INTERVIEW
Stacey Kent en interview pour Le Mensuel en 2013 album The changing lights
STACEY KENT
Album « The Changing Lights »
« Grâce à mon grand-père, j’ai appris très tôt le pouvoir des mots… »
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Stacey Kent, la belle américaine, est une amoureuse, une passionnée. De musique certes, mais aussi et surtout des mots, des histoires et des cultures…
Dans son dernier album, The Changing Lights, l’artiste nous offre un voyage au coeur du Brésil où les rythmes sont langoureux et les mélodies sont chaudes,
et où elles ont le pouvoir de tout nous faire oublier. Un album qu’elle a choisi de faire découvrir à la France, pays qu’elle affectionne particulièrement grâce à un grand-père à qui elle doit, en partie, l’amour qu’on lui porte et sa décoration de l’Ordre des Arts et des Lettres…
Stacey Kent : Je vous avoue que je n’ai jamais vraiment été intéressée par les questions de genre. Je suis avant tout une musicienne, je joue ce qui est là, tout au fond de mon coeur. Ma musique est vraiment honnête et ce que j’aime particulièrement, c’est de pouvoir raconter des histoires. Qu’elles se développent sur un rythme jazz n’a jamais été un choix mais une évidence. J’aime la sensualité qu’offre le jazz mais je ne pense jamais au style…
Vous souvenez-vous de vos toutes premières références ?
Je n’ai pas, je crois, le souvenir du premier morceau de jazz que j’ai entendu… (rires) Il y avait beaucoup de musique à la maison ! Ma mère écoutait beaucoup Maria Callas qui est devenue une des voix les plus importantes à mes yeux. Une voix tellement forte et pourtant si fragile, intense mais douce à la fois… C’est une voix qui m’a beaucoup touchée. J’écoutais aussi énormément la musique plutôt hippie, rock et folk de mes aînés mais également les musiques de films… Tout ça m’a donné la chance d’avoir un univers musical assez étendu.
Malgré ces influences multiples, vous avez eu envie de rendre hommage à la musique brésilienne dans votre dernier album The changing lights ?
Sincèrement, je crois que j’ai toujours su au plus profond de moi qu’un jour je ferai cet album. J’ai toujours désiré faire un disque qui regroupe de telles mélodies mais ce n’est qu’au moment où j’ai entendu la chanson qui avait été écrite pour moi – The changing lights – par mon mari Jim Tomlinson et l’écrivain Kazuo Ishiguro, que j’ai compris que c’était le moment de le faire. Cette chanson était à la fois le titre et l’univers que je désirais créer. J’ai fait d’énormes recherches pour trouver les chansons qui iraient le mieux ensemble et ça a donné naissance à cet album plein de désirs, d’un peu de nostalgie mais rempli d’espoir. Ça reflète parfaitement la jeune fille optimiste et mélancolique que j’étais.
On retrouve des standards brésiliens mais aussi des créations. C’était important de faire cohabiter ce que vous aimiez et ce que vous faites ?
Tout à fait et c’était encore une fois très naturel. Leur plus grand point commun est qu’elles traitent toutes de la condition humaine, leurs histoires sont universelles et c’est un immense plaisir pour moi d’interpréter ces chansons là, y compris celles qui m’ont précédées, comme si elles avaient été écrites pour moi… Bizarrement, cet album est peut-être le plus personnel de tous ceux que j’ai fait. Ça a été un cheminement très profond, ça a demandé une grande concentration mais ça en valait la peine !
On se laisse vite embarquer par la chaleur et la douceur de cette musique et de votre voix…
C’est en grande partie cette chaleur qui m’a séduite dans la bossa nova. Je suis quelqu’un de très émotionnel mais sans drame, c’est pour ça que c’était naturel pour moi de me diriger vers une musique qui a à la fois cette intensité et cette légèreté. Cet album n’a pas été enregistré au Brésil mais à Londres et c’est la preuve qu’en fermant les yeux et en se laissant transporter, la musique peut nous conduire là où notre âme a vraiment envie d’aller. J’ai eu le choix de partir mais j’ai pensé que le résultat serait plus profond si j’effectuais ce voyage musical par la pensée…
Avant cet album consacré au Brésil, il y a eu Raconte-moi, qui lui, rendait hommage à la France…
Oui car j’aime énormément votre pays. J’aime cette langue imagée qui n’a jamais peur de jouer avec les mots, cette langue qui nous permet d’exprimer les choses tout en les ressentant, de penser avec le coeur et de ressentir avec la tête, c’est ça qui est délicieux dans la culture française ! (rires)
C’est votre grand-père qui vous a offert cette culture ?
Oui il m’a fait un cadeau magnifique en choisissant de partager cette langue française avec moi. À l’origine, sa démarche était un peu égoïste ! (rires) Il était malheureux de vieillir loin de la France alors l’idée de pouvoir rencontrer à nouveau cette culture en « utilisant » sa petite-fille, lui a fait énormément de bien et à moi aussi, car on avait un lien très spécial tous les deux… J’ai adoré cet homme qui avait tant à offrir, ce grand-père dont les yeux s’illuminaient lorsqu’on lisait de la poésie française… Grâce à lui, j’ai appris très tôt le pouvoir des mots.
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview parue dans l’édition n°343 de Décembre 2013
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