Grand Corps Malade à participer au projet…
UNE « RÉCRÉATION »…
Je t’avoue que j’ai rapidement parlé de l’idée à Fabien avant qu’il ne soit trop pris par la tournée de son album et par le tournage de son nouveau film et par chance, il m’a dit oui ! (rires) C’est en effet une petite récréation dans nos emplois du temps, une jolie parenthèse pour lui comme pour moi… Ça fait du bien de bousculer ses habitudes de temps en temps !
UN STRESS SUPPLÉMENTAIRE ?
(rires) L’avantage, pour moi, c’est que je suis en compagnie de Fabien qui a une philosophie de vie assez relax qui lui permet d’ailleurs de s’attaquer à de multiples et gros projets ! En partageant la scène avec lui, je me sens protégé, j’ai l’impression d’être avec une sorte de tank et je n’ai vraiment pas peur ! (rires) C’est agréable de ne pas tout porter sur ses épaules.
ENTRE RÉ-ORCHESTRATRIONS ET PEU DE RÉPÉTITIONS, TU NE T’ES PAS FACILITÉ LA TÂCHE…
(rires) Et pourtant, pour être franc, j’aimerais bien parfois réussir à me la faciliter ! Je ne suis pas un musicien « facile » avec suffisamment d’aura pour emporter toute la salle grâce à mon chant et ma prestance ! (rires) Il faut regarder la réalité en face, j’ai besoin de travailler énormément et quelque part, je crois que je ne pourrais pas faire autrement… J’éprouve une véritable satisfaction quand je me donne à 100% et j’ai l’impression que le labeur est un peu devenu ma marque de fabrique.
TON DERNIER ALBUM S’INTITULE LA FEMME IDÉALE…
Je crois qu’on a tous en nous l’envie d’être aussi fort que l’image que l’on se fait de la femme idéale… Comme la plupart des femmes mais aussi des hommes d’aujourd’hui, je suis rentré dans une vie où j’ai fait des choix qui me prennent beaucoup de temps et d’énergie, mais auxquels je serais incapable de renoncer… On a tous la même pression et la même urgence de vivre qui nous pousse à aller au-delà de nos propres limites…
10 ANS DE NOUS EST UNE MAGNIFIQUE DÉCLARATION D’AMOUR À TA FEMME IDÉALE…
J’ai commencé à faire de la musique quand j’ai rencontré cette fille il y a dix ans alors elle a traversé mes albums… Elle m’a inspiré des chansons sur l’amour qui naît, sur l’amour qui dure et puis maintenant c’est sur l’amour avec des contraintes et des compromis qui nous ont parfois abîmés. Dix ans plus tard, on est un peu cabossé mais on peut être fier d’avoir traversé cette décennie ensemble !
LE TEMPS PASSE VITE…
C’est complètement effrayant et plus on vieillit, plus ça s’empire ! (rires) Par contre, c’est le signe aussi qu’on ne s’ennuie pas… C’est d’ailleurs quelque chose qui me manque un peu… J’ai la sensation que d’avoir accès à tout en permanence grâce à mon téléphone m’empêche de m’ennuyer hors, de l’ennui sont arrivées énormément de choses magnifiques dans ma vie ! Sans lui, par exemple, je ne me serais jamais mis au piano ou à la guitare tellement c’est chiant au début à apprendre… Et je me rends compte aujourd’hui, en tant que parent, qu’il serait important de laisser quelques plages d’ennui à nos enfants tant c’est bénéfique à la création. On est de moins en moins seul face à rien, même dans l’avion on a le Wifi ! (rires)
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Mas des Escaravatiers • Photos Martin Lagardère
Interview parue dans les éditions n°395 #1, #2 et #3 du mois de septembre 2018
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