INTERVIEW

Roland Giraud dans Joyeuses Pâques en interview pour Le Mensuel en 2013

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Roland Giraud


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en interview 

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ROLAND GIRAUD
 
 
  

Dans « Joyeuses Pâques »

 

« Rire, c’est une des choses les plus importantes dans notre vie,

le rire est le propre de l’homme et la vie est tellement difficile,

que ce serait suicidaire de s’en priver… »

Trois hommes et un couffin plus tard… Roland Giraud, tout comme ses deux acolytes de l’époque, est toujours bien présent dans sur nos écrans, sur les planches mais surtout dans nos coeurs. Revenu sur scène accompagné de la femme qui partage sa vie depuis de nombreuses années, il a choisi de rester fidèle au genre dans lequel il a toujours excellé, la comédie. Dans une oeuvre que nous connaissons quasiment tous par coeur, Joyeuses Pâques, il est comme un poisson dans l’eau malgré l’impressionnante vitalité que celle-ci réclame. Il faut dire qu’entre une véritable épouse, une fausse ex-femme, une vraie maîtresse, une fausse fille, un client coincé et des mensonges à volonté, il est nécessaire d’avoir une sacrée santé !

 

   

roland-giraud-interview-2013-CMorgane L : Vous êtes heureux de revenir nous voir à Cannes ?

Roland Giraud : Oui, la Côte d’Azur est une superbe région que je connais bien. Je suis même venu au Festival de Cannes auquel j’ai été invité deux ou trois fois mais ce ne sont pas des ambiances que j’aime particulièrement. Les gens étaient adorables avec nous bien sûr mais à mon goût, il y avait trop de monde, trop d’artifices, trop de choses bizarres qui n’existent pas au théâtre.

Tout est plus sincère, plus vrai au théâtre ?

Le vrai métier de l’acteur est au théâtre parce qu’on y est seul. Rien ne peut nous rattrapper, Il faut intéresser les gens pendant une heure et demie, voire deux heures et justifier le prix de leurs places car si on ne les intéresse pas, ils ne reviendront pas. On est seul, du lever au baisser de rideau tandis qu’au cinéma, aujourd’hui, avec les moyens techniques que l’on a, tout est quasiment possible. Je ne dénigre pas du tout le cinéma car j’aime ça sincèrement. Je fais en moyenne un film par an dont certains sont toujours dans la mémoire des gens, mais aujourd’hui, la durée de vie d’un film est de plus en plus courte. Et puis, le cinéma reste quelque chose d’un peu artificiel quand même, tout y est faux. Aujourd’hui, un acteur qui n’est pas très excellent, peut être bon au cinéma grâce aux effets spéciaux, au talent du metteur en scène, du monteur, du maquillage ou de la musique… Inconsciemment, les gens le savent. De plus, l’image est partout de nos jours, sur nos téléphones, nos écrans et bientôt sur nos montres alors elle n’est plus aussi magique qu’autrefois. Auparavant, il y avait l’écran de cinéma et la scène de théâtre, les deux étaient féériques. Au théâtre on est toujours obligé de
donner le meilleur de soi et de plaire aux gens.

Acteur de cinéma et acteurs de théâtre seraient presque deux métiers différents ?

Certains réussissent à faire les deux mais ça ne marche pas à tous les coups surtout pour ceux qui ne sont habitués qu’au cinéma. On ne peut pas raconter d’histoires au public. Il faut qu’il entende, qu’ils comprenne et qu’il aie du plaisir à nous voir sur scène. Un acteur très connu autrefois, Pierre Brasseur – le père de Claude – disait « Dans notre métier, ce n’est pas difficile, il y a trois sortes de comédiens : les bons, les mauvais et ceux qui plaisent. Les bons gagnent leur vie, les mauvais ont du mal et ceux qui plaisent sont vedettes » ! (rires) Et ça, on ne peut rien y faire, c’est ce qu’on appelle le charisme.

Mais au tout début d’une carrière, on n’est conscient de ces différences là ?

