INTERVIEW
Simon Astier en interview pour Le Mensuel en 2013 Série Hero Corp
SIMON ASTIER
Créateur de la série « Hero Corp »
« Je pense qu’on a au plus profond de nous les moyens de tout faire… »
Née sur la chaîne Comédie, la série de Simon Astier, Hero Corp, aurait bien pu, sans l’intervention musclée de ses téléspectateurs, mourir prématurément. Mais, telle une morale d’un de ses épisodes, la dite série fut sauvée in extremis grâce à l’association et la mobilisation spontanée de milliers de fans qui n’étaient pas décidés à se passer de leurs supers (presque anti) héros à qui ils ressemblent bien plus qu’ils ne peuvent se l’imaginer. Car sortis tout droit de l’imaginaire d’un jeune homme plus intéressé par l’humanité que par la surréalité, ces personnages un peu décalés ne sont qu’un reflet de ce qui se cache au plus profond de nous…
Simon Astier : Il y a plusieurs genres comme ça que j’avais envie de traiter. J’ai commencé ce métier en faisant des choses qui me plaisaient vraiment, qui me donnaient envie de me lever le matin et d’y aller en courant. Hero Corpest une série qui se passe chez les supers héros mais qui traite de problématiques très humaines. Elle évoque le poids de l’appartenance sur les épaules d’un type qui ne sait pas ni qui il est, ni d’où il vient. Par ailleurs, il y a aussi tout un ensemble de personnages qui, à première vue, sont de vieux supers héros rouillés mais qui, grâce à la force du groupe qu’ils forment, grâce à leur amitié, à leur fédéralité fait qu’ils peuvent toujours remuer des montagnes. Mais ça pourrait se passer partout, dans n’importe quel domaine… Même chez des dentistes ! (rires)
L’avantage chez les supers héros, c’est que l’on peut symboliser les choses avec un peu d’exotisme et pas mal de rêves. Quand je raconte une histoire, j’ai en général le réflexe de la situer dans un univers aux antipodes de ce que je vis et de ce que je connais. J’aime quand ça a un aspect un peu magique car, lorsque le cadre est fantastique, on peut dire plus de choses…
C’est la première série française qui s’attaque aux supers héros sur un ton décalé et humoristique, vous n’avez eu aucune crainte faire ce que personne n’avait jamais fait ?
Quand on a vingt ans, oui ! Après, on se rend compte que tout a déjà été fait mais que les possibilités sont quand même infinies. Ça dépend de notre point de vue et de ce qu’on raconte. J’aime bien le genre fantastique mais j’aime l’humour aussi. J’adore raconter une histoire tendue et la traiter en tant que comédie. Alors quand j’ai la sensation que ce que je fais est justifié, la crainte et l’appréhension me servent de réacteur, de propulseur. C’est une belle énergie cette pression !
C’était important, en touchant aux supers héros, de les humaniser, de les démystifier ? Ça insinue que nous aussi nous sommes capables de grandes choses ?
Oui parce que ce sont des problématiques qui me concernent, qui attirent mon attention. Je pense qu’on a au plus profond de nous les moyens de tout faire. On peut se créer les pires angoisses mais on peut également s’insuffler la force la plus surprenante du monde. Donc effectivement je suis un super héros aussi ! (rires) C’est une mythologie moderne, récente, que les américains ont fait naître pendant les crises et ont développé avec beaucoup plus d’ampleur pendant la guerre. Ce qui est original avec les supers héros, c’est qu’ils n’ont pas existé historiquement, ils se sont créés et ont évolué en fonction des époques et de la société. Aujourd’hui le héros moderne, c’est le petit gars qui n’a pas de pouvoir particulier mais qui va tout faire pour être sur Youtube et faire le buzz. Les thématiques chez les supers héros sont très humaines en réalité. J’y rajoute de la comédie car je considère que dans la vie il y en a tout le temps. Dans les pires circonstances de la vie on a recours à l’humour, c’est une manière de communiquer comme une autre.
John, votre personnage – qui est le seul à pouvoir sauver le monde – est un héros imparfait puisqu’il ne maîtrise pas ses pouvoirs qui passent leur temps à changer…
Exactement ! Il est comme nous, il est sur le fil. Quand il est en forme, qu’il est du bon côté et qu’il ne se pose pas les mauvaises questions, il a la capacité de se défendre contre tout. Quand on me demande quel est le pouvoir que j’aimerais vraiment avoir, je réponds que c’est celui-là. Si on était capable de se défendre contre toutes les attaques extérieures, ce serait le meilleur pouvoir !
Il est comme nous donc, en fonction de sa fatigue et de ses humeurs, il peut tout faire vaciller…
Tout à fait ! On est capable tout seul de se créer des crises d’angoisse, des poussées d’urticaire, de ne plus pouvoir respirer et de se rendre, au propre comme au figuré, malade tout seul, alors que quand on est sur un tremplin positif on peut se surpasser. C’est ce qui, à mes yeux, est passionnant dans l’espèce humaine, c’est ce qui me fascine.
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
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