INTERVIEW
Boris Wilensky en interview
S’il repassera par Fréjus avec sa désormais fameuse exposition Hurban Vortex d’ici quelques semaines, le photographe Boris Wilensky s’est déjà offert une petite halte à l’Hôtel Van Der Valk, à Pâques, pour y réaliser un tout nouveau projet. Intitulé The Faces of Martinus, celui-ci ne tardera pas à s’afficher sur les murs de l’établissement qui désirait que les visages de ses clients et de son personnel s’offrent une petite part d’éternité… Passionné par l’humain mais aussi par les milieux naturels et transformés au coeur desquels il évolue, l’artiste, reconnu pour la puissance de ses portraits d’anonymes, semble être en perpétuelle recherche d’une certaine vérité que seule la profondeur d’un regard peut peut-être délivrer.
Boris Wilensky • Projet « The Faces of Martinus » à Fréjus • Expo « Hurban Vortex » du 04 au 08 juin à l’Hôtel des Ventes de Fréjus • Soirée et vente aux enchères « Hurban Vortex Party » le 08 juin à l’Hôtel des Ventes de Fréjus à partir de 21h
« Le visage est un parchemin vivant… »
Morgane Las Dit Peisson : Tu es venu fin mars à Fréjus pour mettre sur pied un projet spécial, The faces of Martinus…
Boris Wilensky : Sidney Harlow, qui s’occupe de la communication du Martinus et qui connaissait mon travail de portraitiste m’a soumis son envie de dégager une ligne artistique basée sur les expressions et les émotions des visages à la fois des clients et du personnel du restaurant Martinus. Ça m’a séduit et je suis ravi à l’idée que ça puisse par la suite prendre vie sous forme d’une exposition dans les lieux même du shooting.
Travailler « sur commande » est assez inhabituel pour toi…
C’est vrai que ce n’est pas quelque chose que j’aime particulièrement faire en temps normal mais la « condition » en m’engageant dans ce projet était que je le fasse à ma façon. C’est essentiel de conserver sa liberté et d’avoir carte blanche pour créer.
On retrouvera également en juin le projet Hurban Vortex…
Ce sont des clichés que j’ai fait en Asie pendant six mois. C’est une chance de pouvoir se permettre de prendre du temps pour « traîner », scruter et dénicher de l’humain, de l’émotion et de véritables « tronches »… Quoi que je reste persuadé que tout le monde en a une, il suffit d’arriver à faire en sorte que la personne que l’on photographie décide de nous donner quelque chose… Ça passe par un travail de préparation pour que la lumière habille le regard mais ça passe surtout par une phase de discussion essentielle pour que la personne se sente suffisamment à l’aise et m’offre quelque chose de saisissant. Le regard est le miroir de l’âme, il faut qu’une certaine complicité s’installe entre un photographe et un modèle pour que ce dernier accepte de livrer une part de son intimité. Ça tient presque de la magie parfois…
Le visage raconte souvent qui l’on est vraiment…
C’est vraiment un parchemin vivant… Le visage se marque avec le temps et porte les stigmates de l’histoire de son « propriétaire »… La peau raconte beaucoup de choses et c’est ce jeu de matières que je trouve si intéressant.
Ça devient rare de voir ce type de portraits à une époque où l’on triche sur les apparences…
Je trouve aussi que c’est dommage de laisser le lisse et le botoxé prendre le pas sur l’histoire des gens… Il y a une sorte de ligne de vie qui est racontée par les rides, les cicatrices ou les irrégularités, c’est dramatique de vouloir les supprimer car c’est, à mes yeux, comme tuer une partie de soi. J’aime ces détails, j’aime m’en rapprocher au maximum pour me plonger dans leur profondeur afin d’essayer d’en découvrir tous les secrets…
Il faut être fasciné par l’humain…
Je crois qu’on ne peut pas faire un bon portrait sans passion en effet… Quand je pars à l’étranger et que je ne connais pas la langue, sans cette passion qui m’anime, je ne pourrais pas essayer de faire comprendre au modèle ce que j’attends de lui. Il arrive un moment où au delà des gestes et des mots – si on s’intéresse profondément à « l’autre » -, ce sont les émotions et les sensations qui s’expriment pour que surgisse une certaine alchimie…
L’humain tente d’être supérieur au temps qui passe mais aussi supérieur aux éléments…
Il y a vraiment de ça dans le travail de surimpression que j’ai fait sur Hurban Vortex, les visages se mêlent aux paysages transformés par la main même de l’homme, à ces villes qui finissent souvent par déshumaniser leurs créateurs… L’art m’intéresse quand il permet de confronter des contrastes et donc des réflexions…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Boris Wilensky
Interview parue dans les éditions n°391 #1, #2 et #3 du mois d’avril 2018
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