La seule conscience que j’avais lorsque j’ai débuté, c’est que j’avais tout pour ne pas y arriver ! (rires) Je ne connaissais personne, je venais de province, d’un milieu d’intellectuels, de médecins et de nobles fonctionnaires et j’étais un véritable nul, je n’avais encore rien fait. Simplement, je faisais rire les copains et je voulais être chanteur. J’avais tout faux ! (rires) Et finalement, j’ai gagné ma vie assez rapidement parce que j’étais un hystérique du boulot contrairement à d’autres. Quand je suis arrivé à Paris, j’étais un petit bourgeois de province, aux côtés de fils de nantis parisiens et je me demandais souvent ce que je faisais là… Avant de comprendre qu’ils étaient moins acharnés que moi mais qu’ils voulaient être vedettes. Moi, je voulais gagner ma vie en étant qu’artiste pour éventuellement, par la suite, devenir « vedette » – ce mot galvaudé qui ne veut plus rien dire – pour pouvoir avoir le choix des rôles.

J’ai tellement embêté tout le monde, j’étais tellement tenace et tellement à l’heure tout le temps qu’ils ont bien été obligé un jour de m’engager ! (rires) Et puis, il y a toujours aussi le facteur chance qui m’a permis de faire des films qui ont bien marché. J’ai eu la chance de rencontrer Coluche à l’époque où il était en train de devenir une énorme vedette. Il m’a fait jouer des rôles dans des films avec lui et j’ai fini par me rendre, non pas indispensable, mais opérationnel auprès des gens.

Quels ont été vos tout premiers pas dans ce métier ?

J’ai fait un chemin très curieux qui ne correspond finalement à aucun autre parcours d’acteur… J’ai commencé par faire des rôles à la radio, des doublages de films, j’ai ensuite joué en province des pièces que des acteurs connus qui avaient endossé le rôle à Paris ne voulaient pas assurer en tournée et j’ai appris mon métier comme ça. J’ai par la suite rencontré le café-théâtre à la grande époque, le Café de la Gare, le Splendid. J’ai joué avec eux, ils m’ont engagé pour ce que je représentais et on a fait des films et des pièces ensemble. Et hop, grâce à tout ça, je suis rentré au théâtre par la grande porte ! (rires) Ça m’a permis de bien connaître mon métier puisque j’étais passé par toutes les disciplines. Le hasard a voulu que ça fonctionne comme ça. Le public qui m’avait rencontré en province me rendait la politesse de venir me voir quand il montait à Paris. Puis, quand je repartais en tournée, il revenait me voir. Je me suis fait une petite « clientèle » ! Du coup, mes tournées aujourd’hui sont presque des vacances pour moi !

Et dans le théâtre, pourquoi avoir eu ce penchant pour la comédie ?

D’abord parce que j’aime l’humour mais aussi parce que c’est très difficile à faire, c’est extrêmement dur. On dit dans notre métier qu’un acteur qui fait rire saura faire pleurer, mais qu’un acteur qui fait pleurer ne saura pas forcément faire rire. Rire, c’est une des choses les plus importantes dans notre vie, le rire est le propre de l’homme et la vie est tellement difficile, surtout en ce moment pour beaucoup de gens, que ce serait suicidaire de s’en priver. Je pense qu’à l’heure actuelle, étant donné le climat de crise, si les gens veulent passer deux heures au théâtre, ils vont avoir une tendance à préférer une pièce qui les fera rigoler et qui leur fera oublier les dangers de la vie et de la politique, car ça, ils connaissent déjà ! Ils en sont abreuvés par les médias du matin au soir !

Et pour la pièce Joyeuses Pâques, les gens viennent alors qu’ils connaissent presque tous l’histoire par coeur…

Oui mais le film est quand même vraiment différent de la pièce. C’est très simple, Belmondo, après avoir vu la pièce qu’il avait adorée, a immédiatement voulu en faire un film. J’adore Jean-Paul mais, dans la version cinématographique de Joyeuses Pâques, il y a des cascades, des bagarres alors que dans la pièce d’origine, ça n’existe pas. L’intrigue de la pièce, et tous les hommes se reconnaîtront dedans puisque ça arrive à beaucoup d’hommes, c’est le thème de l’hypocrisie et du mensonge. Ce sont des sujets épouvantables dans la vie réelle, mais qui, au théâtre sont très payants ! (rires)

C’est ça qui marche fort au théâtre…

Bien sur, c’est la force du théâtre ! Il a le pouvoir de corriger les moeurs, mores castigat ridendo… Tout ce qui est insupportable dans la vie devient hilarant sur scène. Un prétentieux, par exemple, qui serait détestable en vrai, devient au théâtre un gros con qui fait rire tout le monde. Les situations dans cette pièce sont d’une force incroyable ! Vous êtes chez vous avec votre petite amie et votre femme débarque alors qu’elle devait être au Venezuela… Vous pouvez imaginer la situation ! Quand on la raconte, on est mort de rire alors que quand on la vit, on fond en larmes… (rires) C’est la magie de la comédie.

Jean-Luc Moreau a signé la mise en scène…

C’est un spécialiste du genre. Le talent du metteur en scène est de nous apporter tout ce qu’on ne fait pas automatiquement. La pièce est formidable mais il a offert un plus à la pièce, il l’a enrichie magnifiquement. Le seul problème pour lui, est qu’il a été obligé de me supporter pendant deux mois, mais dans la vie; vous le savez, on n’a rien sans rien ! (rires) Il donne un rythme tel que c’est la seule pièce que je ne peux pas jouer deux fois le samedi comme j’ai l’habitude de le faire. D’abord parce qu’elle est longue mais aussi parce qu’elle est vraiment trop fatigante ! Je me donne beaucoup, comprenez-vous ? (rires) Entre une femme, une maîtresse, une fausse ex-femme, et le public, je n’arrête pas !

Vous avez pris goût à jouer avec Maaike Jansen, votre épouse…

C’est la deuxième fois, en quarante-sept ans, que nous sommes ensemble sur scène. La première fois, c’était pour Le technicien. Moi j’y ai pris goût, oui, mais elle moins ! (rires) Parce qu’elle me supporte déjà toute la journée alors le soir en plus, j’ai l’impression que ça fait beaucoup. Je vois l’administrateur de la tournée qui rigole parce qu’il est témoin de ça et il se demande s’il dînera avec nous ce soir… (rires) Mais rien n’est moins sûr ! (rires) Par contre, les copains, eux, rigolent beaucoup parce que je suis très proche du personnage dans la vie. C’est un type très énergique, qui peut raconter de gros mensonges pour arranger des « bidons » comme on dit, mais cette fois, dans la pièce, ça tourne mal pour lui, il ne sait plus quoi faire, il est coincé ! C’est formidable comme situation !

Le personnage a été très connu, ce n’est pas un handicap ?

Non pas du tout. Je le joue avec ma propre nature, je ne peux pas le jouer comme le faisait Poiret. Il avait son style bien à lui, il pouvait redire quinze fois la même chose là sans donner l’impression d’en rajouter. On n’a pas le même débit de parole mais ça colle formidablement ! C’est un personnage qui est très proche de moi et je le dis sans prétention, je n’ai pas eu besoin de beaucoup le composer.

Oui mais pas pour son côté infidèle ???

Nooon ! (rires) Moi je suis le contraire d’un infidèle ! Je suis fidèle en tout, en amitié, en amour, en travail. Je n’ai même pas de défaut ! C’est pour ça qu’il aurait été intéressant que Maaike soit là, vous l’auriez entendu rigoler. Elle vous aurait évidemment dit que je suis parfait et surtout, que je suis drôle ! Même là pendant une interview ! C’est difficile d’être drôle pendant une interview car en général c’est un peu trop sérieux…



Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Montage vidéo réalisé par Aurélien Didelot
Interview parue dans l’édition n°343 de Décembre 2013
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